Huit choses que vous ignorez encore sur « Le Grand Bleu »

Le 11 mai 1988, « Le Grand Bleu » prenait d’assaut les salles de cinéma, devenant le plus gros succès au box-office de Luc Besson. 30 ans après, « Vanity Fair » vous livre les derniers secrets du film qui a inspiré toute une génération d’océanophiles.
Huit choses que vous ignorez encore sur « Le Grand Bleu » de Luc Besson
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Le film a été hué à Cannes

Smokings bleus et nœuds papillon… Le 11 mai 1988, Luc Besson et ses acteurs sont sur leur 31 pour présenter le film en ouverture du Festival de Cannes. Si le troisième long-métrage du cinéaste est très attendu, il entre rapidement au panthéon des (nombreuses) œuvres conspuées sur la Croisette. « Je me rappelle qu’il y avait des personnes qui se levaient, qui quittaient la salle avant la fin du film ou le huaient. Il y a eu des réactions violentes, pas seulement de la critique, mais aussi des professionnels », se remémorait le cinéaste belge Fréderic Sojcher dans Complément d’enquête. « Grand blues sur la grande bleue », « La mer à boire », « Que d'eau, que d'eau » … Les journalistes ne se montrent pas tendres avec l'œuvre, ni avec son auteur qui est obligé de monter au créneau : « J’ai 28 ans, je n’ai fait que trois films, je suis un bambin dans le cinéma (…) J’apprends mon métier. Il ne faut pas que les critiques, qui ont parfois plus de 50 ans, me tapent dessus », explique-t-il à l’époque. Voilà qui scellera définitivement son divorce avec la presse.

Luc Besson rêvait de ce film depuis l'adolescence

Des parents instructeurs de plongée, une enfance passée entre la Grèce et la Croatie, un amour indéfectible pour les profondeurs… Le Grand Bleu est un des projets les plus intimes du cinéaste, une véritable madeleine de Proust pour celui qui, avant d’être victime d’un terrible accident, explorait à l'envi les mondes sous-marins. Si le cinéaste a choisi de mettre en scène la vie de Jacques Mayol, c’est qu’il est fasciné, depuis l’enfance, par l’apnéiste français : « À dix-sept ans, il a assisté à une projection qu’il n’a jamais oubliée. Juste après son accident de plongée, Luc était retourné dans le village de vacances de Palurino. Un certain Victor avait alors diffusé les images de Mayol descendant si profond dans les abysses bleu noir que la caméra ne pouvait le suivre jusqu’au bout. Devant l’écran, Luc reste bouche-bée, il en pleure comme l’adolescent émotif qu’il est. L’envie profonde de faire un film sur la mer vient de sa mère-sirène et de cet été-là », relate Geoffrey Le Guilcher dans Luc Besson : l’homme qui voulait être aimé (éditions Flammarion).

Christophe Lambert devait tenir le rôle-titre

Complètement inconnu lorsqu’il est choisi par Luc Besson, Jean-Marc Barr a bénéficié d’un heureux concours de circonstances. Le cinéaste avait d’abord porté son dévolu sur Christophe Lambert, héros de son précédent long-métrage Subway, avant de se voir opposer un refus : « J'en ai beaucoup parlé avec Besson, mais je ne voulais surtout pas être le mec qui fait un film avec des singes (dans Greystoke, la légende de Tarzan en 1984, NDLR) puis des dauphins... Et pourquoi pas des vaches ensuite. Je serais devenu l'acteur des animaux », expliquait-il dans Télé Poche. Selon Geoffrey Le Guilcher, Mickey Rourke convoitait le rôle, mais le réalisateur ne voyait pas « Mickey-l’homme-de-tous-les-excès se plier à la discipline exigée (par le film) ». Franco-américain, doté d’une mini-expérience en plongée, et bien moins cher que ses confrères, Jean-Marc Barr arrive en pôle position dans la liste des candidats. Une expérience finit de convaincre le cinéaste : il convie toutes les femmes de Gaumont à une projection des screen-test de l'acteur... Et constate qu'elles tombent toutes sous son charme.

