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Pour Hollywood, l'étoile du Festival de Cannes brille de moins en moins

Pour cette 71e édition, la présence de la présidente du jury Cate Blanchett masquera la désertion des Américains au Festival de Cannes. Regis Duvignau/REUTERS

Seuls deux films américains concourent cette année en compétition pour la Palme d'or. À croire que les réalisateurs hollywoodiens désertent la Croisette, lui préférant les tapis de la Mostra ou du festival de Toronto, plus stratégique dans la course aux Oscars.

La première du nouveau film Star Wars (sur Han Solo) présenté hors compétition, mais peu de stars américaines attendues sur le tapis rouge... Entre le Festival de Cannes et Hollywood, c'est toujours un peu «je t'aime, moi non plus». Une attraction artistique et glamour mutuelle, mais un désamour grandissant. Avec en toile de fond, la concurrence grandissante des autres grands festivals, surtout dans le cadre de la course aux Oscars.

Pour cette 71e édition, qui se déroule du 8 au 19 mai, sur les 21 films en lice pour la Palme d'or figurent seulement deux films américains: BlacKKKlansman de Spike Lee, produit par Universal, et Under the Silver Lake de David Robert Mitchell, par un producteur spécialisé dans le cinéma indépendant.

Les cas Dolan et Audiard

C'est bien peu, surtout si même l'enfant chéri de la Croisette, Xavier Dolan (omniprésent depuis J'ai tué ma mère en 2009), commence à lui tourner le dos. Son premier film hollywoodien Ma vie avec John F. Donovan (les stars Kit Harington, Kathy Bates, Susan Sarandon ou Nathalie Portman sont à l'affiche) est «reparti au montage». Pas de Damien Chazelle non plus, auréolé pour La La Land, pour son biopic sur l'astronaute Neil Armstrong, avec Ryan Gosling. Des noms avancés par les parieurs avant l'annonce de la sélection officielle. «Je voulais l'envoyer à Cannes, et je l'ai fait. Mais certains développements de dernière minute nous ont fait penser que ce n'était pas l'endroit idéal, et je ne peux pas dire que je ne suis pas d'accord avec ça», a confié le jeune prodige québécois au site spécialisé Indie Wire. «Nous avons décidé de le présenter ailleurs», a-t-il poursuivi, sans dévoiler ses intentions.

Une réponse qui ne clôt pas complètement les rumeurs voulant que Dolan préfère envoyer son film aux Oscars que sur la Croisette. Juste la fin du monde, son dernier long-métrage, avait reçu le grand prix du Jury en 2016, malgré un accueil critique plutôt mitigé. Le réalisateur avait annoncé dans la foulée qu'il ne soumettrait pas son prochain film Ma vie avec John F. Donovan à Cannes, pour des raisons de timing avant d'ajouter que «la culture du trolling, de l'intimidation et de la haine injustifiée n'avaient pas leur place dans le monde du cinéma». Il fait référence à l'accueil parfois houleux de certains films à Cannes, à telle enseigne que Thierry Frémaux a décidé de changer les règles de projection pour la presse.

Quant à l'absence de Jacques Audiard, elle résulterait plus d'un problème de calendrier. Le Français, qui place de manière quasi systématique ses longs-métrages en sélection officielle (il remporte la Palme d'or en 2015 avec Dheepan), ne présentera pas son western Les Frères Sisters sur le tapis rouge. Cette première production américaine, à la distribution alléchante (John C. Reilly, Joaquin Phoenix et Jake Gyllenhaal sont à l'affiche)

«C'est un film produit par les Américains et encore soumis à des ventes. Il y a des questions qui ne sont pas dans un refus du Festival de Cannes (...) mais liées à une sortie tardive en fin d'année», a précisé Thierry Frémaux lors de la conférence de presse officielle du 12 avril dernier. Audiard pourrait-il avoir en vue la Mostra de Venise en septembre, tremplin en or pour les Oscars 2019? Ce que le délégué général résume dans un euphémisme comme une «stratégie d'automne». Avant de citer Federico Fellini qui, après sa Palme d'or pour La Dolce vita n'a jamais représenté ensuite un film en compétition à Cannes.

