Affaire Grégory : dans la vallée de la Vologne, la lassitude

La justice a annulé les mises en examen de Murielle Bolle et des époux Jacob, suspectés d’avoir participé, en 1984, à l’assassinat du petit garçon.

 La maison de Marcel et Jacqueline Jacob, grands oncle et tante de Grégory, à Aumontzey.
La maison de Marcel et Jacqueline Jacob, grands oncle et tante de Grégory, à Aumontzey. LP/Fred Dugit

    Le jardin, impeccable, est tondu de frais. Campée sur une colline d'Aumontzey, la maison violette et mauve reste silencieuse. Dans le voisinage immédiat des Jacob, après l'annulation des mises en examen, une réserve polie, parfois une franche hostilité, sont de mise.

    « Pas la peine! » éconduit une voisine énervée. « Ce n'est pas pour rien qu'on a mis un sens interdit sur la route », s'agace un retraité. « Nous, leur mise en cause pour la mort du petit, on n'y croyait pas du tout », souffle une autre riveraine derrière sa fenêtre. Du bout des lèvres, la suivante sous-entend l'inverse : « Pour eux, c'est une bonne nouvelle, ça oui. Pour le reste… »

    Il y a bientôt un an, ce village de la vallée de la Vologne, épicentre de l'affaire Grégory, s'est de nouveau retrouvé sous le feu de projecteurs dont ses 480 habitants se passeraient bien. L'une résume l'état d'esprit général : « Ce n'est pas qu'on ne veut pas vous parler, c'est qu'on ne sait rien. Et plus de trente-trois ans après, tout le monde ici pense qu'on n'en saura pas plus ! Le meurtre de ce petit garçon, c'est une histoire de famille et de vengeance dont eux seuls ont la clé. »

    Arrosoir au bout du bras, épaulée de son mari, une autre renchérit : « À l'origine, il y a la jalousie et une haine sans fin dans cette famille. Maintenant, il est trop tard. Ils se sont soudés et se sont mis un bonnet sur la tête ! Pour le reste, les gens sont saturés. C'est un fiasco ! La justice ferait mieux de clore le dossier ! »

    «Ils se sont acharnés, sans preuves !»

    Autour de la maison aux volets clos des grands-parents du petit garçon, Monique et Albert Villemin, comme à Grange-sur-Vologne, à trois kilomètres, autour de celle de Murielle Bolle, désertée elle aussi, le son de cloche est le même. Avec un ton critique à l'encontre des acteurs judiciaires. « L'an dernier, les gendarmes sont venus chercher ces gens âgés et cette mère de famille comme s'ils étaient des bandits ! » s'indigne-t-on. « Ils se sont acharnés, sans preuves ! Coupables ou pas, pourquoi n'ont-ils pas cherché discrètement ? » peste-t-on.

    Sur son pas-de-porte, Maxime (un prénom d'emprunt) souligne : « La justice, on la comprend pas bien. L'affaire a été mal menée depuis le départ. Sans doute qu'il n'y avait pas les mêmes moyens à l'époque mais tout de même ! Aller demander son alibi à un gars (NDLR : Marcel Jacob) trente ans après c'est choquant ! »

    Au pied de l'église d'Aumontzey, Liliane et Mathieu couvent du regard leurs enfants qui jouent au soleil. Le jeune couple vit dans le coin depuis peu. Ils partagent cette conviction, souvent entendue : « Le seul moyen de savoir la vérité, c'est que quelqu'un dénonce. Ou bien se dénonce. Sauf que le coupable est peut-être déjà mort, qui sait ? »