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Quand Brancusi se fait sculpteur d'images

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Constantin Brancusi, «Dessin de Modigliani (portrait de Brancusi)», tirage argentique vintage.
Constantin Brancusi, «Étude pour Laokoon» (environ 1920), tirage argentique vintage.
Constantin Brancusi, «Porte du baiser» (1937-1938), tirage argentique vintage.

Taille: moyenne, yeux: châtains, cheveux: gris, teint: mat, bouche: régulière. Au-dessus de ce signalement complété à la main, une petite photo figure un homme de belle prestance, l'œil frisant de malice, le cheveu un peu fou et la barbe toute en soyeuses volutes poivre et sel. Constantin Brancusi a alors 57 ans et s'est tiré lui-même le portrait pour l'adjoindre à une demande de passeport.

Chez Grob Gallery, cette image plutôt anecdotique escorte un ensemble impressionnant de chefs-d'œuvre du 8e art réalisés par l'immense sculpteur roumain. Car à l'instar de certains de ses pairs, comme Henry Moore, Brancusi, peu satisfait du travail d'autres photographes, a rapidement préféré immortaliser lui-même ses pièces, pour en capter l'intime. L'usage du médium, d'abord pensé comme outil de catalogage, s'est mué en une pratique artistique autonome, les tirages devenant des œuvres d'art à part entière.

De l'utile à la passion

Le sculpteur doit d'être passé de l'utile à la passion à un maître absolu de la photographie du XXe siècle: Man Ray. «Les deux hommes se lient d'amitié dans les années 20 à Paris, explique Rebeca Foëx-Castilla, codirectrice de l'espace sis à la rue Étienne-Dumont. Man Ray équipe Brancusi d'un appareil et d'une chambre noire, afin de lui enseigner l'ensemble du processus, de la prise de vue à l'impression.»

L'exposition «Brancusi: the sculptor as photographer» réunit un véritable trésor d'une bonne trentaine de tirages argentiques vintage sur papier – c'est-à-dire des originaux réalisés par le maître lui-même et pour la majorité uniques. Ce qui explique des prix uniques eux aussi, pouvant tutoyer les 250 000 francs par exemplaire. C'est un peu par hasard que David Grob, fondateur de la galerie, assemble ce fonds spectaculaire. «En 1970, je recherchais des ouvrages de référence sur Brancusi, mais rien n'avait été édité, raconte-t-il. À une vente chez Sotheby's, je suis tombé sur un lot de cartes postales et de photographies que j'ai acquis pour 60 livres sterling. Je n'ai compris que quatre ans plus tard que Brancusi était en réalité l'auteur des images, en en découvrant un exemple dans la reconstitution de son atelier parisien!» Il complète la collection en s'adressant à divers proches de l'artiste ou à des magazines, détenteurs d'originaux.

Bouquets contemporains

L'accrochage rassemble des vues d'atelier conçues comme des tableaux, plusieurs photographies de sculptures cadrées de très près, avec une délicatesse d'amant, dont la très célèbre «Mademoiselle Pogany», muse et maîtresse que Constantin Brancusi cisèlera maintes fois. On y découvre également les images de l'ensemble sculptural qu'il érige dans la ville roumaine de Târgu Jiu en hommage aux soldats de la Grande Guerre, deux portraits rieurs du compositeur Erik Satie, très lié au sculpteur, ainsi que d'époustouflants bouquets, aussi frais et contemporains que s'ils avaient été saisis la veille. «Brancusi aimait beaucoup les dames et au lieu de leur offrir de vraies fleurs, il leur faisait cadeau de photos de fleurs», sourit Rebeca Foëx-Castilla.

D'ailleurs, la galerie consacre, à l'entrée, sa première salle aux œuvres de l'une des bien-aimées de l'artiste, elle-même photographe: Florence Homolka. Une élégante entrée en matière qui permet de porter un autre regard sur l'homme, son atelier et sa création.

«Brancusi: the sculptor as photographer» Jusqu'au 27 juillet chez Grob Gallery, 2, rue Étienne-Dumont. Lu-ve de 14 à 18 h. www.grobgallery.com