Les premières annonces de taux 2016 ont douché les derniers espoirs que pouvaient nourrir les porteurs d’assurance vie.

Les premières offres à la française de contrats auto "pay as drive" (assurance au kilomètre) et "pay how you drive" (assurance qui récompense les bons conducteurs) n'ont pas eu le succès attendu.

Getty Images/iStockphoto

Grâce aux données collectées sur votre mode de conduite, les assureurs peuvent individualiser les risques et les primes et proposer de nouveaux contrats sur le mode "conduisez mieux, payez moins" ("pay how you drive") ou "moins vous roulez, moins vous payez" ("pay as you drive" ou "pay when you drive").

Publicité

Un marché prometteur, estimé à 15 milliards d'euros en Europe par le cabinet Deloitte l'an dernier et supposé décoller dans les prochaines années.

LIRE AUSSI >> Assurance auto: comment payer moins

Pourtant, la réalité française apparaît tout autre. Plus de deux ans après le lancement des premières offres françaises, Allianz Conduite connectée et YouDrive de Direct Assurance, fin 2015, mais aussi Road coach d'Amaguiz courant 2016, ces acteurs ne dépassent pas les 25 000 à 30 000 clients assurés chacun. Une goutte d'eau dans un parc estimé à plus de 30 millions de véhicules de particuliers. Ni les clients ni les assureurs ne se bousculent sur ce segment, même si Société Général Insurance, via Boursorama Banque, filiale du groupe, vient de lancer tout début 2018 Carapass, sa première assurance au comportement.

L'individualisation menace la mutualisation

Certes, ce marché attise de nombreuses convoitises. Tous les assureurs réfléchissent, équipent leurs assurés de boîtiers afin d'effectuer des tests, mais concrètement peu encore se lancent. Sans compter que l'individualisation des primes d'assurance induite par des formules de paiement lié au comportement de conduite pourrait marquer la fin de la mutualisation des risques, socle sur lequel repose le système d'assurance.

Avec des risques de dérive, comme le souligne Florent Villain, directeur marketing du groupe Maif. Dans ce nouvel écosystème, tous les assureurs se battraient pour assurer les "bons risques". À l'opposé, les malussés, les personnes victimes d'un vol automobile ou de plusieurs accidents - même non-responsable - auraient le plus grand mal à s'assurer ou verraient leur prime atteindre des montants stratosphériques. Raison pour laquelle, à ce jour, la Maif ne souhaite pas proposer d'offre d'assurance comportementale même si elle en suit les évolutions.

Un modèle économique à trouver

Mais ce ne sont pas les seuls freins au développement de ces contrats auto connectés. Pour équiper les automobilistes de boîtiers et leur faire accepter l'idée que l'assureur collecte une partie de leurs données personnelles, pas question de leur faire payer l'équipement à installer dans leur voiture. Résultat, compagnies et mutuelles en sont de leur poche de 15 à 20 euros suivant les technologies, sans parler de l'achat des données aux opérateurs de téléphonie. De plus, pour attirer le chaland, ils doivent offrir des ristournes ou afficher des baisses de prime, sur un marché de l'assurance auto déjà ultra concurrentiel et parmi les moins chers d'Europe.

LIRE AUSSI >> Assurances auto: êtes-vous prêt à tout dévoiler pour payer moins cher?

Des coûts supplémentaires d'un côté, des cotisations en moins de l'autre, le compte n'y est pas. Surtout si suivant l'avis de certains spécialistes, à ce jour, aucun assureur n'est parvenu à faire la preuve du lien entre comportement au volant et sinistralité ! "La télématique n'attirera les clients que s'ils y trouvent un avantage financier ou d'innovation, ce qui soulève un problème majeur chez les assureurs traditionnels. Car si leur portefeuille d'assurés auto devait massivement migrer sur ces nouvelles offres, ils seraient perdants, constate Jean-Franck Grimaud directeur assurances, finance et pilotage chez Amaguiz, pourtant précurseur dans ce domaine. Non seulement ils devraient payer la technologie, un tiers de confiance pour gérer la data mais également récompenser leurs clients en abaissant leur prime, le tout pour un niveau de sinistre, qui, lui, reste identique".

Une équation perdante pour les assureurs ce qui explique pourquoi l'offre reste encore peu répandue en France. "En tout état de cause, tout le monde s'interroge sur le bon modèle économique", poursuit le spécialiste.

Les constructeurs en embuscade

Résultat, les assureurs français ne sont pas précipités, d'autant que la collecte des données reste encore complexe. "Un problème qui devrait toutefois être résolu dans les années à venir", remarque Sébastien Brame, senior manager chez Clarion, spécialisé dans le développement et la fabrication de produits électroniques pour automobiles.

LIRE AUSSI >> Carburant: 10 astuces pour consommer moins

Les prochaines générations de voitures seront conçues pour collecter des données." Les assureurs devront-ils alors les acheter aux constructeurs? Cela engendrerait encore des surcoûts voire chamboulerait totalement le marché. Les constructeurs maîtres de la data pourraient être tentés de se tailler la part de lion sur cette nouvelle activité. "Un secteur auquel ils s'intéressent de plus en plus, seul ou en partenariat avec des assureurs, confirme d'ailleurs Guillaume Crunelle, associé, responsable du secteur automobile du cabinet Deloitte."

Et les voitures autonomes?

De fins connaisseurs du secteur font aussi remarquer, non sans ironie, que faire le pari de l'assurance automobile au comportement à l'heure où l'on annonce l'arrivée des premières voitures autonomes ne va pas tout à fait dans le sens de l'histoire. Si, à une échéance relativement proche, les voitures se conduisent toutes seules, le concept d'assurance au comportement deviendra de fait obsolète...

Publicité