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Le film a inspiré une génération d’apnéistes

« Tu descends au fond de la mer très loin, si loin que le bleu n'existe plus, là où le ciel n'est plus qu'un souvenir ». Érigeant la plongée au rang d’expérience mystique (voire suicidaire), le long-métrage de Luc Besson a créé pléthore de vocations chez les spectateurs. « On avait les yeux remplis de bleu et de bêtises. Les gens se sont mis à tenter des records dans leur coin, pour faire comme dans le film », explique Claude Chapuis, ancienrecordman d'apnéestatique, à 20 minutes. Cofondateur de l’Association internationale pour le développement de l'apnée, il surfe sur ce nouvel engouement pour mieux encadrer la discipline et éviter de nouvelles tragédies (les morts de Cyril Isoardiet Loïc Leferme). Comme le confiera le plongeur Guillaume Néry à So Film, « les apnéistes modernes doivent absolument tout à ce film, et moi le premier ».

Jacques Mayol a souffert de cette médiatisation

Le film de Luc Besson l’a propulsé sur le devant de la scène, lui offrant une médiatisation qui dépassait le cercle des amateurs de plongée. Le succès du Grand Bleu s’est révélé doux-amer pour Jacques Mayol qui, après avoir été sous le feu des projecteurs à la sortie du long-métrage, a souffert plus que jamais de la solitude : « J’ai été témoin de la souffrance et de la frustration que lui a causé la popularité du film. Quand un être humain se voit dépossédé de son histoire et de la magie qu’il a créée, c’est une petite tragédie », explique Jean-Marc Barr dans le dossier de presse du documentaire L'Homme dauphin, sur les traces de Jacques Mayol. Toujours hanté par ses démons intérieurs,l'apnéiste s’est donné la mort en 2001, à l’âge de 74 ans, dans sa résidence italienne.

Jean-Marc Barr n’a jamais vu le film en entier

Comme par rejet de ce long-métrage qui l’a propulsé – selon ses propres mots – en « icône et objet de masturbation pour jeunes filles », Jean-Marc Barr faisait dans Le Parisien cette révélation étonnante : « Je n’ai jamais vu Le Grand Bleu en entier ». À sa projection cannoise, le comédien était « complètement bourré » et obsédé par l’idée de « trouver des toilettes pour pisser ». « Puis 7 ou 8 ans après, je l’ai revu mais je n’ai pas pu le finir. Le film me paraissait trop juvénile. Il parle avant tout aux ados », ajoute-t-il.

Luc Besson n’adresse plus la parole à Jean-Marc Barr

« C’est l’histoire d’un type confus qui a transféré son homosexualité latente sur un poisson », racontait Jean-Marc Barr à un journaliste, alors que celui-ci l’interrogeait sur la fin du Grand Bleu. À force de boutades et de blagues sur « les films de baby-sitter » de Luc Besson, l’acteur franco-américain s’est fait – sans en avoir conscience – un ennemi dans l’industrie du cinéma. « Six années passent avant que Jean-Marc ne croise de nouveau Luc. Il l’aperçoit un jour de fête, au second mariage de Jean Reno. Tout sourire, Jean-Marc Barr s’avance vers le réalisateur qui l’a rendu célèbre. Luc le toise devant les invités et refuse de lui serrer la main », écrit Geoffrey Le Guilcher dans Luc Besson : l’homme qui voulait être aimé. Aujourd’hui, le comédien ne cache plus ses réserves sur le film, le qualifiant de « fable » trahissant l’identité et la philosophie de Jacques Mayol.

La bande originale ne traversera pas l’Atlantique

Le Grand Bleu ne serait pas Le Grand Bleu sans la musique d’É****ric Serra. Si elle est l'un des ingrédients essentiels du succès du long-métrage, les Américains ont pourtant découvert le film avec les compositions de Bill Conti : « Aux États-Unis, ils ont tout changé. Le distributeur américain avait mis beaucoup d’argent sur la pub. Au dernier moment, il a eu peur. Il se demandait comment amener des noms américains. Le film étant terminé, il ne pouvait pas changer un acteur. Donc il s’est dit, vachement intelligemment, qu’il pouvait changer la musique. La musique qui était numéro un à peu près partout dans le monde », raconte Éric Serra. Le film a fait un bide et, malgré ce changement, la véritable bande originale se vendra à près de 300 000 exemplaires outre-Atlantique.

À voir : « L'Homme dauphin, sur les traces de Jacques Mayol » de Lefteris Charitos (en salles le 30 mai) et « Génération Grand Bleu » de Jérôme Espla, le 7 mai à 20h40 sur Ushuaïa TV.