L’Academy of Motion Picture Arts and Sciences (Académie des arts et des sciences du cinéma) continue de faire le ménage dans ses rangs après l’affaire Weinstein, à l’origine du mouvement #metoo, dénonçant le harcèlement et les violences sexuelles envers les femmes.
L’organisation professionnelle, qui remet chaque année les Oscars du cinéma, a annoncé jeudi 3 mai avoir exclu le comédien américain Bill Cosby et le réalisateur franco-polonais Roman Polanski.
« Le Conseil continue à encourager des normes éthiques qui exigent que ses membres se conforment à ses valeurs de respect de la dignité humaine », détaille l’organisme dans un communiqué, après avoir promulgué un nouveau code de conduite en décembre 2017 destiné à limiter le harcèlement dans l’industrie du cinéma.
« Justice de la meute »
Bill Cosby, 80 ans, fut une personnalité adorée des Américains et du public mondial pour son personnage de père idéal dans la série Cosby Show. Il a été reconnu coupable, à la fin avril, d’agression sexuelle en 2004 sur l’ancienne basketteuse Andrea Constand. Il encourt jusqu’à trente ans de prison. Il devrait connaître sa sentence d’ici à trois mois. Des dizaines d’autres femmes l’ont également accusé de les avoir abusées pour des faits remontant parfois à plus de trente ans.
L’acteur, producteur et comique a déjà été exclu de l’Académie de la télévision, et d’autres institutions, comme l’université de Yale ou celle de Temple, où il a étudié, ont aussi annulé des distinctions honoraires qui lui avaient été décernées.
Le procès de Bill Cosby était le premier d’une star depuis l’éclosion de l’affaire Weinstein et les débuts du mouvement #metoo. Son épouse depuis plus de cinquante ans, Camille Cosby, continue de le défendre. Dans un communiqué, jeudi, elle a ainsi affirmé qu’il était victime d’une « justice de la meute ».
« Culture sexiste d’Hollywood »
En 1977, le cinéaste polonais Roman Polanski avait été reconnu coupable de détournement de mineure pour avoir eu des relations sexuelles illégales avec Samantha Geimer, alors âgée de 13 ans. Ce seul chef d’accusation retenu était le résultat d’un accord amiable, après que le réalisateur avait été inculpé initialement de chefs d’accusation plus graves, notamment de viol d’une adolescente de 13 ans sous l’influence de stupéfiants.
Il a fui les Etats-Unis à la suite d’un changement de position du juge, qui risquait de le condamner à une peine bien plus lourde que celle qui était prévue. Les procureurs américains cherchent d’ailleurs toujours à le faire revenir dans le pays, afin qu’il y reçoive sa sentence.
Sa victime, Samantha Geimer, qui depuis lui a pardonné et demande l’arrêt des poursuites, a dénoncé une posture hypocrite sur son blog : « A propos de l’Académie qui expulse un membre qui, il y a [plus de quarante ans], a plaidé coupable pour un seul chef d’accusation et a purgé sa peine, c’est une mesure laide et cruelle qui sert les apparences. » Et d’ajouter : « Ça ne change en rien la culture sexiste d’Hollywood aujourd’hui et montre simplement qu’ils dévoreraient les leurs pour survivre. »
Une vague de révélations
Les révélations sur le producteur Harvey Weinstein, accusé d’avoir harcelé, agressé sexuellement ou violé une centaine de femmes, a provoqué une onde de choc dans le monde entier. Le scandale a déclenché notamment une vague de révélations concernant des abus sexuels d’hommes puissants à Hollywood, dont Kevin Spacey ou Dustin Hoffman.
L’Académie des Oscars a expulsé en octobre 2017 M. Weinstein. Avant lui, seul un autre membre de l’institution avait été exclu, pour avoir diffusé sans autorisation des DVD de films en compétition pour la cérémonie des récompenses.
Le président de l’Académie lui-même, John Bailey, a fait l’objet d’accusations de harcèlement sexuel, mais a été blanchi lors d’une enquête interne. Il avait affirmé avec force lors d’un déjeuner avec les nommés aux Oscars en février que l’Académie se « réinventait » et qu’Hollywood était en train « d’enfoncer dans l’oubli à coup de marteau-piqueur le lit fossilisé de beaucoup de [ses] pires abus ».
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