L'Allemagne, aux abonnés absents

Les limites de la diplomatie à la Merkel. ©AFP - CHERISS MAY / NURPHOTO
Les limites de la diplomatie à la Merkel. ©AFP - CHERISS MAY / NURPHOTO
Les limites de la diplomatie à la Merkel. ©AFP - CHERISS MAY / NURPHOTO
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Le gouvernement Merkel IV semble frappé de paralysie.

Comment la presse allemande réagit-elle à la différence de traitement réservé par Trump à la chancelière et au président de la République ?

Visite d’Etat, tapis rouges et tapes dans le dos pour les Macron. Froide poignée de mains, courte visite pour Angela Merkel. "Le Donald" n’a pas oublié la manière dont la chancelière allemande avait accueilli son élection, la petite leçon de libéralisme et de multilatéralisme qu’elle s’était crue autorisée à lui administrer à cette occasion. Mais de quel poids pèse l’Allemagne pour donner des leçons à la Grande Amérique ? Merkel s’était trompée d’époque. Elle se croyait encore à l’ère des Clinton/Obama… Elle n’avait pas compris le tournant que symbolisait l’arrivée de quelqu’un d’aussi extravagant que Trump à la Maison Blanche. 

Au contraire, Emmanuel Macron, selon der Spiegel, a très vite compris ce qu’un tel phénomène signifiait – sa propre victoire reposant sur un rejet des élites politiques traditionnelles. Et – je cite l’hebdomadaire allemande « il a saisi tout ce qu’il pouvait tirer personnellement de la présidence Trump ». Il ne l’a pas interprétée comme un accident, mais comme la confirmation de certaines de ses analyses sur le retour du tragique en histoire. Le jeune président français a construit son rapport intime avec le vieux président américain en se présentant à la fois comme son antithèse absolue et son plus proche allié. Trump dit de lui : « Ce gars est intelligent et il est fort. Je l’aime bien. C’est mon ami. » Et du coup, il voit en Macron – je cite toujours der Spiegel, son « principal point de contact avec l’Europe ».

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Longtemps, les observateurs ont considéré que sa sobriété et son réalisme permettaient à Merkel de traiter avec efficacité face à des hommes à l’égo surdimensionné. Et il est vrai qu’elle s’est montrée habile, lors de négociations difficiles tant avec Poutine, que face à Erdogan. C’est bien la chancelière allemande qui a arraché, en février 2015, l’arrêt de la progression des troupes russes en Ukraine, contre la non-livraison d’armes à ce pays par les Etats-Unis. Tandis que – selon der Spiegel, François Hollande « dormait à la table, Merkel s’activait à sauver la paix mondiale. » A Erdogan, elle a acheté à coups de milliards d’euros le contrôle du robinet migratoire vers l’Europe, afin d’éviter une réédition de la crise de 2015/2016, terrible secousse pour sa propre autorité.

Mais face à Trump, mégalomane encore plus retors que les précédents, Merkel paraît hors du coup… 

Personne n’a compris à Washington la position allemande sur la punition infligée au régime de Bachar al-Assad pour avoir, une nouvelle fois, utilisé des armes chimiques interdites contre des populations civiles. Berlin avait opté pour un « soutien sans participation »… 

Cela fait un an qu’il n’y a plus d’ambassadeur des Etats-Unis à Berlin. Et le candidat à ce poste soutenu par Trump a tweeté que l’Allemagne aurait dû s’associer aux frappes américano-franco-anglaises. L’Allemagne ayant ouvert en grand la porte aux réfugiés syriens, aurait dû avoir sa place à la table de négociation sur l’avenir de ce pays, mais n’ayant joué strictement aucun rôle militaire dans la gestion de la crise, elle ne saurait prétendre en jouer un quelconque dans son règlement politique, avertissent à présent les Etats-Unis.

La passivité allemande a de profondes racines historiques.

Judy Dempsey, la meilleure spécialiste des questions européennes au think tank américain Carnegie Endowment n’y va pas avec le dos de la cuillère pour fustiger l’apathie du gouvernement Merkel IV. « La passivité allemande a de profondes racines, écrit-elle. La classe politique allemande manque de pensée stratégique, elle _déteste le risque et a très peu de courage__. Elle se cache derrière le passé ignominieux du pays pour justifier son pacifisme, lorsqu’on arrive dans le dur sur les questions de défense et de sécurité européennes. Elle se cache derrière l’épouvantable inflation des années 20 et 30, pour justifier une rigueur budgétaire qu’elle propose en modèle aux autres pays_. » 

Et de donner quelques aperçus de l’état désastreux dans lequel le gouvernement allemand a laissé s’enfoncer ce qui lui reste de forces armées. Leurs Tornados sont si anciens qu’on n’est pas sûr qu’ils peuvent encore communiquer avec d’autres avions de combat de l’OTAN. En 2017, le rapporteur au Bundestag de la Commission des forces armées a révélé qu’aucun des sous-marins dont dispose le pays n’était en état de prendre la mer. Les militaires manquent de gants. Leurs baraquements sont si mal entretenus qu’ils doivent fréquemment les équiper eux-mêmes et à leurs frais en chauffages d’appoint…

Judy Dempsey critique vertement le jeu dangereux de Manfred Weber, CDU, patron du Parti Populaire Européen, qui protège de facto le FIDESZ de Viktor Orban au Parlement européen. De même, Angela Merkel, obsédée par la nécessité du rapprochement avec la Pologne, s’est bien gardée de critiquer ouvertement le gouvernement traditionaliste issu du parti Droit et Justice, comme le fait Macron. 

Enfin, Merkel aurait dû se dégager de l’affaire du pipeline Nord Stream 2, bel exemple « d’aveuglement stratégique », puisque l’objectif de ce pipeline est de court-circuiter l’Ukraine. Plutôt que de diversifier ses sources d’énergie, les compagnies allemandes préfèrent cajoler Gazprom. Merkel prétend que la logique qui sous-tend ce projet est purement commerciale. C’est une vue bien naïve, qui prétend ne pas voir les dimensions géo-stratégiques du proj

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