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Libération
Reportage

A Lyon, «Collomb, il en connaît pourtant des fumeurs»

Pour la 17e édition de la Cannaparade, samedi, les fumeurs lyonnais ont grillé l'hypocrisie du ministre de l'Intérieur quant à la pénalisation de l'usage du cannabis.
par Maïté Darnault, Correspondante à Lyon
publié le 12 mai 2018 à 22h00

«Gérard Collomb, hypocrite!», scande un homme dans un micro, devant un petit sound system monté sur un triporteur. Autour de lui, une centaine de personnes brandissent des pancartes ornées de quelques feuilles de cannabis et de slogans appelant à sa légalisation. La playlist enchaîne les classiques un brin surannés: la Main verte de Tryo, la Fille du coupeur de joints de Thiéfaine, Clandestino de Manu Chao, Kaya et Legalize It de Bob Marley…

Amende forfaitaire

Samedi, à l'occasion de la 17e édition de la Cannaparade, les manifestants lyonnais n'ont pas manqué d'étriller le ministre de l'Intérieur, ex-maire de la ville, dont le parti au pouvoir ne semble pas prêt à rompre avec des décennies de prohibition. «Collomb, il en connaît pourtant des fumeurs. Dans la petite équipe qui l'a aidé à devenir maire de Lyon, un certain nombre faisaient tourner des joints en soirée. Quand il a été élu, il nous a laissés organiser en paix l'appel du 18-Joint. Maintenant qu'il est ministre, on attend de lui autre chose que des contraventions. Cette nouvelle amende, on ne voit vraiment pas à quoi ça va servir», juge Jérôme Expuesto, membre du Collectif d'information et de recherche cannabique (Circ) de Lyon.

Le gouvernement s'est en effet déclaré favorable à la proposition du député LREM Eric Pouillat d'infliger une amende forfaitaire de 300 euros pour punir l'usage de cannabis. «Une mesurette marginale plutôt qu'une réforme véritable et cohérente afin d'éviter tout procès en laxisme», dénonce le communiqué du Circ. «C'est une connerie de plus, considère Christian Tharel, membre du collectif. Encourager la chasse aux fumeurs, ça ne règle rien. La police et la justice s'en voient déjà pour arrêter les petits et les grands trafiquants, ils ont autre chose à faire.» Sebastian, 23 ans, «étudiant travailleur», partage ce constat: «Cette substance est mal gérée en France, alors qu'elle n'est pas dangereuse pour la société. Rien à voir avec les problèmes liés à l'alcool. Pourtant, pour consommer, on doit accéder à des marchés illégaux.»

Désobéissance civile

Les fumeurs en pétard souhaitent promouvoir une chaîne économique viable: «Il faut autoriser l'autoproduction et faciliter la production et la revente, en faisant payer aux producteurs une espèce de patente pour qu'ils puissent fournir une coopérative, avec une certification bio ou garantissant un taux de THC convenable, explique Christian Tharel. C'est ça qui permettra la revente aux particuliers avec un maximum d'informations, de prévention, de réduction des risques. La prohibition empêche de se pencher réellement sur les enjeux de santé publique.»

«Nous, on est prêts à payer des taxes, à donner de l'argent à des institutions pour qu'elles gèrent cet accompagnement», affirme en écho Jérôme Expuesto. Une prise en charge devenue plus qu'urgente en matière d'usage thérapeutique, souligne Dominique Loumachi, militant emblématique de cette cause, présent dans la manifestation lyonnaise. «Pour nous les malades, dit l'homme atteint d'une myopathie, la désobéissance civile est un devoir, le devoir de vivre et de lutter contre les associations de malfaiteurs que sont les pharmacopées légales.» Le cortège progresse vers l'hôtel de ville, son terminus. Suite du programme? «Dispersion, tranquillement», dit un habitué de cette marche annuelle. Sourire : «On n'est pas des délinquants.»

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