Paradis fiscaux : plus de transparence, mais pas moins d'opacité

La moitié des sociétés mises au jour dans les Panama Papers ont été enregistrées dans les Iles Vierges Britanniques. Opacity loves British Virgin Island. ©AFP - BIBIKOW Walter
La moitié des sociétés mises au jour dans les Panama Papers ont été enregistrées dans les Iles Vierges Britanniques. Opacity loves British Virgin Island. ©AFP - BIBIKOW Walter
La moitié des sociétés mises au jour dans les Panama Papers ont été enregistrées dans les Iles Vierges Britanniques. Opacity loves British Virgin Island. ©AFP - BIBIKOW Walter
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Le parlement Britannique a décidé cette semaine d'imposer plus de transparence à ses territoires d'outre mer, dont les Iles Vierges Britanniques et les Iles Caïmans. Bien, mais toujours tellement insuffisant.

Parlons un peu d'argent sale. L'argent sale, c'est celui qui provient d'une activité illicite. Trafic d'êtres humains, drogue, terrorisme, évasion fiscale, corruption. Chaque année, selon les Nations Unies, 800 à 2000 milliards de dollars sont blanchis, en toute impunité.   

En toute impunité, car il est impossible actuellement de savoir à qui cet argent appartient, d'où il vient et vers qui il part.   Les circuits financiers sont opaques, le constat n'a rien de neuf, mais au moins aujourd'hui, à force de scandale, les dirigeants politiques promettent-ils d'y remédier.  Or cette semaine, il y a eu oui, une avancée.   

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Cela s'est passé à Londres le 2 mai 2018. Pas n'importe où donc mais dans l'un des plus grands centre financier du monde.  

Avec ses territoires d'outre mer, le Royaume dispose du plus vaste réseau de secret fiscal au monde. Il n'hérite pas de cette situation mais l'a sciemment organisé dans les années 50 en encourageant ces petites iles éloignées à devenir des paradis fiscaux pour compenser la baisse progressive de son aide financière.   

Par exemple, les Iles vierges britanniques comptent 28 000 habitants, et... 400 000 sociétés. Or à partir de 2020, les personnes physiques qui bénéficient en bout de chaine des fonds logés dans ces sociétés devraient être identifiées et leurs noms mis à la disposition du public. Et ce pour les 14 territoires d'outre mer britanniques.   Le gouvernement était contre, mais il a du céder, députés conservateurs et travaillistes ayant fait front commun sur ce sujet.     

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Une décision historique pour les ONG

Les ONG qui luttent contre l'opacité financière, notamment  Tax Justice Network ont salué une décision historique.  Imaginez... 36 000 maisons à Londres appartiennent à des sociétés off-shore basées dans des dépendances britanniques.   

A lire/ écouter: Corruption partout, justice (presque) nulle part

Si on savait à qui appartiennent ces sociétés qui possèdent ces maisons, on pourrait vérifier d'où vient la fortune qui a permis de les acheter. Les dirigeants corrompus ne pourrait plus se cacher derrière des noms de sociétés compliqués pour encaisser l'argent volés à leurs États. Les terroristes ne pourraient plus se jouer des sanctions internationales qui les excluent des circuits financiers internationaux...   Ce serait bien... OUI. 

A lire/ écouter: Syrie, Russie, Cuba etc... efficaces les sanctions économiques? 

Mais ça n'est pas fait....   Les représentants de ces territoires d'outre mer promettent de lutter contre ces mesures qu'ils jugent colonialistes et contraire à leurs constitutions.    

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Et quand bien même, la loi britannique qui veut leur imposer cette transparence irait à son terme, elle ne vaudra rien si elle n'est pas appliquée, et son application controlée.   De plus, les dépendances britanniques proches de Londres (Jersey, Iles de Man, Guernesey), ne sont pas concernées par cette obligation de publier les bénéficiaires effectifs. Néanmoins, comme le dit un expert du secteur: 

Quelques machines à laver l'argent sale en moins, ce serait toujours ça de gagné

La transparence n'est pas la panacée

La transparence est-elle pour autant la panacée? A écouter les plus grandes puissances économiques réunies au sein du G20, oui.   Il y a quatre ans, l'identification des bénéficiaires effectifs des sociétés et des trusts, c'est à dire des personnes physiques qui en bout de chaine sont propriétaires des fonds, est devenu un objectif dit prioritaire.  

Et de Panama Papers en Paradise Papers, il y a en effet de plus en plus de pays qui tiennent ces registres ou s'engagent à les tenir. Voir ici (en anglais), le rapport détaillé de Transparency International sur les avancées des pays du G20 sur la transparence des bénéficiaires effectifs.        

Sauf que sauf que... personne ne peut attester que ces registres sont ou seront corrects et à jour.   

Actuellement si Mr Durand ouvre une société pour y recevoir des fonds, très peu de pays vérifieront qu'il est bien Mr Durand. Sa carte d'identité, potentiellement falsifiée suffira. On reste dans du déclaratif pur.  Seulement 8 pays, dont la France, obligent les banquiers, avocats et autres intermédiaires à mener des vérifications complémentaires, dans certains cas, à risque.   

Autrement dit, les registres sur les bénéficiaires effectifs peuvent se multiplier dans le monde, qui vérifiera qu'ils ne sont pas faux?   

Dans son rapport intitulé: G20 leaders or laggards ? (les dirigeants du G20, des leaders ou des trainards?) Transparency International cite le cas de cette officine britannique, qui n'a que 20 personnes pour suivre plus de 4 millions d'entreprises crées par ses soins.  

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Quand on sait qu'à chaque instant chacune d'elle peut faire des transactions, se vendre, changer d'actionnaire, on comprend que tenir ces registres à jour est infaisable... et que vérifier qu'ils sont à jour, est infaisable également, sauf à recruter des milliers de fonctionnaires, ce qui, contrairement aux appels à la transparence, n'est pas dans l'air du temps.    

Marie Viennot  

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