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Une grotte habitée sans interruption par nos ancêtres pendant 78.000 ans

Une équipe internationale de chercheurs à découvert une grotte qui a été occupée sans interruption pendant 78.000 ans au Kenya. Mohammad Shoaee

Sûrement protégé par un contexte environnemental favorable, au Kenya, le site contient plusieurs dizaines de milliers d'objets qui témoignent de l'évolution de notre espèce.

Imaginez une grande maison de vacances, ou plutôt un bon plan de villégiature qu'on se refilerait de générations en générations sur une période longue de 78.000 ans. En l'occurrence il ne s'agit pas d'une maison, mais d‘une grotte, celle de Panga ya Saidi, située sur la côte est africaine, dans l'actuel Kenya. Les générations se sont suivies et, en disparaissant, elles ont laissé derrière elles les témoignages des évolutions technologiques de leur temps. De quoi donner un très bel aperçu de l'évolution de notre espèce. C'est la découverte stupéfiante que vient de faire une équipe internationale de chercheurs, menée par Nicole Boivin, chercheuse au département d'archéologie de l'Institut Max Planck pour les sciences de l'histoire humaine, à Iéna (en Allemagne). Leurs travaux sont publiés cette semaine dans Nature communications .

«Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le terme de «maison»», précise Alice Leplongeon, chercheuse au département Homme et Environnement du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN). «Les populations n'étaient pas sédentaires et ne vivaient pas dans la grotte tout au long de l'année. Ce que montre la publication, c'est que pendant près de 80.000 ans les hommes s'y sont succédé sans interruption. Rien ne permet d'affirmer que les mêmes individus y ont séjourné longtemps, ou bien y sont retournés au cours de leur vie.»

D'autres grottes en Afrique de l'Est témoignent de très longues périodes d'occupation aux mêmes époques. Mais à chaque fois la présence humaine était marquée par de plus ou moins longues absences. À Panga ya Saidi ce n'est pas le cas. «C'est sans doute l'élément le plus intéressant», explique la chercheuse. «La région a subi plusieurs changements climatiques qui ont pu rendre inhospitalière une partie du continent. Ce site témoigne au contraire d'une grande stabilité.»

Un élément qui pourrait aider à trancher sur un des grands débats qui divisent les spécialistes de la préhistoire, à savoir l'éruption de volcan Toba. Il y a 74.000 ans son éruption aurait provoqué une mini ère glaciaire qui aurait failli condamner l'espèce humaine. Les chercheurs sont divisés sur les conséquences réelles de cette éruption, mais une chose est sûre: «il n'y a pas d'indice sur telle catastrophe à cette époque dans les traces archéologiques de la grotte», explique Alice Leplongeon.

Plusieurs objets témoignent de pratiques culturelles et techniques complexes. Francesco D'Errico and Africa Pitarch

Près de 80.000 ans de présence continue, ça laisse des traces. En tout, ce sont 30.000 pierres taillées qui ont été retrouvées auxquelles il faut ajouter des fragments d'ocre, des ossements taillés, des restes d'œufs d'autruches et des coquillages... «On voit très nettement l'apparition de nouvelles techniques il y a 67.000 ans,» explique Alice Leplongeon. «Mais, il n'y a pas de remplacement brutal. Les anciennes techniques continuent et cohabitent avec les nouvelles. À ce moment, les populations qui occupaient la grotte semblent déjà entrées dans ce qu'on appelle l'âge de pierre tardif. Or cette période ne démarre que 17.000 ans plus tard ailleurs sur le continent.»

L'évolution n'est pas un processus soudain, mais on remarque que, petit à petit, la technique des occupants a progressé. La plus vieille perle retrouvée date de 65.000 ans (ce qui en fait la plus vieille perle retrouvée au Kenya). Elle a été taillée dans un coquillage marin. Petit à petit ce type d'ornements se fait de plus en plus nombreux et de nouveaux matériaux apparaissent. Les perles en coquille d'oeuf d'autruche apparaissent plus tard dans la séquence et sont les plus abondantes autour d'il y a 25.000 ans. Des os sculptés, une défense sculptée et un tube osseux décoré ont aussi été retrouvées dans couches datées d'il y a environ 48 000 à 25 000 ans.

Une évolution lente et continue

Toutes ces traces attestent de la complexité comportementale des occupants. Leur présence intermittente dans le temps montre bien la lenteur qui caractérise l'apparition de nouvelles technologies et pratiques culturelles. «L'absence de changement brutal pousse aussi pour un modèle d'innovation locale», rajoute Alice Duplongeon. «La zone de la grotte aurait représenté tout au long de cette période une sorte de refuge environnemental pour les populations locales. Il n'y aurait pas eu de contact avec d'autres populations.»

Un refuge suffisamment confortable pour faire passer l'envie à ces occupants de visiter d'autres contrées. «C'est là tout le débat de la paléontologie!» conclue Alice Leplongeon. «Qu'est-ce qui a poussé l'homme à migrer: la soif de découverte ou la contrainte environnementale?» Panga ya Said montre que les côtes africaines n'étaient pas un simple lieu de passage vers l'océan indien. Et alors qu'il y a 60.000 ans, les humains commencent à s'installer dans des contextes environnementaux bien différentes sur tout le globe, cette diversité témoigne déjà à l'époque de sa forte capacité d'adaptation.

Une grotte habitée sans interruption par nos ancêtres pendant 78.000 ans

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98 commentaires
  • Prospérité pour tous en Euroland

    le

    Et alors, même en suivant la théorie de l'évolution, ça ne veut pas dire que l'on provient tous de la même souche initiale. Si la vie a pu apparaître en Afrique, alors la vie a pu apparaître aussi sur d'autres continents. Tout ce que ça peut dire ces fouilles étant que la vie a pu apparaître en Afrique avant l'Europe ou ailleurs, mais rien prouve que l'on provient de même parents initiaux. C'est juste que des bassins d'apparition de la vie ne se sont pas produits au même moment selon les continents. D'autant que, en Europe on a sur-urbanisé très rapidement en premier, et lorsque des villes villages etc ont disparu on a reconstruit bien souvent par dessus, alors il est fort possible que l'on ne pourra plus retrouver de vestiges encore plus anciens parce nos villes actuelles sont bâties par dessus. Quant aux grottes, à savoir aussi qu'avec l'humidité beaucoup plus présente sur notre continent qu'en Afrique, alors des peintures ont pu être effacées à travers le temps.

  • Super Résistant 2709

    le

    Macromagnon envisageait d'y faire payer une super taxe foncière.

  • La dent blanche

    le

    "Notre espèce" ? Mon espèce ne vient pas du Kenya.

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