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J'ARRÊTE LE SUCRE #10 - Pourquoi il n'est pas si difficile de limiter sa consommation de sucres ajoutés

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - Loïc Venance-AFP

J'ARRÊTE LE SUCRE #10 - Dernier volet retraçant ma cure de désintoxication au sucre. Un mois après le début de ce sevrage, certains plats -même salés- me paraissent à présent trop sucrés et mon cholestérol a baissé.

Ma quatrième semaine sans sucres se termine plutôt bien: je n'ai pas craqué. J'ai gardé le cap sur le café (encore un peu amer), j'ai résisté aux cannelés d'une collègue et je n'ai pas cédé à l'appel des viennoiseries, contrairement à la semaine précédente. Bon, d'accord, j'ai tout de même goûté "une fine tranche" de praluline, cette brioche aux pralines spécialité de la région roannaise. Mais ce n'était -sans mauvaise foi aucune- que par pure curiosité des traditions gastronomiques.

Un carrot cake zéro sucre

Contrairement à toute attente et alors que je redoutais une vie de tristesse, j'ai découvert que l'on pouvait tout à fait se délecter avec beaucoup moins de sucres. Eh oui. Il existe des pâtisseries qui proposent tartelettes, éclairs (ouf), cakes (double ouf) et autres flans à indice glycémique (IG) contrôlée. En gros, pour une belle pâtisserie, vous ingérez l'équivalent en sucre d'un légume ou d'un fruit: IG à 18 pour une merveilleuse tartelette passion, soit la même chose qu'une aubergine.

On peut même se régaler avec des pâtisseries sans aucun sucre ni édulcorant ajouté. Oui, oui. Et sans aucune espèce de sucre déguisé: ni jus de fruit, miel ou autre sirop. Je me suis ainsi lancée dans un carrot cake zéro sucre, tiré du livre de recettes Gâteaux et gourmandises sans sucre du chef-pâtissier Philippe Conticini, qui ne contient que les sucres naturellement présents.

Composé de carottes -comme son nom l'indique- d'une compotée de poires, de cannelle, d'épices à pain d'épices, de zestes d'orange et de citron, de gingembre et de noix, eh bien je peux vous assurer que c'est bluffant. Impossible de détecter, lorsqu'on le goûte, l'absence de grains de sucre. Autre effet inattendu: toutes les saveurs sont beaucoup plus délicates et identifiables, le sucre n'étant plus là pour écraser tout le reste.

Mon taux de cholestérol a baissé

Ce premier mois sans sucres ajoutés (si l'on passe sous silence les quelques accidents), hormis ceux naturellement présents dans les produits laitiers, fruits, légumineuses et céréales, s'achève ainsi mieux que je ne l'aurais cru. Sans compter que mon bilan sanguin est bien meilleur: mon taux de cholestérol, qui dépassait allègrement la limite, est redescendu dans les clous. Alors que, paradoxalement, je n'ai jamais autant mangé de fromages et d'œufs.

Rien d'étonnant pour Magali Walkowicz, diététicienne et auteure du Compteur de glucides. "Pendant des décennies, on a banni les graisses et on a augmenté la part de glucides. Voyez le résultat", déplore-t-elle pour BFMTV. 

"Il ne faut pas s'attacher au nombre de calories -le sucre est en effet moins calorique que le gras- mais à la qualité de ces calories, ajoute-t-elle. Car le sucre est bien plus responsable que le gras du surpoids et des maladies civilisationnelles. Ce qui ne signifie pas pour autant dire que l'on peut manger n'importe quel produit, il faut évidemment respecter l'équilibre entre les acides gras."

Huit sucres pour une crème glacée

Si les entremets, crèmes glacées et barres de chocolat me font toujours envie, je reconnais que je ne les regarde plus de la même manière. Comme cette crème dessert, habituée de mon frigo. Contenant quasiment quatre sucres par pot, elle me paraît bien moins sympathique aujourd'hui. Ou ces gaufrettes enrobées de chocolat au lait et fourrées à la noisette qui contiennent elles aussi près de quatre sucres pour deux malheureuses barres.

