Inde : un journaliste accusé de sédition pour une caricature

Pour avoir partagé une caricature jugée “anti-nationale”, un journaliste indien de 50 ans est accusé de sédition, crime pour lequel il risque la prison à vie. Reporters sans frontières (RSF) condamne cet abus de droit et appelle à l’abandon immédiate des poursuites.

Lorsque le rédacteur en chef du journal Bhumkal Samachar, Kamal Shukla, a simplement partagé un dessin satirique sur sa page Facebook, il ne s’attendait probablement pas à se retrouver poursuivi pour sédition. C’est pourtant ce qu’il s’est produit le dimanche 29 avril. Si le journaliste basé dans l’Etat de Chhattisgarh, qui a consacré sa carrière journalistique à la défense de la liberté de la presse, des droits de l’homme et notamment de la minorité Adivasi, est souvent la cible de poursuites judiciaires pour son travail, il risque cette fois la prison à vie sous l’article 124 (A) du code pénal indien, qui sanctionne “quiconque qui par des mots, à l’oral ou à l’écrit, par des signes, par une représentation visible [...] incite ou tente d’inciter à la haine ou au mépris [...] du gouvernement”.


La caricature en question fait référence au refus de la cour suprême d’ouvrir une enquête indépendante sur la mort suspecte d’un juge. Ce dernier enquêtait sur une affaire liée à Amit Shah, président du parti au pouvoir, le BJP, et également bras-droit du Premier ministre Narendra Modi. Pour le journaliste Kamal Shukla, partager cette caricature visait à dénoncer la corruption et l’influence du système judiciaire par le gouvernement. Pour les autorités, il s’agit d’un acte “anti-national”.


“Il s’agit là d’une atteinte flagrante à la liberté de la presse, et d’une instrumentalisation insupportable du cadre juridique afin de museler les journalistes qui ose dénoncer les travers de la justice et les agissements du gouvernement, déclare RSF. Nous appelons les autorités indiennes à amender la loi sur la sédition, complètement obsolète, afin qu’elle ne puisse plus être utilisée pour faire taire les journalistes, et à abandonner immédiatement les poursuites à l’encontre du journaliste Kamal Shukla, qui n’a fait qu’exercer son métier dans son droit.”


La loi sur la sédition, datant de l’ère coloniale, représente pour le gouvernement indien une arme pour museler la presse critique. Plusieurs journalistes, dont deux originaires de l’Etat du Chhattisgarh, ont été poursuivis sous la même loi en 2011. En septembre 2012, le célèbre caricaturiste indien Aseem Trivedi avait également été inculpé sous le même chef d’accusation pour ses dessins dénonçant la corruption. Les poursuites avaient finalement été abandonnées un mois plus tard.


En chute de deux places dans le classement mondial de la liberté de la presse 2018 que RSF vient de publier, l’Inde se situe en 138e position sur 180 pays.
Publié le
Mise à jour le 23.08.2019