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Iran

Des gardes-frontière iraniens abattent même les chevaux des trafiquants kurdes

Des images montrant des dizaines de chevaux abattus, dans les montagnes qui séparent l'Iran et l'Irak, ont provoqué de vives réactions en Iran depuis leur diffusion le 1er mai 2018.
Des images montrant des dizaines de chevaux abattus, dans les montagnes qui séparent l'Iran et l'Irak, ont provoqué de vives réactions en Iran depuis leur diffusion le 1er mai 2018.
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Des photos et des vidéos de dizaines de chevaux abattus à la frontière entre le Kurdistan irakien et le Kurdistan iranien suscitent l’écœurement sur les réseaux sociaux iraniens depuis leur diffusion le 1er mai dernier. Elles témoignent de la répression ultra-violente des gardes-frontières iraniens envers les trafiquants, qui font passser depuis l’Irak des produits en tout genre. Depuis dix jours, la pression s’accentue pour que ce genre de massacre cesse.

Le trafic entre les deux pays existe depuis des années, en plusieurs points de la frontière. Il est organisé par des trafiquants kurdes, appelés "kulbars". Ils utilisent des chevaux pour transporter certains produits sur ce terrain accidenté, notamment des antennes satellites et de l’alcool, interdits en Iran, ou d‘autres produits appréciés, car ils sont moins chers en Irak.

Des trafiquants kurdes, les "kulbars", utilisent des chevaux de bât pour transporter des biens en Iran depuis le Kurdistan irakien.

Selon Amnesty international, les gardes-frontières iraniens tuent chaque année plusieurs trafiquants. Le 26 mars, un trafiquant est mort des suites de ses blessures, après que des gardes-frontières lui ont tiré dessus dans la région de Sardasht.

Les photos des chevaux ont été massivement partagées sur l’application de messagerie Telegram, très populaire en Iran, à partir du 1er mai, et cette vidéo a été publiée anonymement sur Apparat, l’équivalent iranien de YouTube.  

Quand ils ne parviennent pas à attraper les trafiquants, les gardes-frontières n’hésitent donc pas à abattre les chevaux. Selon notre Observateur, au moins 90 chevaux ont été tués ces trois derniers mois au cours de trois incidents différents. Le Commandement des gardes-frontières iraniens et les Gardiens de la Révolution, qui patrouillent également le long de la frontière, n’ont pas réagi publiquement à ces événements.

>> LIRE SUR LES OBSERVATEURS :

Contrebandier au Kurdistan iranien,

un métier à haut risque

"Hey, vous qui tuez les chevaux des kulbars, vous êtes à l’aise ensuite avec l’idée de nourrir votre famille avec de l’argent gagné en tuant des chevaux ? Comment pouvez-vous vivre en phase avec vous-mêmes ? Les chevaux sont innocents innocents"

“C’est une forme de punition”

Shahoo est étudiant en école d’ingénieur, sa famille vit à Oshnavieh, à l’ouest de l’Iran, à 20 kilomètres de la frontière.

Quand les gardes-frontières tombent sur des kulbars, ce n’est pas compliqué, ils tirent et souvent, ils les tuent. Parfois les chevaux sont tués avec leur maître. Mais la plupart du temps, les kulbars s’enfuient et laissent leurs chevaux derrière eux. Plutôt que d’embraquer les chevaux, les gardes-frontières les abattent directement sur place. Parfois, ils ne tirent même pas correctement, ils les blessent seulement, et les chevaux souffrent pendant des jours avant de mourir… Et quoi qu’il arrive, les gardes-frontières ne les enterrent pas.

Les chevaux sont parfois tués et abattus près de sources d’eau, ce qui augmente le risque de contamination. 

Parfois, on retrouve des dizaines de chevaux abattus au même endroit. Et conséquence : la zone alentour peut se retrouver infectée pendant des semaines ou des mois, notamment si les chevaux étaient porteurs de virus. Les chevaux sont parfois tués et abattus près de sources d’eau, ce qui augmente le risque de contamination.

Les gardes-frontières estiment que c’est difficile de continuer à patrouiller s’ils doivent avoir avec eux un groupe de chevaux, donc ils les tuent, de sang-froid. C’est une forme de punition pour les trafiquants. Ils veulent marquer un point en faisant ça.

 

Notre Observateur rapporte que les gardes-frontières tuent souvent les chevaux directement là où ils les ont trouvés.  

La solution n’est pas compliquée

C’est totalement barbare de faire ça, tuer ces animaux adorables et innocents à cause de leurs propriétaires. J’ai 25 ans, et j’ai vu ça toute ma vie, aussi loin que je puisse me souvenir. Auparavant, les gens ici ne parlaient pas beaucoup du phénomène : quand des trafiquants sont tués pour ce qu’ils font, qui est illégal, ça peut sembler stupide d’en faire une histoire… Mais depuis quelques années, ça a changé : des photos et des vidéos de chevaux morts sont publiées en ligne, et désormais beaucoup de gens savent comment ça se passe. Pas seulement ceux du coin, mais partout en Iran. Ça a engendré une vraie pression pour que les choses changent.

Au final, la solution serait simple : il faut que les gardes-frontières reconnaissent le droit de vivre aux animaux. Je ne suis pas naïf. Je ne leur demande pas de laisser les chevaux sur place. Comme beaucoup de gens, je voudrais qu’ils embraquent les chevaux et les revendent à un marché. Chaque cheval vaut facilement 7,5 millions de tomans [1 500 euros].

Le sujet a été abordé par les parlementaires iraniens. Le 7 mai, le député pro-gouvernemental Ahmad Ali Keykha a demandé au ministère de l’Environnement de travailler avec les gardes-frontière pour qu’ils cessent de tuer des "chevaux innocents", ajoutant que ce n’était pas la bonne approche pour mettre fin au trafic. Le député a également suggéré d’utiliser plutôt des tranquillisants pour les chevaux et de les revendre ensuite.

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