C'est également ce qu'a remarqué chez ses enfants Thomas Clouet, cuisinier et auteur de livres de recettes, depuis qu'il s'est lancé dans un décompte des sucres présents dans les produits de grande consommation.

"Mon aîné de 9 ans s'amuse à compter les sucres et mon cadet de 5 ans, s'il opte pour une crème au chocolat, promet qu'il fera attention durant la journée à ne pas manger d'autres produits trop sucrés", témoigne-t-il pour BFMTV.

Le chef publie régulièrement sur son blog et sur les réseaux sociaux des photos de gâteaux, plats préparés, céréales ou boissons accompagnées du nombre de petites cuillères de sucre qu'ils contiennent. "Une cuillerée de sucre, ça parle plus à un enfant qu'un morceau de sucre." Parmi les produits les plus "extravagants", selon Thomas Clouet: une célèbre crème glacée de fast-food: huit sucres par pot. "C'est hallucinant, je me demande même comment ils arrivent à faire entrer autant de sucres", s'interroge-t-il.

"On n'est pas obligé de passer des heures en cuisine"

En réalité et contrairement à ce que l'on peut croire, se passer de sucres ajoutés ou limiter fortement cette consommation n'est pas du niveau de l'ascension de l'Everest.

Certes, cela demande un peu d'organisation afin de choisir et préparer des produits frais plutôt que déjà prêts. Cela nécessite aussi une certaine logistique afin de lire les étiquettes et opter pour des produits plus intéressants d'un point de vue nutritionnel. Cela requiert aussi du temps pour s'accoutumer progressivement à des saveurs moins sucrées et changer ses habitudes (comme mettre des morceaux de fruit dans un yaourt nature plutôt qu'une cuillerée de sucre). Mais finalement, il s'agit avant tout d'améliorer la qualité de ses menus.

"Il y a des recettes simples, assure Magali Walkowicz. On n'est pas obligé de passer des heures en cuisine. Une salade composée, un poisson cuit, des légumes poêlés, c'est vite fait. Les surgelés bruts conviennent tout aussi. On peut aussi cuisiner en plus grande quantité et congeler des portions. Bien sûr, cela implique d'y passer un peu de temps, mais c'est aussi une façon de prendre soin de soi et de capitaliser sur sa santé. L'alimentation, ce n'est pas accessoire, c'est la base de la vie."

"Le sucre s'incruste partout"

Si l'on réduit sa consommation de sucre, il n'est pas pour autant question de se priver définitivement de pâtisseries, comme le rappelle la naturopathe Marion Thelliez, qui préconise pas plus de trois moments sucrés par semaine. Mais d'opter pour des plaisirs occasionnels de meilleure qualité. "Le problème avec le sucre, c'est sa quantité et sa régularité, poursuit Magali Walkowicz. Consommé à très petite dose, il ne pose pas de problème. Mais à chaque repas..."

Une omniprésence du sucre que dénonce également Mégane Ghorbani, responsable de campagnes chez Foodwatch, une ONG de défense des consommateurs.

"Le sucre s'incruste partout, même là où ne s'y attend pas. Les fabricants industriels y trouvent leur compte: l'ajout de sucre dans un aliment amène souvent à en manger davantage et peut créer une dépendance. Aussi, on peut imaginer que remplacer le sucre par des ingrédients qui ont de meilleures qualités nutritionnelles est moins coûteux", dénonce-t-elle pour BFMTV.

Des lobbys puissants

À Bruxelles, une douzaine de lobbys défendent la cause du sucre, pour un montant total estimé à 21,3 millions d'euros par an, calculait en 2016 Corporate Europe Observatory (CEO). Selon cette ONG, le puissant groupe d'influence Food Drink Europe aurait même dépensé 1 milliard d'euros pour éviter qu'un étiquetage du type nutri-score (facultatif en France) ne voie le jour au niveau européen.

