Paris : l’insoutenable calvaire des prostituées nigérianes raconté à la barre

Le procès du réseau de proxénétisme nigérian Authentic Sister a débuté ce lundi et se poursuit jusqu’au 30 mai. Deux victimes ont raconté l’insoutenable.

 Les victimes, lors de cette première journée d’audience, ont raconté leur terrible calvaire.
Les victimes, lors de cette première journée d’audience, ont raconté leur terrible calvaire. LE PARISIEN

    « Quand je suis arrivée en France, ils m'ont dit : les femmes noires, ici, elles sont prostituées. C'est leur travail. Ce jour-là, j'étais en pleurs. On m'avait dit que je serai coiffeuse. ». Long cheveux tressés sur un tee-shirt gris, Julia * est l'une des rares jeunes filles à s'être rendue au procès du réseau des proxénètes nigérians Authentic Sisters, ce lundi au tribunal correctionnel de Paris. Comme elle, cinquante victimes ont été contraintes à la prostitution, mais seules huit personnes se sont constituées parties civiles.

    Et lorsque la présidente loue son courage, Julia, tempère : « Non, en fait j'ai très peur. Je ne crois pas que je suis courageuse. ». Elle l'est, pourtant. La magistrate a d'ailleurs donné le ton, face aux 17 prévenus qui comparaissent pour traite d'êtres humains et proxénétisme aggravé : « J'interdis le moindre rapport entre les personnes qui comparaissent et les parties civiles qui osent se montrer. Je demanderai également aux policiers qui surveillent l'audience de me rendre compte de tout ce qui s'y passe ».

    Dont acte. Dans ce procès exceptionnel, où la qualité de l'enquête policière de la brigade de répression du proxénétisme (BRP) est unanimement reconnue, Julia semble prendre un semblant de force. « Au Nigeria, mama Hillary m'a dit que je pouvais être coiffeuse en France. Elle m'a dit de faire ma valise sans rien dire à personne. Surtout pas à ma famille. Je suis allée voir le sorcier et il m'a scarifiée. » La présidente : « Cela voulait dire quoi pour vous ? » « Et bien, qu'arrivée en France, j'aurais beaucoup d'argent. Et il fallait que je rembourse 50 000 € pour le rite. Le sorcier m'a dit, que si je ne remboursais pas, je mourrais, et mes parents aussi. » En France, comme ses compatriotes, Julia enchaîne les passes à 10 €. Dix clients par jour, à Château-Rouge (XVIIIe), ou Porte de Clichy (XVIIe).

    « Ce n'était jamais assez. Il fallait que je rembourse le rituel du « Juju », le sorcier. On me mettait la pression. Je ne rapportais jamais l'argent qu'ils souhaitaient, soupire-t-elle, malgré des journées entières de prostitution. »

    L'été 2015 a signifié la rupture : « Les mamas et leurs complices ont fait une descente chez mes parents, au Nigeria. Ils ont tout cassé, ils ont battu mon père et ma mère. Papa, déjà malade, en est mort. » Ce jour-là, Julia décide, avec l'aide d'une amie, de rencontrer une assistante sociale. Aujourd'hui encore, elle est menacée de mort. Happy, la dirigeante de la secte des Authentic Sisters, principale prévenue du procès, a été libérée sur une faute de procédure…

    Les seize personnes, jugées au tribunal correctionnel de la Paris, encourent jusqu'à 10 ans de prison et 1 M€ d'amende. Le procès se poursuit jusqu'au 30 mai.

    * Le prénom a été modifié

    LA PRESUMEE CHEFFE DU RESEAU LIBEREE PAR ERREUR