BILANLes temps forts d'une finale de l'Eurovision très politique

Eurovision: Ce qu'il faut retenir d'une finale très politique

BILANCe samedi, la finale de la 63e édition du concours de chansons, organisé au Portugal, a évoqué directement ou non, volontairement ou non, des thèmes politiques...
Un intrus est monté sur scène de l'Eurovision lors de la prestation du Royaume-Uni, le 12 mai 2018 à Lisbonne (Portugal)
Un intrus est monté sur scène de l'Eurovision lors de la prestation du Royaume-Uni, le 12 mai 2018 à Lisbonne (Portugal) - Francisco LEONG / AFP
Fabien Randanne

Fabien Randanne

De notre envoyé spécial à Lisbonne (Portugal)

Ce samedi, la finale de l’Eurovision a offert au public son lot de prestations flamboyantes, de notes haut perchées et de fringues improbables. Mais cette édition portugaise restera dans l’histoire du concours comme l’une des plus politiques sur scène. Explications.

  • La victoire d’une chanson féministe

L’Israélienne Netta Barzilai a remporté le concours. Son exubérance saute aux yeux et les bruits de poule qu’elle imite tambourinent aux oreilles… on en oublierait presque le contenu de sa chanson. Toy est un hymne féministe écrit dans la lignée du mouvement #MeToo. « Je ne suis pas ton jouet, pauvre idiot ! », scande l’artiste dans le refrain au milieu de paroles invitant à la confiance en soi.

  • Une chanson française clivante ?

Le duo Madame Monsieur a pris la treizième place, sur vingt-six pour la France avec Mercy, inspirée de l’histoire vraie d’une enfant née l’an passé sur un bateau de SOS Méditerranée se portant au secours des réfugiés. « C’est une chanson en français, sur un sujet qui crispe actuellement en Europe. On a fini pile en milieu de classement, c’est bien la preuve que c’est clivant », a déclaré la chanteuse Emilie Satt. A noter que si le morceau français a séduit les jurés professionnels, qui l’ont classé huitième, il n’en est pas de même du public européen, qui lui a attribué la dix-septième place dans ses votes. «S’il ne décolle pas, cela montrerait qu’il y a une vraie mauvaise foi globale de ne pas vouloir mettre des points à une chanson qui évoque ce sujet et cela montrerait qu’elle est efficace parce qu’elle a dérangé», avançait avant l’Eurovision Christophe Willem, qui a commenté la finale sur France 2.

  • L’Europe a prisé la chanson italienne sur le terrorisme

Seulement dix-septième à l’issue des votes du jury (17 points), le duo italien Ermal Meta et Fabrizio Moro, est arrivé troisième du vote des téléspectateurs (249 points), ce qui lui a permis de finir à la cinquième place au classement général (308 points). Le public de trente-cinq pays, dont les Français, lui ont donné au moins deux points. Le signe que la chanson Non mi avete fatto niente a fédéré et touché une corde sensible. Le texte, inspiré du «Vous n'aurez pas ma haine» d'Antoine Leiris dont l’épouse a été tué dans l’attentat au Bataclan, évoque la résilience face au terrorisme. Des bribes de paroles traduites dans plusieurs langues sont apparues à l’écran lors de la performance des deux chanteurs. Si, esthétiquement, ce n’était pas le plus réussi, cela a visiblement permis de faire passer le message.

  • Cachez ces gays que je ne saurais voir

L’Irlandais Ryan O’Shaughnessy a fini 16e avec Together, une ballade romantique qu’il a interprété sur scène accompagnée de deux danseurs. Les deux garçons ont livré une chorégraphie toute en frôlements et ballet amoureux. II paraît que les commentateurs russes ont présenté cette danse comme celle de «deux bons amis» - rappelons que la Russie interdit la «promotion des relations sexuelles non traditionnelles», ce qui est un euphémisme pour désigner une loi homophobe. Mais le pompon de la censure a été décroché par la Chine qui, lors de la demi-finale de mardi, n’a purement et simplement pas diffusé la prestation de l’Irlandais (ni celle de l’Albanais, trop tatoué). L’Union européenne de radiotélévision, qui chapeaute l’Eurovision, n’a pas du tout apprécié et a rompu sur le champ son contrat avec la télévision chinoise.

  • Tempête sur le Royaume-Uni

Nos voisins d’outre-Manche, enchaînent les mauvais résultats à l’Eurovision. Il faut remonter à 2011 pour les retrouver dans la première moitié du classement (le groupe Blue avait fini 11e). Cette année, la Britannique SuRie termine 24e sur 26 avec sa chanson Storm. La tempête, elle l’a vécue sur scène, lors de la finale, quand un spectateur est monté sur scène pour lui prendre le micro des mains. Il aurait voulu protester ainsi contre la présence du Royaume-Uni à l’Eurovision après le vote en faveur du Brexit. La chanteuse, évidemment surprise sur le coup, a vite recouvré ses esprits afin de poursuivre avec un niaque qui transparaissait à l’écran. Cela n’a pas suffi à convaincre les téléspectateurs de voter pour elle. En tout cas, SuRie, qui est l’une des candidates les plus drôles et bienveillantes croisée au cours de cette édition - et qui avait filé un bon coup de main aux Français il y a un mois - ne méritait pas ça.

  • L’Australie ne fait vraiment pas partie de l’Europe

L’un des enseignements de ce palmarès 2018 est que le public européen éprouve toujours une réticence à attribuer des points à l’Australie. Le pays, où l’Eurovision est un phénomène, invité à participer depuis 2015, est arrivé dernier du vote des téléspectateurs en glanant seulement neuf petits points (six de Malte, deux du Danemark et un du Royaume-Uni), alors qu’il a fini douzième côté jurys (et 20e au total). L’an dernier, on observait la même tendance : le candidat australien avait fini 4e côté jurys et 25e côté public.

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