Yannick Jadot : «Hulot, un formidable gâchis»

L’ancien candidat Europe Écologie-Les Verts à la présidentielle, qui pourrait conduire une liste écolo aux européennes de mai 2019, juge le ministre de l’Écologie bien trop isolé au sein de l’exécutif.

 « Le ministre de l’Écologie, si emblématique soit-il, se retrouve KO dans les cordes », estime Yannick Jadot.
« Le ministre de l’Écologie, si emblématique soit-il, se retrouve KO dans les cordes », estime Yannick Jadot. LP/Olivier Lejeune

    Quel bilan pour Nicolas Hulot? Alors que le ministre de la Transition écologique et solidaire a indiqué ce mercredi qu'il fera « son évaluation » cet été et décidera s'il reste au gouvernement, l'ancien candidat Europe Écologie-Les Verts fait le point sur cette première année d'exercice.

    Nicolas Hulot menace à nouveau de claquer la porte. Pèse-t-il vraiment au gouvernement ?

    YANNICK JADOT. En nommant l'écologiste le plus populaire, Emmanuel Macron avait fait une promesse aux Français. Un an après, c'est un formidable gâchis… Les commentaires portent davantage sur les états d'âme de Nicolas Hulot que sur les mesures prises par l'exécutif. Et lui-même justifie le sabotage par la France d'une victoire des écologistes au Parlement européen : la suppression de l'huile de palme dans les agrocarburants. On va contribuer à massacrer les forêts de Malaisie et d'Indonésie pour protéger les investissements de Total ! C'est effarant.

    De même, Paris soutient des accords de libre-échange avec le Canada (le Ceta) et le Mercosur, que Hulot avait dénoncés. Or ils vont accroître la destruction de l'Amazonie, la production de sables bitumineux, de gaz de schiste et de viande de bœufs élevés dans des conditions sanitaires et de souffrance animale insupportables. C'est la mondialisation de la malbouffe et l'emballement climatique. Et que dire du projet aurifère de la Montagne d'or en Guyane, qui va détruire une partie de l'Amazonie - qui se trouve sur notre territoire - et son extraordinaire biodiversité. Ce ne sont plus des renoncements, mais des régressions dramatiques.

    Hulot doit-il partir pour se préserver ?

    Je constate qu'il est passé de ministre très isolé, qui se battait pour arracher quelques avancées, à ministre qui sert de caution à des renoncements. C'est à lui de juger.

    L'écologie politique n'a jamais eu de ministre aussi emblématique, et pourtant elle ne s'est jamais aussi mal portée. À qui la faute ?

    À ce gouvernement qui a asphyxié son ministre de l'Écologie, lequel se tape la tête contre Bercy, le ministère de l'Agriculture et contre Matignon. Hulot garde l'ambition de porter des grandes orientations, mais il est obligé de constater jour après jour des régressions. C'est triste pour les militants écologistes d'assister à des renoncements aussi durs avec un ministre aussi populaire. Avec ce gouvernement, malheureusement, l'écologie s'arrête aux grands discours de Macron, et là où commence l'intérêt des lobbys.

    C'est-à-dire ?

    L'un des objectifs forts du président, c'était de ramener à 50 % la part du nucléaire et on se retrouve un an après avec une remise de 50 % sur les permis de chasse! EDF a repris la main sur la politique énergétique, la FNSEA et les lobbys alimentaires sur les pesticides. Le ministre de l'Agriculture, ferveur défenseur des pesticides néonicotinoïdes, en arrive même à contester les baisses de population d'abeilles. C'est du négationnisme écologique! Le ministre de l'Écologie, si emblématique soit-il, se retrouve KO dans les cordes. Quel retournement effrayant…

    Comment redresser la barre ? Entre Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Delphine Batho et EELV, l'écologie n'a jamais été aussi éclatée.

    La prochaine grande bataille sera celle des élections européennes. On critique l'Europe, mais sur l'huile de palme et Total, elle va dans le bon sens. C'est la France qui ne fait pas son boulot. Comme sur la pêche électrique, la qualité de l'air ou les énergies renouvelables. Soit l'Europe pèse pour défendre l'environnement, soit Donald Trump, Vladimir Poutine et d'autres décideront pour nous.

    Il faut donc des élus issus du mouvement écologiste au Parlement européen, sur une ligne qui soit sans ambiguïté sur l'engagement européen et le combat écologique. La réalité, c'est qu'il n'y a pas d'avancées sur l'écologie sans écologistes sur le terrain ou dans les institutions. Or, les autres partis sont plus préoccupés du leadership sur la gauche de la gauche que de ces questions. À chacun ses combats.