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Des fourmis qui voyagent toujours plus loin

Certaines espèces de fourmis colonisent un nombre croissant de régions, selon une étude conduite par des chercheurs de l'UNIL

Fourmi charpentière. — © Arvind Balaraman
Fourmi charpentière. — © Arvind Balaraman

Transportées par l’homme hors de leur territoire d’origine, certaines espèces de fourmis invasives voyagent toujours plus loin, selon une étude parue ce lundi dans PNAS. Cleo Bertelsmeier, première auteure de l’étude et chercheuse du département d’écologie et évolution de l’Université de Lausanne, explique comment «ces petits insectes, qui n’attirent pas tant l’attention de M. Tout-le-Monde», peuvent coloniser et influencer les écosystèmes.

Le Temps: En quoi consiste votre étude?

Cleo Bertelsmeier: Je me suis demandé comment les espèces de fourmis invasives sont transportées par l’humain à l’échelle mondiale. Sur plus de 13 000 espèces de fourmis connues à ce jour, on estime qu’il y en a environ 200 qui se sont établies en dehors de leur milieu naturel. Les fourmis voyageant le plus ont en commun une petite taille, un régime alimentaire varié et pas de structure de colonie très complexe. Nombre de ces fourmis sont par ailleurs capables de cohabiter avec des membres d’autres colonies, pouvant mener à la formation de supercolonies qui peuvent s’étendre sur des milliers de kilomètres, comme c’est le cas pour les fourmis d’Argentine qui s’étendent du Portugal à l’Italie.

Lire aussi: Fourmis d’Argentine, la supercolonie de 6000 km de long qui envahit l’Europe

En analysant des données collectées dans les ports maritimes et les aéroports des États-Unis et de Nouvelle-Zélande, j’ai observé qu’une grande majorité des espèces transportées par l’homme ne proviennent pas de leur territoire d’origine, mais de régions précédemment colonisées. C’est notamment le cas dans 75% et 90% des fourmis entrant respectivement aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande. Ces résultats laissent présager une augmentation des invasions biologiques sur le globe dans le futur, ce qui n’est pas très bon signe.

Pourquoi?

Pour la biodiversité. Les espèces indigènes peuvent se voir supplantées et, en fonction de leur agressivité, les espèces invasives pourraient avoir un impact sur divers types d’insectes ou même de petits mammifères, dans le cas d’espèces telles que la fourmi de feu. Aux Etats-Unis par exemple, on estime le coût global des dégâts infligés par des fourmis à 6 milliards de dollars par année.

Qu’en est-il de la Suisse?

La Suisse n’est pas épargnée, on vient de découvrir une espèce de fourmis invasives à Cully et à Saint-Sulpice! De petite taille et avec des centaines de reines dans le même nid, leur capacité à se rassembler et à former un nuage brouillant d’activité a par ailleurs incité certains habitants de la région à appeler les biologistes à la rescousse. Si les dégâts associés à cette nouvelle espèce se limitent pour l’instant à des pleurs d’enfants, rentrant de la récréation couverts de fourmis, il est très important de découvrir l’origine de celles-ci et de déterminer leur potentiel de propagation.