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Expéditions

Gravir le sommet de l'Everest à tout prix

Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir gravir le toit du monde : le mont Everest attirent des citoyens de toute la planète. Des personnes expérimentés ou non. Résultat, une compétition commerciale s'installe et accentue les prises de risques.

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Le grimpeur britannique Daniel Horne (C), prépare son équipement au camp de base de l'Everest, à 140km de Kathmandu, au Népal

Les particuliers sont de plus en plu nombreux à vouloir gravir le plus haut sommet du monde. Et cette effervescence autour du mont Everest pousse à une commercialisation qui n'est pas sans risque.

AFP - PRAKASH MATHEMA

Grimpeurs, sherpas, cuisiniers... En tout, ce sont 1.500 personnes qui s'affairent pour la traditionnelle saison de printemps au camp de base népalais de l'Everest. Ce bivouac rocheux au cœur de l'Himalaya est planté sur la moraine du glacier du Khumbu à 5.364 m d'altitude. Autrefois, seules une poignée d'expéditions triées sur le volet obtenaient l'autorisation de se lancer à l'assaut du toit du monde. Mais les autorités népalaises ont libéralisé dans les années 90 cette ascension. Pour quel résultat ? "Aujourd'hui, les gens peuvent aller sur internet et acheter l'expédition la moins chère pour la montagne. Pour certains des opérateurs, il n'y a aucun critère d'expérience requis, regrette Guy Cotter, guide sur l'Everest depuis 27 ans. Ce ne sont pas des alpinistes. Ce sont juste des gens qui veulent revendiquer le prix d'avoir grimpé l'Everest. Ils courent après ce trophée." Le Népal a octroyé, ce printemps 2018, 346 permis pour l'Everest à des étrangers. Un chiffre légèrement en-dessous du record de l'année 2017, qui s'élevait à 373. Sur le versant nord chinois de l'Everest (ce dernier étant situé à cheval sur la frontière Chine-Népal), 180 personnes ont obtenu le droit de tenter cette mythique ascension.

La face cachée de la démocratisation de l'Everest

Dans le but d'attirer toujours plus de clients, certaines sociétés proposent de gravir l'Everest pour à peine 20.000 dollars. Pour comparaison, les opérateurs les plus réputés facturent l'ascension du mont, en moyenne, à 70.000 dollars. De plus, ces derniers ont des cordées plus réduites et demandent à leurs candidats d'avoir déjà fait leurs preuves tandis que les sociétés qui proposent des prix réduits sont, selon leurs détracteurs, peu regardantes sur les capacités physiques de leurs clients.

Aujourd'hui, nombre d'alpinistes amateurs escomptent parvenir à la cime de 8.848 m dès leur première tentative, encouragés par les milliers de personnes qui s'y sont succédés. Les professionnels craignent que cette "fièvre du sommet" ne pousse les néophytes à prendre des risques inconsidérés, alors même que l'Everest prélève chaque année son tribut humain. En 2017, six personnes y sont mortes. "Des gens y sont parvenus avant moi, donc pourquoi est-ce que je ne pourrais pas le faire ?", lance Daniel Horne. Ce Britannique de 33 ans a déjà un sommet de 8.000 mètres à son actif. Il a déboursé 70.000 dollars pour gravir l'Everest. S'il échouait, réunir à nouveau une telle somme et dégager le temps nécessaire pour retenter sa chance lui prendrait des années. "Sauf s'ils me disent de faire demi-tour, je continue", assure-t-il.

Tenzing Norgay, le premier homme à avoir atteint la crête de l'Everest en compagnie du néo-zélandais Edmund Hillary en 1953, n'y était parvenu qu'à sa septième tentative. "Avec assez de détermination, n'importe quel imbécile peut monter cette colline. Le truc est d'en redescendre vivant", aurait dit le légendaire guide Rob Hall, tué sur la montagne en 1996 lors d'une saison meurtrière restée dans les mémoires. Cette année-là, un blizzard avait ôté la vie à huit alpinistes et ouvert le débat sur la face cachée de la démocratisation de l'Everest. Deux célèbres guides qui y avaient péri, Rob Hall et son rival Scott Fisher, ont été accusés à titre posthume d'avoir privilégié l'investissement de leurs clients à leur sécurité. Ce drame aux circonstances controversées a été relaté dans le livre best-seller Tragédie à l'Everest du journaliste Jon Krakauer, et adapté par la suite au cinéma.

Des points de vus divergeant

Les vétérans de l'Everest craignent que la multiplication des sociétés commerciales, couplée à l'inexpérience, augure de nouveaux désastres. L'affluence fait que les passages les plus délicats de l'ascension sont parfois encombrés par des files d'attente. "Je prédis qu'il y aura davantage de victimes sur la montagne jusqu'à ce que les opérateurs mûrissent", avance Russell Brice de l'opérateur Himalayan Experience, en activité depuis 1994. "Les gens se mettent en danger car ils n'ont pas appris à l'éviter. Cela va de savoir s'adapter à l'extrême altitude, à même posséder des techniques d'escalade", ajoute le guide Guy Cotter.

Sandeep Mansukhani, un pilote de l'air indien, s'est offert une expédition à 30.000 dollars et espère réaliser avec l'Everest son premier sommet majeur. Il défend l'existence d'opérateurs bon marché, affirmant que "pour les gens qui débutent, qui tentent pour la première fois, pourquoi pas ? Quelqu'un doit pouvoir essayer, il faut donner sa chance à tout le monde". Le guide Ang Tshering Lama voit quant à lui les choses sous un tout autre angle. Il garde un souvenir amer de l'opération de secours d'un alpiniste et son guide qu'il a dû réaliser l'année dernière car ces derniers refusaient de rebrousser chemin. "Vous devez être un vrai alpiniste sur cette montagne", assure-t-il.

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