SNCF: vive la fin du service public «à la française!»
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Recul du soutien populaire, fissure du front syndical, érosion du taux de grévistes, résistance de l’exécutif, vote du pacte ferroviaire par les députés… Au sixième round de mobilisation des cheminots de la SNCF, il devient patent que 2018 ne sera pas 1995 : pas de grève par procuration, pas de convergence des luttes, pas de retournement des sondages en faveur du statu quo. Sans présager de la suite, le gouvernement paraît en passe de gagner la bataille de l’opinion, un mois après le début des hostilités. Et de profiter, dans son action réformatrice, de cette nouvelle donnée : la défense aveugle du «service public à la française» est enterrée.
Unique en Europe, ce chef-d’œuvre national a vécu. Les europhobes incrimineront Bruxelles et son obsession de la concurrence. Ils se trompent. La Commission européenne laisse à chaque Etat le soin de gérer ses «services d’intérêt général» ; les traités reconnaissent même leur rôle «dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale». La vérité, c’est que nos services publics pâtissent de leurs propres défaillances : ils sont toujours plus coûteux et inégalitaires pour une moindre qualité. Au point de fragiliser la confiance des Français dans l’Etat providence.
Fini donc l’amalgame entre service public et intérêt public. Finie aussi l’illusion de l’indépassable puissance du monopole public, modèle usé jusqu’à endommager le pacte républicain dont il se prévaut. Finie enfin cette terreur idéologique qui a trop longtemps fait de l’usager un payeur sans voix au chapitre, ni droit de regard sur les statuts généreux des agents ou l’efficacité du «service au public».
Avec la réforme de la SNCF, le gouvernement va ainsi disposer d’une ouverture pour refonder le service public alors qu’avec un taux de dépenses publiques record, l’hôpital, les prisons, l’université ou la justice sont au bord du collapsus – place à la concurrence et au privé partout où l’Etat ne peut pas faire mieux. Qu’il profite de ce quitus libéral.
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