Environnement Sale temps pour les abeilles dans le Doubs

Dans le département, l’hiver a anéanti 29 % des ruches. Une situation parfois pire ailleurs, mais pas de quoi consoler le demi-millier de membres du Syndicat apicole du Doubs. Lequel, sans surprise, met surtout en cause les pesticides.
Joël MAMET - 09 mai 2018 à 05:05 | mis à jour le 09 mai 2018 à 08:14 - Temps de lecture :
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François Gérard en action, auprès des ruches écoles de la Maison de l’apiculture à Besançon. Là peuvent être formés tous ceux qui veulent… négocier avec les abeilles l’extraction du miel.  Photo Ludovic LAUDE
François Gérard en action, auprès des ruches écoles de la Maison de l’apiculture à Besançon. Là peuvent être formés tous ceux qui veulent… négocier avec les abeilles l’extraction du miel. Photo Ludovic LAUDE

Il donne envie de faire du miel, François Gérard, le vice-président du Syndicat apicole du Doubs, le Sadapi. D’ailleurs, il le reconnaît : « Comme Obélix, je suis tombé dedans quand j’étais petit… J’avais 3 ans quand j’ai commencé à m’y intéresser ».

Le voici à la lisière de Chailluz, devant les « ruches écoles » du Sadapi (donc utilisées à des fins pédagogiques). Tiens donc, au contact de leurs abeilles, François Gérard ne met pas le traditionnel masque. « Je m’en sers le moins possible, avec lui je ne vois pas bien. Alors que c’est important d’observer s’il y a des œufs dans les cadres », ces particules de bois aisément démontables sur lesquelles s’accrochent et « travaillent » les occupantes.

Celles-ci ont l’air en forme. De fait, la saison s’annonce bonne, tant mieux pour les cinq milliers de ruches présentes dans le Doubs. Car l’hiver fut meurtrier.

« Nous avons enquêté auprès des apiculteurs du département. Ceux qui nous ont répondu s’occupent, au total, de 1 279 ruches. Parmi elles, 375 ont été anéanties, soit un taux de perte de 29 %. »

Le facteur humain

Un taux conforme à la moyenne nationale, donc passablement inquiétant. Et, évidemment, des situations qui varient d’un secteur à l’autre : « Un apiculteur bio n’a pu conserver que 25 % de son “cheptel”. Un copain jurassien, lui, n’a plus rien. »

Le vice-président ajoute « Imaginez-vous un éleveur dont toutes les montbéliardes seraient mortes, ou qui n’en aurait plus que le quart ? Dans ce cas tout le monde parle de drame, et c’est normal. Mais le rôle des abeilles est irremplaçable comme “sentinelles de l’environnement”. On sait bien que leur disparition est liée à des dérèglements écologiques dans lesquels le facteur humain tient un rôle important. Donc il faut corriger nos comportements ».

Les causes ? Dans les années 80, le varroa (un acarien originaire de l’île de Java) a fait des ravages. Il sévit encore, mais les chercheurs de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) ciblent aussi les pesticides et autres néonicotinoïdes utilisés pour empêcher des insectes de détruire des plantes. Or leurs effets neurotoxiques sont souvent fatals aux abeilles.

Tout de même, le 27 avril dernier, l’Union européenne a annoncé l’interdiction de trois substances de ce type dans les cultures de plein air.

« Oui, mais il y a des dérogations pour certaines cultures jusqu’en 2020 », relève François Gérard. L’Europe reste un combat…

Tous concernés. La raréfaction des abeilles est due également à la réduction des espaces où le pollen et le nectar s’épanouissent. « Le nombre de gens qui passent leur tondeuse dès que la hauteur de leur gazon dépasse 2 cm ! »

Prière de laisser l’herbe pousser, et respirer.

40 000 tonnes de miel sont consommées chaque année en France, où les apiculteurs n’en produisent plus que 10 000 (contre 30 000 il y a un quart de siècle). Plus de la moitié de la consommation est donc importée. De Chine, notamment, où le sucre du miel est fabriqué de façon… chimique, assure le Syndicat apicole du Doubs.