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Sous pression, la fondation de George Soros quitte la Hongrie

L’ONG Open society, un des plus grands contributeurs philantropiques du pays, a décidé de se retirer de ses bureaux européens de Budapest, après plusieurs attaques du gouvernement de Viktor Orbán.
par Aude Massiot
publié le 15 mai 2018 à 12h47

La décision était attendue, mais pas si rapidement. Début avril, dans leurs beaux bureaux du centre de Budapest, le porte-parole de la fondation Open Society, Daniel Makonnen, évoquait devant nous la possibilité d'un départ de Hongrie. «Il faudrait un scénario très grave pour qu'on pense à quitter le pays, assurait-il. Nous existons depuis vingt ans en Hongrie et avons été créés pour aider à la transition du régime soviétique vers la démocratie. Au-delà de notre organisation, c'est le futur de nombreuses petites associations et ONG hongroises qui est menacé si on doit quitter le pays.» 

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Cela n'aura pas tardé. Un peu plus d'un mois après sa victoire aux législatives du 8 avril, le Premier ministre, Viktor Orbán, a réussi à faire fuir un des plus gros organismes caritatifs du pays : la fondation Open Society du milliardaire américano-hongrois George Soros déplace ses bureaux européens à Berlin «en raison du contexte politique et législatif de plus en plus répressif en Hongrie, explique mardi le porte-parole de l'organisation. Open Society continuera de soutenir financièrement les ONG hongroises, mais depuis Berlin.»

Harcèlement ciblé

La fondation donne, sous forme de bourses, entre 4 et 5 millions de dollars par an à 50 ONG dans le pays d'Europe centrale, dont quatre qui viennent en aide aux réfugiés, par des cours de langue et du soutien psychologique. Le Premier ministre, Viktor Orbán, a lui-même profité d'une bourse de la fondation Soros quand il était plus jeune.

Le départ d'Open Society de Hongrie est l'aboutissement de deux ans de campagne agressive de discrédit de la part du gouvernement et du parti majoritaire, le Fidesz. Campagne qui aurait coûté plus de 100 millions d'euros de fonds publics, assure la fondation dans un communiqué, par la production «d'affiches de propagande, évoquant des images antisémites de la Seconde Guerre mondiale», ainsi que l'organisation d'une consultation nationale d'attaque contre George Soros et d'autres organisations de défense des droits de l'homme en Hongrie.

Cette campagne s'est intensifiée pendant la campagne électorale pour les législatives. Quelques jours avant les élections du 8 avril, des posters appelant à voter Fidesz montraient le milliardaire américano-hongrois tout sourire, entouré des chefs des partis d'opposition. Chacun tenait une énorme cisaille à la main à côté d'un bandeau clamant : «Ils détruiraient la barrière ensemble.» Cette barrière a été construite en 2015 à la frontière avec la Serbie par le gouvernement pour empêcher des migrants de passer et est devenue une grande composante de la politique de Viktor Orbán.

«2 000 mercenaires»

Au même moment, des enregistrements de proches de la fondation Open Society, pris à leur insu, ont fuité dans la presse pro-Fidesz. Résultats de montages audio, ils laissaient entendre que l'organisation internationale travaillerait à faire entrer des migrants illégaux en Hongrie pour déstabiliser le pays.

En réaction, Viktor Orbán a déclaré, lors d'un discours fin mars, que ces fuites montraient que George Soros employait «2 000 mercenaires» en Hongrie qu'il fallait traquer. Peu après le scrutin, où le Fidesz a obtenu une large majorité, des médias progouvernement ont publié une liste de ces supposés «mercenaires», incluant des salariés d'ONG de défense des droits de l'homme comme Amnesty International et le Comité Helsinki hongrois, ainsi que des journalistes et des universitaires.

Les menaces proférées par le Premier ministre devraient être mises à exécution dès le 1er juillet, lors du vote de la loi dite «Stop Soros» qui menace l'existence d'un grand nombre d'ONG dans le pays. La législation prévoit l'obtention obligatoire d'une licence auprès du ministère de l'Intérieur pour pouvoir agir en Hongrie. Ce feu vert sera accordé après approbation des services de renseignement civils et militaires.

Autre conséquence : tous les financements étrangers pour l'aide aux réfugiés et aux migrants seront taxés à hauteur de 25%, même les fonds de l'Union européenne ou des Nations unies. Des fonds qui devraient servir, selon le gouvernement, à renforcer la barrière à la frontière serbe.

Ce n'est pas la première offensive législative contre les ONG. Depuis juin 2017, le Fidesz force toutes les organisations qui reçoivent des financements de l'étranger à se déclarer auprès du gouvernement et à inscrire la mention «Financé par une institution étrangère» sur tous leurs documents. Une inscription rendue péjorative par la rhétorique du gouvernement.

La fondation de George Soros revendique avoir dépensé plus de 400 millions d'euros dans des programmes caritatifs en Hongrie depuis sa création en 1984.

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