Alimentation : comment déjouer les pièges du sel

Manger trop salé est l’une des causes de l’hypertension artérielle dont souffrent, souvent sans le savoir, un tiers des Français.

 Les produits phares du sel « caché » sont la charcuterie, les chips, les biscuits apéritifs, certains fromages, les plats cuisinés, les pizzas, les quiches, les viennoiseries, les sauces et condiments…
Les produits phares du sel « caché » sont la charcuterie, les chips, les biscuits apéritifs, certains fromages, les plats cuisinés, les pizzas, les quiches, les viennoiseries, les sauces et condiments… LP/Jean-Baptiste Quentin

    Sans lui, les céréales du petit-déjeuner auraient un goût de métal, les soupes en boîte fondraient de volume et les apéros seraient bien fades. Le sel (NaCl) est partout. Et si ce composé chimique est nécessaire à notre santé, il est à doser avec beaucoup plus de modération qu'on ne le fait.

    « Consommé en trop grande quantité, il est l'une des grandes causes de l'hypertension, car il fait le lit aux maladies cardio-vasculaires, aux accidents vasculaires cérébraux (AVC) et à l'insuffisance rénale », explique la cardiologue Claire Mounier-Vehier (CHRU de Lille), à l'occasion de la Journée mondiale de l'hypertension artérielle (HTA). En France, près d'un adulte sur trois en souffre, mais, selon une récente étude, un malade sur deux s'ignore.

    On ne peut pas totalement s'en passer

    VRAI. Il contribue à l'équilibre des fluides dans notre organisme. « Le sodium est l'un des électrolytes de notre organisme et tous ses mouvements sont liés aux 90 % d'eau que contient notre organisme : lorsqu'on en ingère, on retient de l'eau, lorsqu'on en élimine, on perd de l'eau, poursuit le médecin. Il est important, car il agit en conducteur électrique : le sodium, entre autres, permet aux cellules de faire entrer les nutriments dont elles ont besoin. »

    Sans le sodium, nos transmissions nerveuses, nos contractions musculaires, le métabolisme des glucides et des protéines seraient compromis. « Le chlorure de sodium contribue à normaliser le rythme cardiaque, précise Claire Mounier-Vehier. Mais quand il y en a trop, le volume sanguin augmente : au lieu d'être comme un lave-linge en mode coton, le cœur se retrouve en mode laine, avec une trop grande quantité de sang à traiter. Cela le fatigue et, ensuite, cela favorise la survenue du diabète », décrypte cette spécialiste de l'hypertension.

    Il suffit de bannir la salière de la table

    FAUX. En moyenne, nous consommons environ 8 à 9 g de sel par jour. Mais nos réels besoins sont beaucoup plus limités : « 5 à 6 g de sel par jour, l'équivalent d'une petite cuillère », observe Claire Mounier-Vehier. 5 g, c'est ce que recommande l'Organisation mondiale de la santé. Et, à la maison comme au restaurant, on pourrait très aisément bannir la salière, car du sel, il y en a partout, dans le pain, le fromage, le saucisson. Même certaines eaux en contiennent (Badoit, Salvetat, Hepar). « Le plus pervers, ce sont les viennoiseries : pour un petit pain au chocolat, comptez déjà 1 g. Mais le pire, ce sont les fruits de mer », relève la cardiologue.

    A côté du sel « visible » ou « caché », il y a aussi des sels « clandestins », ceux dont on ne soupçonne même pas l'existence, comme celui présent dans le comprimé d'Efferalgan effervescent qui traîne sur la table de chevet. « Si vous souffrez d'hypertension, méfiez-vous de tout ce qui est effervescent, préférez des gélules. Gare aussi à certains antibiotiques injectables », avertit-elle

    Le faux sel, c'est bien

    FAUX. Remplacer le sel de table (chlorure de sodium) par du « faux sel », autrement dit du sel de potassium, est tentant. Ce sel à l'arrière-goût légèrement acide et à la texture très fine n'est pourtant pas la solution miracle. « Il peut être dangereux, car le chlorure de potassium est également un électrolyte, si on en consomme trop, cela peut perturber le rythme cardiaque », avertit Claire Mounier-Vehier, qui appelle à davantage de vigilance des patients sur les sels de substitution comme des pharmaciens qui les délivrent. « Il doit s'assurer que la personne ne prend pas, par ailleurs, des médicaments contre l'hypertension ou des diurétiques qui empêchent la perte du potassium par les urines. Car ces diurétiques (NDLR : type spironolactone) peuvent entraîner un surdosage de potassium chez le patient », insiste-t-elle.

    On n'est pas égaux face au sel

    VRAI. Lorsqu'on mange trop salé, on va plus souvent aux toilettes : c'est le rôle régulateur de nos reins. Mais dans certaines circonstances, leur capacité à s'alarmer s'émousse. Les personnes souffrant d'obésité sont plus exposées aux problèmes d'hypertension, de même que les femmes enceintes, notamment dans la deuxième moitié de leur grossesse. « Après 65 ans, l'équilibre hydrique et sodique devient également beaucoup plus fragile : on peut se retrouver en déficit ou en excès de sel », souligne Claire Mounier-Vehier. Raison de plus pour en manger moins.

    Comment ne pas (trop) se faire piéger ?

    Pas plus de 5 g au quotidien! D'accord, mais comment faire? Sachez que les « stars » du sel « caché » sont la charcuterie, les chips, les biscuits apéritifs, certains fromages, les plats cuisinés, les pizzas, les quiches, les viennoiseries, les sauces et condiments… Manger moins salé est néanmoins faisable, sans se transformer pour autant en moine. D'abord, essayez d'utiliser les aliments « bruts », non préparés; ils contiennent naturellement moins de sel.

    Ensuite, prenez la peine de vous pencher sur les étiquettes : la présence de sel est signalée sur les emballages, même si cela n'est pas forcément limpide ! Vous trouverez la mention « sel » ou « chlorure de sodium » (ce qui est la même chose) ou, plus abscon, « sodium ». « 1 g de sel est composé de 400 mg de sodium et 600 mg de chlore, bref, le truc c'est de multiplier par 2, 5 pour retomber sur la quantité de sel », décrypte un spécialiste.

    Pour donner du goût à vos plats, le Dr Laurence Plumey conseille de remplacer le sel par des mélanges d'aromates variés, durant la cuisson des viandes et des légumes. Et d'avoir le reflexe « épices » : cumin, paprika, curry, muscade, poivre, baies de roses, gingembre, origan… « Elles ont tout bon, explique la nutritionniste, elles aident à remplacer le sel, sont très riches en anti-oxydants et incitent aussi les enfants à manger plus facilement des légumes, comme cela a été montré en milieu scolaire ».

    En sus des épices, n'oubliez pas l'ail, l'oignon ou l'échalote selon vos goûts, frais ou surgelés. et pour relever poissons et salades de crudités, pensez au jus de citron. Enfin à table, mollo sur les fromages comme le comté, l'emmental ou le roquefort, pensez plutôt yaourt et fromages frais de chèvre. « Une part de fromage, du pain, deux tranches de jambon… on en est déjà aux deux tiers de la dose quotidienne recommandée, cela va très vite », avertit l'auteur de « Sucre, gras et sel » (16,90 €, Eyrolles).