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L'homme propose, la femme dispose, la séduction implose

Il y a des formules qui font, qui font, qui font qu'on recule.

Hourra, hourra, Brigitte Lahaie nous offre de nouvelles perles de sa sagesse (ahem) dans un entretien exceeeeeptionneeeeel au Parisien. On y lit des choses comme : « Des hommes n’osent plus offrir un café à leurs collègues. Dans certains milieux professionnels, cela commence à poser de vrais problèmes. »

Boooon. C'est la guerre civile et on ne m'a rien dit ? J'apprends ça pile quand ma semaine est blindée de cafés avec les collègues... Suis-je une traînée d'avoir accepté ? Dois-je leur faire un procès, ou juste partager l'addition ? Le colonel Moutarde est-il vraiment mort pendu avec une clef à molette ? Et surtout : c'est quoi, un milieu professionnel où ça pose problème de ne pas offrir de café ? La torréfaction ? L'import-export de dosettes ? Non, sérieux, ces hommes offrent-ils des cafés délicatement posés en équilibre sur leur pénis ? Parce que je ne vois pas d'autre solution. (Maintenant que j'y pense : en fait, je crois que j'adorerais qu'un homme me serve mon café matinal sur son pénis. C'est décidé, je vais aller pécho à l'école du cirque.)

On lit aussi ceci : « L’homme propose et la femme dispose, c’est ça la séduction à la française. » Aaaalors (avec Brigitte Lahaie, je sais rarement par où commencer tellement tout est approximatif). Déjà, la séduction à la française est le concept le plus fuyant de l'univers : parfois c'est Rabelais, parfois la courtoisie, parfois les Liaisons Dangereuses, ou Sade, ou Sartre-Beauvoir. C'est la paillardise, la galanterie, le badinage. C'est l'inégalité « heureuse » des sexes (étrangement plus heureuse pour le sexe dominant), sauf quand on veut embêter les Musulmans : face à l'Etranger, la séduction à la française est ultra-égalitaire. Du coup, la séduction à la française est surtout exactement ce qui nous arrange dans n'importe quel débat. Un jour, la séduction à la français sera un pamplemousse, et on sera bien avancés.

Ensuite, la France, c'est nous, vous, la manière dont le reste du monde nous envisage, la manière dont les expats, artistes, entrepreneurs, portent le rayonnement culturel ailleurs, il s'agit donc de notre séduction, dont on fait exactement ce qu'on veut. Et dont nous ne sommes pas captifs.

Enfin. L'homme propose, la femme dispose, ET MON POSTERIEUR EST UN NUGGET TRANSGENIQUE. On répète ce mantra comme la zone de confort de la séduction, mais personne ne vit dans cette logique proposition/disposition depuis déjà l'époque des baby-boomers. Si j'avais uniquement disposé, non seulement j'aurais vécu un dixième de mes expériences, mais j'aurais raté absolument l'intégralité de celles qui ont compté. Ceci n'est pas une figure de langage : je ne suis jamais (JAMAIS) restée avec un homme à qui JE n'avais pas proposé (non que j'aie accompli tout le boulot, mais j'en ai fait au moins la moitié, et souvent 90%, simple question de personnalité, je n'aime pas attendre).

Notons aussi que cette situation présentée comme agréable est affreuse. Si l'homme propose, il peut proposer à toutes les femmes qui lui plaisent (et c'est exactement la permission qu'il prend, comme le montre l'amas de messages que reçoivent les femmes en trois secondes sur les sites de rencontre). Si la femme dispose, elle dispose entre des choix limités, dont potentiellement aucun ne convient. C'est-à-dire qu'un homme qui réussit sa proposition obtient satisfaction. Mais une femme qui réussit sa disposition peut parfaitement se retrouver avec un choix par défaut complètement nul (« il faut être raisonnable »).

Quand on dit « la femme dispose », on implique que « la » femme prend ce qu'on veut bien lui donner. Et que ses propres désirs, ses propres coups de foudre, doivent être passés sous silence – en espérant que l'autre 1) remarque, 2) propose. « La femme dispose » signifie que la femme est un fruit passif, muet, aveugle, sans capacité de décision ou d'action, attendant d'être cueilli, qui consent plutôt que désire. Ce qui a une conséquence grave : on dispose des femmes bien plus qu'elles ne disposent d'elles-mêmes.

Pour conclure. Parler d'hommes qui proposent et de femmes qui disposent comme d'une situation win-win est tout simplement irresponsable. Quand les hommes prennent les devants, les femmes sont derrière. Quand ils font le premier pas, les femmes passent en second. On est en 2018. Si c'est ça, la séduction vieille-France, je demande la nationalité ouzbèke immédiatement.