En France, le lobby du sucre est représenté par le Cedus, le Centre d'études et de documentation du sucre. C'est lui qui a créé la Semaine du goût en 1990, c'est aussi lui qui est à l'origine du championnat du monde des desserts. En 2013, il signait un accord avec l'Éducation nationale afin de "développer les connaissances gustatives des élèves" à l'école et au collège, "communiquer sur l'importance du goût dans l'alimentation" et "mettre en évidence la nécessité d'une alimentation variée et équilibrée". Face au tollé, la convention était modifiée l'année suivante, ne concernant plus que l'enseignement professionnel.

Son site lesucre.com se présente comme un site d'"information sur la consommation et l'utilisation du sucre". Parmi ses nombreuses rubriques, il propose un blog "fact cheking" qui entend dénoncer les "fake news". Il assure par exemple que la comparaison entre sucre et drogue est infondée. "Il semble que l'incapacité à contrôler la consommation de certains aliments, par exemple les produits gras sucrés, soit liée à d'autres facteurs que l'aliment lui-même, comme des difficultés psychologiques."

Parmi ses arguments de défense: le Cedus fait la distinction entre glucides et sucres (or les sucres sont des glucides), affirme qu'un verre de jus de fruit équivaut à un fruit (pourtant le jus est purgé de ses fibres et n'a donc rien à avoir avec le fruit entier), assure que les Français consomment en moyenne 50g de sucre (et non les 100g retenus par les autorités), faussant ainsi tous les chiffres, dont les 35kg de sucre par personne et par an, divisés par deux par le Cedus.

Des mini-bols pour les céréales

S'il est difficile pour les adultes de réduire leur consommation de sucre, ça l'est encore plus pour les enfants. C'est pour cela que Thomas Clouet distille sur son blog quelques astuces aux parents. Comme pour les céréales du petit-déjeuner. "On ne peut pas lutter contre le marketing, mais on peut lutter contre le packaging. Je n'interdis pas à mes enfants de manger ces céréales, mais à la maison, on enlève le paquet, très attrayant. Il ne reste plus que le sachet transparent."

Autre conseil: les autoriser à ne se servir qu'une seule fois dans des mini-bols. "Selon les industriels, une portion c'est 30g. Or, on sait bien que les enfants se resservent. De plus petits bols permettent de contrôler."

Thomas Clouet recommande également de personnaliser le petit-déjeuner des enfants. "De temps en temps, on se rend dans un magasin de vente en vrac et les enfants confectionnent leur propre recette, avec des céréales complètes, des flocons d'avoine ou d'orge, des fruits secs, des amandes, des noisettes. Cela permet de réduire sensiblement l'apport en sucre. Une fois rentrés à la maison, chacun remplit son bocal avec sa propre composition. Cela leur redonne le pouvoir et ça marche."

Regarder la ligne "glucides" et non "dont sucres"

Quant aux étiquettes, Magali Walkowicz appelle à ne pas se faire piéger par la différence entre "glucides" et "dont sucres". La diététicienne invite à prendre en compte les glucides totaux d'un produit (ce que je fais depuis le début) plutôt que simplement la ligne consacrée aux sucres simples. "Certains sucres complexes, comptés dans les glucides, se comportent comme des sucres simples. Et au final, glucides et sucres sont métabolisés de la même manière en glucose, c'est pareil."

En un mois, la tolérance au sucre de mon palais a bel et bien changé, comme me l'avait prédit un médecin. Moi qui n'avais presque jamais rien trouvé de trop sucré dans ma longue carrière de gourmande me suis retrouvée, à plusieurs reprises, à juger que des plats -comme des pâtes à la sauce tomate ou une soupe de carottes- et des desserts -comme une tarte au citron pourtant à IG contrôlé- étaient trop sucrés.

"Réduire sa consommation de sucre, dont nous n'avons pas besoin au quotidien, c'est aussi se déshabituer au goût sucré, poursuit Magali Walkowicz. On peut même arriver à sentir le sucre des légumes."

Je confirme.

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV