Libérés des djihadistes, les étudiants retournent à l'Université de Mossoul en Irak (reportage)

Le directeur du centre informatique de l'université de Mossoul posant au milieu des décombres du centre qui a été pillé puis incendié.

© PHILIPPE DESMAZES - AFP

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Par De notre correspondant en Irak Wilson Fache

Moins d'un an après la reconquête de la "capitale" du groupe État islamique, des milliers d’étudiants issus des minorités persécutées par les djihadistes sont déjà de retour à l’université de Mossoul. Chrétiens, Yézidis, Shabaks ou encore Sabéens...

Entre peur de l'autre et espoir, le campus ravagé par les combats est l'un des rares endroits dans le nord de l'Irak à réunir ces communautés séparées par la guerre.

Il est 7h15 lorsqu'un coup de klaxon brise le silence. Maryam, 24 ans, grimpe avec son frère cadet dans le bus qui accueille déjà une quinzaine d'étudiants. Période d'examen oblige, cette jeune chrétienne, étudiante en médecine, a les yeux rivés sur ses cahiers dans un silence religieux. Direction Mossoul.

"Mes parents ont peur que mon frère et moi étudiions à Mossoul, mais ils ne peuvent pas nous empêcher d'aller en classe. Parce qu'il s'agit de notre futur, nous devons continuer. Donc ils ne peuvent que prier pour nous", explique cette étudiante.

Le campus universitaire accueille désormais des centaines d’étudiants chrétiens mais aussi de nombreux Yézidis, une communauté qui a subi un "génocide" aux mains du groupe État islamique. Il y a quelques années encore les femmes de ce groupe ethno-religieux étaient vendues à Mossoul sur des marchés aux esclaves. Mais pour Rhaba, étudiante en gestion de 22 ans, il faut maintenant penser au futur : "Bien sûr au début nous avions peur, mais maintenant la situation est bonne. Nous nous sommes fait des amis dans notre département. Des gens de Mossoul, des musulmans. Nous avons des relations amicales, on traîne ensemble, on mange ensemble. Nous sommes tous des étudiants."

Mais Rahba tout comme Myriam avoue, qu'à de rares exceptions près, elles ne font pas confiance aux habitants de Mossoul. Pour elles, quelque chose s'est brisé : "J'ai très peur des habitants de Mossoul qui sont restés pendant l'occupation de l’État islamique. Quand on ne peut pas faire confiance aux gens, on a peur d'eux."

Les responsables universitaires veulent pourtant croire à un retour de toutes les minorités, non seulement à l’université, mais aussi dans la ville. Mohammed Zuhair Zaidan, directeur adjoint du département de français : "Le campus universitaire joue un rôle prépondérant, très important, pour encourager les minorités à rentrer. Et c'est ce que nous voyons maintenant. Les étudiants parlent à leurs parents. Parce qu'ils viennent tous les jours à l’université. Ils voient quand des les rues et sur le campus il n'y a pas de problème, il n'y a aucune menace."

Sur le campus, les travaux battent leur plein pour reconstruire les bâtiments endommagés dans les combats. Mais étudiants et professeurs savent qu'il sera autrement plus difficile de rebâtir les ponts entre communautés.

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