Sublime Delphine Seyrig

Delphine Seyrig en 1967 dans "Baisers volés" de François Truffaut  ©AFP - Collection Christophel / Francois Truffaut Les Films du Carrosse united artists
Delphine Seyrig en 1967 dans "Baisers volés" de François Truffaut ©AFP - Collection Christophel / Francois Truffaut Les Films du Carrosse united artists
Delphine Seyrig en 1967 dans "Baisers volés" de François Truffaut ©AFP - Collection Christophel / Francois Truffaut Les Films du Carrosse united artists
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Pour Marguerite Duras, avec qui elle a tourné le vertigineux India Song, elle était la plus grande comédienne de France et peut-être du monde entier. Delphine Seyrig était avant tout une voix...

Une voix d’instrument à corde, avec une diction si particulière, comme suspendue à sa respiration. Elle avait aussi une présence magique, une démarche gracieuse et impériale, un jeu précis et ciselé. 

Elle est à jamais la Fée des Lilas de Peau d’Âne, enquiquineuse et charmante, magnifiée par l’enchanteur Jacques Demy. Cette actrice rare et mystérieuse a disparu le 15 octobre 1990, dix jours avant Demy lui-même, à l’âge de 58 ans. 

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C’est à Beyrouth, dans la plus belle lumière du monde dira-t-elle, que Delphine voit le jour. Par sa mère, qui était aristocrate et femmes de lettres, elle descend de l’aristocratique famille De Saussure. Elle est élevée dans un milieu protestant, et connaît une enfance itinérante au gré des affectations professionnelles de son père archéologue. 

Elle a vingt ans lorsque ses parents rentrent des États-Unis et s’installent à Saint-Étienne. Elle y prend des cours de théâtre auprès de Jean Dasté, grand maître de la décentralisation théâtrale. Puis, elle se marie avec le peintre Jack Youngerman, dont elle a un petit garçon, et retourne vivre aux États-Unis. À New York, elle suit le cours de l’Actor Studio. 

C’est là qu’Alain Resnais la découvre, dans un petit théâtre off de Broadway. Il en fait l’héroïne mystérieuse et éthérée de son film puzzle L’année dernière à Marienbad. Ce film maniéré, unique, fascinant, remporte le Lion d’or à Venise 1961, mais divise la critique et encore plus le public en créant une vraie bataille d’Hernani. 

Delphine Seyrig devient alors l’égérie du cinéma d’art et d’essai. Outre Alain Resnais et Marguerite Duras, elle tourne avec la crème du cinéma mondial : Bunuel, Losey, Truffaut, Monicelli, Zinnemann... 

Elle parvient aussi à concilier avec bonheur sa carrière cinématographique avec sa présence continuelle et fidèle sur les scènes de théâtre de Paris, Londres et New York. Véritable aventurière des planches, elle s’est risquée à des registres très différents : la comédie élégante avec L’Aide-mémoire de Jean-Claude Carrière, le théâtre anglais avec Pinter, Saunders, Ayckbourn, les paris scéniques les plus fous, les plus avant-gardistes avec Fernando Arrabal et Peter Handke. 

Comment parler de Delphine Seyrig sans évoquer sa lutte pour les droits des femmes ? Elle est bien sûr une féministe emblématique des années 70, de cette époque où elles ne détestaient pas les hommes, et signe le Manifeste des 343 en 1971. Elle va jusqu’à déclarer à la télévision : « L’avortement est un droit », devant un ministre médusé par tant d’aplomb. 

Pour libérer la parole féminine dans le milieu du cinéma, elle réalise en 1976 le film reportage Sois belle et tais-toi. C’est une suite d’entretiens qu’elle mène avec 23 actrices de tous les pays, dans lesquels elles évoquent leurs expériences professionnelles et leurs relations avec les réalisateurs. En ces temps d’affaire Weinstein, c’est un témoignage salutaire à redécouvrir absolument. 

Pour paraphraser Antoine Doinel dans Baisers volés, Delphine Seyrig laisse l’empreinte d’une « apparition ». Mais ce sont encore les mots de Jean-Claude Carrière qui lui offrent le plus beau des hommages : « Quand je pense à elle, c’est comme s’il y avait un parfum d’un type tout à fait singulier qui rentrait dans la pièce et qui était elle ». 

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