«En Iran, on est tous inquiets»

    Le gérant d’une maison d’hôte dans l’est de l’Iran redoute que la décision américaine n’effraie les touristes, tandis que d’autres craignent une augmentation du coût de la vie.

     Téhéran, le 9 mai. Des manifestants brûlent une photo de Donald Trump .
    Téhéran, le 9 mai. Des manifestants brûlent une photo de Donald Trump . AFP/ATTA KENARE

      «Oui, ici tout le monde en parle... » Des textos aux amis, des coups de fil aux collègues, des discussions engagées avec des inconnus ou le chauffeur dans les taxis collectifs. Tout l'Iran ne bruisse plus que de la sortie des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire depuis plus de 24 heures, assure Ali Reza*, la trentaine. Et des incertitudes qui guettent le pays. « C'est une mauvaise nouvelle, on est tous inquiets », souffle-t-il. Lui gère une maison d'hôte aux portes du désert, à l'est du pays, et redoute que la décision américaine n'effraie les touristes.

      Le couperet est tombé mardi soir, mais l'épée de Damoclès américaine flottait au dessus du ciel iranien depuis janvier, et l'élection de Donald Trump. «J'ai peur qu'on ne revienne à l'époque Ahmadinejad, avec une pression économique très forte sur les Iraniens, lâche Dariush, étudiant ingénieur à Téhéran. Trump assure qu'il n'est pas hostile au peuple iranien, mais c'est un menteur. C'est nous qui allons souffrir, pas le gouvernement. » Le jeune homme redoute l'inflation galopante, que le rial iranien ne décroche encore davantage face au dollar. «Banqueroutes, fermetures des petits commerces... », promet-il. «Le coût de la vie augmente, et quitter le pays devient encore plus dur », abonde Amir, prof dans le sud-est du pays.

      «On attend surtout de voir ce que vont faire les Européens»

      Les conservateurs les plus durs, adversaires du président Hassan Rohani et hostiles à l'accord sur le nucléaire signé en 2015, se sont eux félicités de la «rupture » américaine. Certains députés ont été jusqu'à brûler le drapeau américain dans l'enceinte du Parlement. «Des irresponsables », tacle Dariush.

      «La situation est inquiétante...mais on a vécu sous les sanctions pendant près de 30 ans », tente de relativiser Amin, pilote d'avion pour la compagnie nationale, pour qui « Trump a prouvé à nouveau qu'aucun pays ne peut faire confiance aux Etats-Unis ». «Une période difficile s'annonce pour l'Iran. Mais on attend surtout de voir ce que vont faire les Européens », reprend Ali Reza.

      L'Ayatollah Khamenei, plus haute instance du pays, a dénoncé les «mensonges » proférés par Trump sur le nucléaire iranien et doute que les Européens puissent donner des «garanties réelles » aux Iraniens sur la stabilité de l'accord. Sans quoi l'Iran ne manquerait pas, à son tour, d'en partir.

      *Les prénoms ont été modifiés