Le blocage de deux enzymes pourrait supprimer l'immortalité du cancer

Des chromosomes (iStock)

Des chromosomes (iStock)

Des scientifiques de l’EPFL ont identifié deux enzymes qui protègent les chromosomes du phénomène de stress oxydatif et de raccourcissement. Le blocage de ces deux enzymes pourrait constituer une nouvelle stratégie anticancéreuse pour inhiber la télomérase, c’est-à-dire l’enzyme qui rend les tumeurs immortelles.

Avant la division cellulaire, les longues chaînes de l’ADN de la cellule s’enroulent étroitement pour former les structures que nous connaissons sous le nom de chromosomes. Cette configuration permet de protéger le matériel génétique de la cellule des dommages physiques et chimiques.

Les extrémités des chromosomes s’appellent les télomères. Il s’agit de structures spécialisées qui doivent être répliquées à chaque cycle de division cellulaire. Toutefois, la réplication complète des télomères jusqu’aux extrémités mêmes des chromosomes appelle également des mécanismes spécialisés, qui sont limités. Les télomères sont par ailleurs très sensibles au stress oxydatif, qui nuit à leur capacité de se répliquer.

C’est la raison pour laquelle les télomères perdent en longueur au fil du temps, ce qui limite la durée de vie des cellules. Le raccourcissement des télomères est la cause principale du vieillissement cellulaire.

Joachim Lingner et Wareed Ahmed de l’EPFL ont découvert deux enzymes antioxydantes dont l'action conjuguée empêche l’oxydation de l’ADN télomérique aux extrémités des chromosomes. En perturbant ces deux enzymes – PRDX1 et MTH1 – dans des cellules cancéreuses, les scientifiques ont découvert que les télomères de ces cellules raccourcissaient à chaque division cellulaire et finissaient par complètement disparaître.

L’une des cibles prometteuses dans le traitement du cancer est la télomérase. Normalement, cette enzyme empêche les télomères de raccourcir dans les cellules germinales et les cellules souches, ce qui favorise le développement. Mais elle est aussi très active dans les cellules cancéreuses, conservant leurs télomères intacts et conférant à ces cellules une quasi-immortalité. Les travaux des deux scientifiques montrent qu’en perturbant les enzymes PRDX1 et MTH1, la télomérase ne fait plus obstacle au raccourcissement des télomères.

Jusqu’ici, les tentatives entreprises pour bloquer efficacement la télomérase dans le cancer n’ont pas été efficaces au niveau clinique. Mais la découverte des deux enzymes œuvrant ensemble ouvre de nouvelles opportunités pour bloquer la télomérase de manière indirecte. « Au lieu d’inhiber l’enzyme elle-même, nous ciblons son substrat, c'est-à-dire l’extrémité du chromosome, pour que la télomérase ne puisse pas l’allonger », explique Joachim Lingner.

Financement

Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), NCCR RNA & Disease, Ligue suisse contre le cancer, EPFL

Références

Wareed Ahmed, Joachim Lingner. PRDX1 and MTH1 cooperate to prevent ROS-mediated inhibition of telomerase. Genes & Development 17 May 2018. DOI: 10.1101/gad.313460.118