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Le livre d'image de Jean-Luc Godard retourne la tête du Festival de Cannes

Jean-Luc Godard a donné -c'est une première- sa conférence de presse via Facetime. CASA ANGELS FILMS /ECRAN NOIR PRODUCTIONS

REVUE DE PRESSE ET DE TWEETS - « Fumisterie », « une dissertation vidéo empruntant au film d'horreur », « réservé aux exégètes », « une ivresse d'images », « un bombardement d'images cryptées mais fascinantes ». Le film et la surréaliste conférence de presse de l'icône de la Nouvelle vague déconcertent ou submergent.

L'expérience sensorielle, difficilement qualifiable, exalte autant qu'elle exaspère et interloque. Sans surprise, le dernier film de Jean-Luc Godard Le livre d'image, présenté comme une réflexion sur le monde arabe, est l'OVNI de cette compétition officielle 2018 du Festival de Cannes. Quelques heures après sa première vendredi soir, l'œuvre de l'icône de la Nouvelle vague continue de déconcerter ses spectateurs. Et ce n'est pas la conférence de presse donnée par le maestro, samedi matin, via téléphone qui apportera forcément des réponses.

«Le livre d'image est une fumisterie» peste Le Figaro pendant laquelle n'ont cessé «de claquer les fauteuils de l'auditorium Lumière». «Le génie transalpin se lance dans son musée imaginaire, bouillie indigeste faite d'extraits de films. Les siens, plus Johnny Guitare, La Règle du jeu, En quatrième vitesse, Les Visiteurs du soir, Hamlet, Elephant, Timbuktu, etc. Le tout commenté par sa voix d'outre-tombe, souvent couverte par divers brouhahas», décrivent nos critiques Etienne Sorin et Eric Neuhoff. Et de conclure: «Si un spectateur avait imité le Godard en 1968 et s'était accroché au rideau pour empêcher la projection, cela aurait évité ce pensum inutile. Cinquante ans après, Papy Godard continue à saboter le Festival de Cannes».

Pour le Hollywood reporter, Le livre d'image est à réserver «aux exégètes de Godard» : «la dernière scène dans lequel un homme tourne follement sur lui-même jusqu'à l'épuisement d'images et de sons, cherchant leur harmonie et leur discordance. Et de spéculer: «on imagine très bien le cinéaste jouer avec les boutons de sa console de montage» L'autre journal de la presse hollywoodienne Variety ressort de la projection avec le sentiment que «ce kaléidoscope sur le monde actuel pose une question qui pourrait s'appliquer au film: est-ce que quelqu'un regarde?». «Paradoxalement, Le livre d'image est son travail le plus accessible en 30 ans. Godard s'est définitivement débarrassé des acteurs et a trouvé une association libre des images et des sons qui fait penser à MTV. Godard n'est plus un narrateur mais un poète audiovisuel». Pour The Guardian, «Le livre d'image est une mosaïque qui a l'urgence et la terreur d'un film d'horreur»

«Godard avait dit adieu au langage. Désormais, il ignore tout le reste»

«Dans Le livre d'image, Godard théorise que les images obscurcissent notre déclin imminent. Le livre d'image est un flux de conscience qu'il faut regarder petit bout par petit bout. Sa technnique expérimentale traduit de profondes ambitions philosophiques même s'il part dans mille directions», analyse le site Indiewire , «A 87 ans, Godard assaille plus que jamais les conventions. Il avait dit adieu au langage, il y a quelques années. Désormais, il ignore tout le reste». Leur confrère The Wrap estime que «Godard fout la pagaille dans la tête des spectateurs. Le livre d'image est une dissertation sur le son et l'image, un poème qui utilise les outils du cinéma. C'est un voyage sur la planète Godard qui peut nourrir la vie… mais seulement chez une certaine sorte d'humains»

Télérama comme Le Monde diagnostiquent «une ivresse» et «un bombardement d'images cryptées mais fascinantes». Le Livre d'image frappe par ses étranges alliages. Bégaiements de l'image et du son, attaques sèches et intempestives, images sales, baveuses, démantibulées, fouillées jusque dans la chair du photogramme». «On sort de ce chaos avec l'impression d'une extrême clarté, quelque chose semble s'être établi, un dialogue qui dans tout Godard, au bout de quelque cent vingt films, a rarement été aussi net, et rarement aussi révolté», promet Libération.