La Mostra plus que la Croisette avant les Oscars

«L'importance prise par la course aux Oscars n'aide pas Cannes», confirme Andrew Pulver, journaliste au Guardian, alors que la Croisette est bousculée par la montée en puissance des festivals de la rentrée comme Venise et Toronto. «Les grands noms du cinéma indépendant, qui veulent être dans la course aux Oscars, préfèrent une première en août ou en septembre, donc Venise plutôt que Cannes», souligne-t-il.

Grand gagnant des Oscars en début d'année, La Forme de l'eau de Guillermo del Toro avait d'abord remporté le Lion d'or à Venise. Un an plus tôt, c'est La La Land qui avait séduit la Mostra, valant à Emma Stone un prix d'interprétation, avant de rafler un Oscar. Autre atout de ces festivals: ils sont ouverts au public, en particulier Toronto où il n'y a pas de compétition, tandis que «Cannes est plus centré sur l'industrie du cinéma», souligne C. Samuel Craig, professeur de cinéma à la New York University.

Connue pour ses coups de griffe, la critique cannoise peut s'avérer impitoyable. Ce qu'elle fit avec les Américains Gus Van Sant et Sean Penn, dont les films furent hués lors des éditions 2015 et 2016. «Être à Cannes est un pari car il est expressément demandé que le film ne soit projeté dans aucun autre festival», renchérit Jason E. Squire, enseignant le cinéma à USC Cinematic Arts à Los Angeles. Mais, poursuit-il, le festival «reste une plateforme centrale pour lancer un film, en particulier les petits films: son pouvoir est de faire découvrir un film inconnu et de le soutenir en le sélectionnant», notamment dans les sections parallèles.

Cate Blanchett, caution hollywoodienne

Pour les blockbusters aussi, Cannes reste une vitrine majeure, magie du tapis rouge oblige. Cette année, c'est donc Solo , film indépendant de la saga Star Wars réalisé par Ron Howard et produit par Disney qui sera présenté hors compétition, quelques jours avant sa sortie. La Croisette a déjà accueilli par le passé deux épisodes de la saga et choisi en 2006 Da Vinci Code du même Ron Howard en ouverture. L'accueil glacial réservé au film fut sans conséquences sur sa destinée en salles.

«Le problème, c'est que Cannes a besoin d'Hollywood plus que l'inverse», estime Gilles Jacob, l'ancien président du festival, dans son récent Dictionnaire amoureux de Cannes. Ajouter à cela l'absence du producteur Harvey Weinstein, un habitué du festival qui a amené nombre de stars et films à Cannes. Peut-elle encore éloigner un peu plus Hollywood du festival?

«L'âge d'or de Weinstein ne vient pas de s'arrêter. Ça fait au moins trois-quatre ans que c'était plus difficile», glisse Jérôme Paillard, patron du Marché du film, qui se déroule en parallèle du festival et où les États-Unis forment en revanche, cette année encore, le plus gros contingent. Pour résoudre l'équation entre glamour et exigence artistique, reste au festival une carte maîtresse: son jury, présidé cette année par la très hollywoodienne Cate Blanchett.

Pour Hollywood, l'étoile du Festival de Cannes brille de moins en moins

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20 commentaires
  • paloumayre

    le

    je lis dans le sujet que Cate blanchet serait la caution hollywoodienne au festival de canne cela me rend triste lorsqu'un journaliste écrit ce genre de propos ne suffirait il pas qu'il écrive tout simplement que sans les français le cinéma n existerait peut etre pas.merci a vous messieurs Lumiere.

  • Doctrovée

    le

    Il faudrait renommer Cannes le "festival du film social" fait par des gens ayant comme première préoccupation de se donner bonne conscience ...

  • Anglade Pierre

    le

    Au de la l'éventuelle valeur artistique de ses films ce festival sert de support a la diffusion de jeunes femmes plus ou moins vêtues et prend une allure de "marché au gras du sexe"

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