À partir d’aujourd’hui, la France entre en déficit écologique

Depuis le 5 mai, la France creuse sa dette écologique. D’année en année, ce déficit se creuse mais on peut inverser la tendance, assure le WWF France.
À partir d'aujourd'hui, la France entre en déficit écologique

Le 5 mai, la France a atteint son « jour du dépassement » : nous avons consommé, en seulement quatre mois, autant que la planète pouvait nous fournir en un an. Dans un rapport écrit avec le Global Footprint Network, le WWF France alerte sur l’aggravation, d’année en année, de cette dette écologique, à la fois au niveau français et mondial. « Pourtant, nous avons les solutions  », souligne l’ONG, qui appelle le gouvernement à agir.

C’est devenu une triste et scandaleuse rengaine. Chaque année, le Global Footprint Network annonce un peu plus tôt le « jour du dépassement », ce moment de l’année où l’humanité a consommé autant de ressources que la nature peut en fournir en un an. Au-delà, nous dépassons les capacités régénératrices de la biosphère. En 1970, nous ne commencions à creuser le « déficit écologique » annuel de la planète que le 29 décembre. En 2000, nous entrions en déficit le 23 septembre. L’an dernier, c’était le 3 août.

La situation de la France est encore plus mauvaise puisque notre jour du dépassement tombe ce vendredi 5 mai : « Si le monde entier vivait comme les Français, l’humanité commencerait à creuser son déficit écologique dès le 5 mai  », alerte Pascal Canfin, directeur général du WWF France. L’ONG vient de publier un rapport sur le sujet en collaboration avec Global Footprint Network. Autrement dit, il faudrait 2,9 planètes Terre si toute l’humanité vivait comme nous, calcule le WWF.

« Emmanuel Macron a fait de la bonne gestion financière un élément clé de son quinquennat. En fera-t-il autant de la bonne gestion écologique ? »

Avec une ironie empreinte d’amertume, l’ONG reprend à son compte le lexique des sciences économiques, plus à même d’attirer l’attention des décideurs que l’urgence écologique. Ainsi dénonce-t-elle un déficit écologique français qui se dégrade à nouveau depuis 2015, et une dette nationale écologique cumulée équivalente à 33 années de consommation au crédit de la nature depuis 1961. « Emmanuel Macron a fait de la bonne gestion financière un élément clé de son quinquennat. En fera-t-il autant de la bonne gestion écologique ?  », interpelle Pascal Canfin.

Logement, transports et alimentation

Le déficit écologique français se serait creusé de 5 % entre 2015 et 2018. Une aggravation que le WWF France explique principalement par la hausse de nos émissions de CO2, elle-même due en partie au faible prix des produits pétroliers sur cette période, qui incite à leur consommation. Mais l’ONG dénonce aussi « une transition écologique encore trop à la traîne et à la marge en France  », notamment dans le rythme de rénovation du bâtiment et les transports.

L'empreinte écologique vue par le global footprint network
La notion « d’empreinte écologique », qui sert d’indicateur à WWF, mesure le rapport entre, d’un côté, ce que nous consommons et produisons comme déchets, et de l’autre la capacité de la nature à régénérer ses ressources et absorber ces déchets. Elle se décompose en plusieurs secteurs, comme l’empreinte carbone qui mesure nos émissions de gaz à effet de serre que les forêts et océans ne peuvent pas absorber, les activités de pêche, qui prélèvent des poissons plus vite que ceux-ci peuvent se reproduire, risquant de vider les océans. © Global Footprint Network

Étudiée sous le prisme de la consommation, l’empreinte écologique des Français se concentre sur trois principaux secteurs : le logement, les transports et l’alimentation, qui comptent à eux seuls pour deux tiers de cette empreinte. Si le WWF France prévient que cette dette écologique est intenable – « si la planète était une entreprise, elle serait en faillite » – et alerte sur l’urgence d’inverser la tendance pour préserver « un avenir viable à l’humanité sur Terre », il adresse une série de 14 demandes au gouvernement pour réduire notre impact sur l’environnement.

Moins de viande, plus de vélo

En ce qui concerne l’alimentation, l’ONG appelle le gouvernement à soutenir la baisse de la consommation de viande, encourager l’agriculture biologique et le maintien des prairies permanentes, stoppeuses de carbone, et à mieux lutter contre la déforestation importée (autrement dit la consommation de produits issus de la déforestation). Passer à un régime flexitarien ou végétarien permettrait à chaque Français de réduire l’empreinte carbone liée à son alimentation de respectivement 38 et 51 %, tandis que passer à 45 % de cultures bio, 45 % de production intégrée et 10 % d’agriculture raisonnée permettrait de « diviser par 2 les émissions du secteur d’ici 2050 ».

« Une diminution des seules émissions de gaz à effet de serre ne sera pas suffisante pour enrayer le déclin de la biodiversité »

Côté transports, le WWF France veut ériger le vélo en « système », appelant le gouvernement à développer les infrastructures et à soutenir l’offre pour en faire « un transport de masse  ». Il appelle aussi à basculer vers des villes « à basses émissions  » en réduisant la place accordée aux voitures et développant les transports en commun. Alors que l’ONG souligne la hausse de 11,4 % des émissions de CO2 dans les transports en France entre 1990 et 2016, « en particulier du fait des transports routiers  », elle est étrangement discrète sur l’option ferroviaire. En pleine réforme de la SNCF, d’autres associations écolo sont plus vindicatives, à l’instar d’Audrey Pulvar, présidente de la Fondation pour la Nature et l’Homme, qui dénonçait en avril dernier dans Le Journal du dimanche « l’incohérence maximale  » du faible soutien de l’Etat au transport de marchandises par le rail et appelait, au nom du climat, à des investissements massifs dans les petites lignes et la modernisation des rames.

Le jour du dépassement de chaque pays. À l’échelle mondiale, le jour du dépassement tombe actuellement au mois d’août. © WWF France

Ces mesures, et une série d’autres, seraient à même selon le WWF France de résorber une dette écologique de plus en plus menaçante. Les signaux d’épuisement des écosystèmes se sont multipliés ces derniers mois : disparition des oiseaux de nos campagnes, disparition des insectes et crise globale de la biodiversité, alertes sur l’urgence climatique, dégradation des sols… Particulièrement sensible à la question de la biodiversité, et parce qu’« une diminution des seules émissions de gaz à effet de serre ne sera pas suffisante pour enrayer le déclin de la biodiversité  », l’ONG appelle à la conclusion d’un « accord ambitieux  » d’ici à 2020, pour éviter une banqueroute de la planète.

 

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