Sur Twitter, le débat n'est pas non plus tranché.

«Après trois heures et demie de sommeil et en étant à moitié ivre, Le livre d'image m'a donné l'impression d'être dans la tête de David Lynch lorsqu'il réalisait la troisième saion de Twin Peaks. Ce que cette oeuvre vous fait est plus important que l'image».

«Ce Godard est plus viscéral et fougeux que je m'y attendais. Une dissertation qui a adopté les codes du film d'horreur».

«Le collage ahurissant de Godard est un contrepoint, corrolaire presque musical à trous les films présentés dans ce et tous les festivals. Adieu au langage et à tout le reste, mais son génie brûle toujours».

Un film pas conçu pour une sortie en salle

Et il n'est pas certain que le cinéphile pourra facilement se forger une opinion. Au cours d'une surréaliste conférence de presse où Jean-luc Godard, éternel fantôme de Cannes, s'est exprimé par téléphone portable via une application vidéo- une première -, le cinéaste d'A bout de souffle a livré une leçon de 7e art. Il a exprimé le souhait que son film ne soit pas montré au cinéma mais plutôt dans des théâtres et lieux de culture:«les images doivent passer sur une toile réservée à la peinture». De fait selon Variety, Le livre d'image devrait faire l'objet d'une exposition itinérante mondiale dans plusieurs musées dont le Centre Pompidou.

«Avec ce film, je me suis intéressé aux faits, à ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. J'espère que mon film montre ce qui ne se fait pas. Il faut parfois penser avec les mains et non la tête», a souligné Jean-Luc Godard qui s'est souvent lamenté que les journalistes étrangers l'interrogent en anglais et non dans leur langue maternelle. «Beaucoup d'acteurs contribuent au totalitarisme de l'image filmée, et non pensée», a commenté le réalisateur qui a exhorté «le courage d'imaginer la vie et de prendre le train de l'histoire». Pêle-mêle, il a aussi rendu hommage à Pierre Overney, ouvrier militant maoïste tué en 1972, et les militants de la Zad de Notre-Dame-des-Landes, s'est inquiété de la baisse de la démocratie en Europe, continent où l'on ne fait «plus d'enfants» et où l'amour est devenu trop rare, contrairement à l'Afrique. Puis, après 45 minutes de conversation, il a raccroché sous les applaudissements d'une salle de presse bondée.

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Le livre d'image de Jean-Luc Godard retourne la tête du Festival de Cannes

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66 commentaires
  • zelinote

    le

    Godard regarde le monde de haut et lui, s'admire, s'écoute, persuadé de son "génie". Quoique, il a raison d'avoir exploité le snobisme de certains bourgeois issus de 68, toujours pas remis de leur révolution de salons. Pourtant à la même époque il y en eut de bien plus doués que lui.

  • Jacky REAULT

    le

    La seule annoncé à peu près claire, c'est un propos "sur le monde arabe". On eut aimé qu'au moins l'auteur de l'article nous dise effectivement ce qu'il disait sur "le monde arabe"; c'est vraiment aujourd'hui la seule chose importante. Tout le reste, y compris les commentaires peut s'interpréter à l'avance sur une simple hypothèse palvovienne.

  • Envie de vie

    le

    la bouillie pour soixantuiètards est servie. Les papys vont pouvoir regagné leur petit dodo en feuilletant avec ce petit brun d'arrogance leur album souvenirs. Ah la nouvelle vague ! Etre une icône, être culte ! comment s'en remettre ? Impossible. Aussi faut-il en faire toujours plus dans la provocation et la surenchère intellectualiste et qui ne conduit qu'au radotage idéologique. La domination par la prétention au discours qu'il soit artistique ou politique, l'effet de manche, le look, la posture de gauche devenue extrême bien entendu, tout cela ne conduit qu'à l'impasse mortifère. D'où ce discours qui devient de fin du monde. Quand une star s'apprête à disparaitre, il s'imagine que le monde va disparaitre avec elle. Qu'importe les vagues, elles se succèdent et ne laissent pas si grands souvenirs que d'autres ne puissent remplacer.
    Les générations se sont succédés et ne s'intéresse plus à ce point à ce qui n'est que le passé pas si glorieux aux vues des résultats aujourd'hui. Leur préoccupation sont plus pragmatiques. Les besoins sont plus matériels et croire au grand soir reste l'empanache de quelques privilégiés désenchantés.

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