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interview

Handicap: des associations déposent une réclamation collective contre l'Etat français

Un collectif de cinq associations françaises, représentant les personnes handicapées et leurs familles, a déposé mardi 15 mai une «réclamation collective» devant le Conseil de l’Europe avec l'intention de faire condamner l’Etat pour «violation aux droits fondamentaux des personnes handicapées».
par Anaïs Moran
publié le 17 mai 2018 à 7h11

Cinq associations françaises de défense des personnes handicapées, – l'APF France Handicap, le Comité de liaison et d'action des parents d'enfants et d'adultes atteints de handicaps associés (CLAPEAHA), la Fnath (association des accidentés de la vie), l'Unafam (union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) et l'Unapei (personnes handicapées mentales et leur famille) – ont annoncé mardi 15 mai avoir saisi le Conseil de l'Europe - par le biais du Forum européen des personnes handicapées et du réseau Inclusion Europe - dans le but de faire condamner la France pour «non-respect des droits fondamentaux des personnes handicapées». Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fnath, revient pour Libération sur les raisons de cette «réclamation collective».

Qu’attendez-vous de cette procédure auprès du Conseil de l’Europe ?

Deux choses. Déjà, nous voulons montrer à tout le monde, et surtout aux instances européennes, la réalité de la situation des personnes handicapées en France. Ensuite, nous voulons mettre la pression sur l’Etat français. Attention, nous n’attaquons pas précisément le gouvernement actuel, nous attaquons plus largement l’Etat français et ses décennies de non-action. Cette «réclamation collective» est un moyen de pression supplémentaire qui permettra peut-être d’améliorer le quotidien de ces personnes par le biais de la mise en place d’une politique concrète. S’il y a une réelle condamnation de l’Etat français pour «violation aux droits fondamentaux des personnes handicapées», la pression se prolongera par le biais d’un suivi strict du respect des recommandations émises par le Conseil de l’Europe. Mais le chemin est encore long : nous devons attendre au moins dix-huit mois pour avoir une réponse définitive du conseil de l’Europe. Pour le moment, la phase de recevabilité de notre réclamation vient à peine d’être entamée.

Dans votre communiqué, vous déclarez que la France ne respecte pas les droits fondamentaux protégés par la Charte sociale européenne. Lesquels en particulier ?

A peu près tous ! Le droit à un logement, le droit aux soins, le droit à l’éducation, le droit aux services sociaux, le droit à la vie familiale… Aujourd’hui, le taux de chômage des personnes handicapées reste deux fois plus élevé que celui de la moyenne nationale. 12 658 enfants attendent une place en institution, dans un Service d’éducation spéciale et soins à domicile (Sessad) ou un Institut médico-éducatif (IME). On compte environ 7 000 adultes et enfants contraints à partir vivre en Belgique parce qu’il n’y a pas d’établissements spécifiques en France pour les accueillir. Sans compter les personnes qui renoncent à aller voir un médecin pour des raisons d’accessibilité, celles qui se retrouvent en situation d’exclusion ou de précarité extrême… En France, les personnes handicapées n’ont pas la liberté de vivre leur vie comme elles l’entendent, elles n’ont pas cette liberté de choix. Il faut vraiment que l’Etat se demande : comment faire en sorte que ces personnes puissent vivre de manière autonome et libre comme n’importe quel citoyen de la cité ?

Emmanuel Macron n’a-t-il pas promis des avancées majeures en la matière ?

C’est vrai que le Président de la république s’est engagé à faire du handicap l’une des priorités de son quinquennat, comme Jacques Chirac avant lui. En 2005, ce dernier avait fait adopter la loi Handicap pour «l’égalité des droits et des chances» qui était globalement ambitieuse à l’époque. Pour le moment, Emmanuel Macron a seulement annoncé une revalorisation de l’allocation aux adultes handicapées (AAH) de 90 euros. Une mesure qui ne sera effective qu’en novembre 2018 et qui ne concernera pas toutes les personnes handicapées qui devraient en bénéficier. Ce que nous voulons, c’est que le gouvernement réfléchisse sérieusement pour lancer un vrai plan d’action global. Il nous faut des faits, les discours de Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, ne suffisent plus.

Qu’entendez-vous par «plan d’action global» ? 

Prenons l’exemple de l’accès au logement. Sur ce point, le gouvernement prône une société inclusive et nous déclare régulièrement que les personnes handicapées doivent pouvoir vivre chez elles de manière totalement indépendante. Et en même temps, il y a un projet de loi en cours qui va complètement à l’encontre de ces déclarations. La future loi Elan sur le logement prévoit seulement 10% des logements neufs accessibles aux personnes handicapées. C’est incohérent et contre-productif. Prôner une vie autonome pour les personnes handicapées, c’est aussi réfléchir de manière globale.

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