Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Biodiversité : l’urgence du politique

Editorial. Cinq rapports récents dressent un état des lieux alarmant de la biodiversité sur la planète. Face à ce constat, une action urgente des responsables politiques est nécessaire.

Publié le 26 mars 2018 à 10h25, modifié le 18 mai 2018 à 17h18 Temps de Lecture 2 min.

Editorial du « Monde ». Alors que le climat est devenu un enjeu politique dont plus personne – hormis l’administration américaine, Donald Trump en tête – ne remet en cause l’importance, la question de la biodiversité demeure un point aveugle du débat public. Cette cécité est dangereuse. En effet, les cinq rapports d’experts, qui viennent d’être publiés par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), dressent le plus vaste panorama publié à ce jour sur l’érosion du vivant à la surface de la planète. Cet état des lieux est alarmant et appelle une réponse urgente.

Selon l’IPBES – l’équivalent, pour la biodiversité, du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – l’érosion de la qualité des sols et le déclin rapide des formes de vie sont de graves menaces pour le bien-être des hommes et la stabilité des sociétés. Car outre sa valeur intrinsèque et inestimable, la nature prodigue aux humains des services indispensables au fonctionnement de nos économies et, surtout, nécessaires au maintien de la vie. Pollinisation des cultures, disponibilité en eau douce, fertilité des terres arables, protection contre les inondations et les précipitations extrêmes, productivité biologique des océans… La biodiversité est « au cœur non seulement de notre survie, mais aussi de nos cultures, de nos identités et de notre joie de vivre », souligne l’IPBES.

Sur la question climatique, l’action est entravée par le caractère mondial du problème – une molécule de dioxyde de carbone aura le même effet sur le climat, qu’elle soit chinoise ou américaine. Mais sur le front de la biodiversité, la vacance du politique est d’autant plus incompréhensible que les solutions relèvent généralement de mesures simples que les gouvernements peuvent prendre localement, indépendamment les uns des autres.

Une cause majeure : le modèle agricole

En Europe, selon l’IPBES, la cause majeure du déclin de la biodiversité est le modèle agricole dominant et son cortège d’éléments chimiques (insecticides, herbicides, engrais de synthèse, etc.). En Amérique aussi, les immenses monocultures de soja et de maïs sont les principaux facteurs de destruction de la diversité du vivant, ajoutent les experts du « GIEC de la biodiversité ». Mardi 20 mars, le CNRS et le Muséum national d’histoire naturelle ont d’ailleurs conjointement, eux aussi, rendu publics des chiffres accablants sur la disparition des populations d’oiseaux dans les campagnes françaises, attribuant ce déclin – 30 % en l’espace de seulement quinze ans – à l’intensification de notre agriculture.

De tels chiffres, tout comme ceux établis par l’IPBES, imposent une action urgente, sans demi-mesures. La disparition des oiseaux n’est que la part visible d’une dégradation profonde de la qualité des écosystèmes terrestres, dont le déclin des insectes (près de 80 % en Europe, au cours des trois dernières décennies !) est un autre signe alarmant. La mort, il y a quelques jours, du dernier représentant mâle du rhinocéros blanc du Nord est un autre symbole de la capacité humaine à anéantir une espèce.

Jusqu’à présent, la biodiversité a été considérée comme une question annexe, traitée avec désinvolture par les responsables gouvernementaux et politiques. Il est plus que temps de remettre la préservation du vivant, au sens le plus large du terme, au cœur de la politique. Il n’est pas exagéré de dire que c’est, à plus ou moins longue échéance, une question de survie.

  • Un phragmite aquatique (« Acrocephalus paludicola »). En zones agricoles, les populations d’oiseaux ont perdu en moyenne un tiers de leurs effectifs en quinze ans, selon les relevés conduits depuis 1989 par le « Suivi temporel des oiseaux communs » (STOC), qui, au sein du Muséum, surveille aussi la situation dans les villes et les forêts.

    Un phragmite aquatique (« Acrocephalus paludicola »). En zones agricoles, les populations d’oiseaux ont perdu en moyenne un tiers de leurs effectifs en quinze ans, selon les relevés conduits depuis 1989 par le « Suivi temporel des oiseaux communs » (STOC), qui, au sein du Muséum, surveille aussi la situation dans les villes et les forêts. Minden Pictures / Cisca Castelijns / NiS / Biosphoto

  • Une rémiz penduline (« Remiz pendulinus ») construisant son nid.  Grosses ou petites, migratrices ou pas, toutes les espèces sont concernées, probablement du fait de l’effondrement des populations d’insectes, car même les volatiles granivores ont besoin d’insectes à un moment dans l’année, pour leurs poussins.

    Une rémiz penduline (« Remiz pendulinus ») construisant son nid.  Grosses ou petites, migratrices ou pas, toutes les espèces sont concernées, probablement du fait de l’effondrement des populations d’insectes, car même les volatiles granivores ont besoin d’insectes à un moment dans l’année, pour leurs poussins. Kerstin Hinze / Biosphoto

  • Un couple de martins-pêcheurs d'Europe (« Alcedo atthis »). En zones agricoles, des espèces comme l’alouette des champs, la fauvette grisette ou le bruant ortolan ont perdu en moyenne un individu sur trois en quinze ans.

    Un couple de martins-pêcheurs d'Europe (« Alcedo atthis »). En zones agricoles, des espèces comme l’alouette des champs, la fauvette grisette ou le bruant ortolan ont perdu en moyenne un individu sur trois en quinze ans. Olivier Gutfreund / Biosphoto

  • Une macreuse brune mâle (« Melanitta fusca »).

    Une macreuse brune mâle (« Melanitta fusca »). Christian Cabron / Biosphoto

  • Une fauvette pitchou (« Sylvia undata »).

    Une fauvette pitchou (« Sylvia undata »). Mario Cea Sanchez / Biosphoto

  • Une marouette poussin (« Porzana parva »).

    Une marouette poussin (« Porzana parva »). Markus Varesvuo / Biosphoto

  • Des glaréoles à collier (« Glareola pratincola »). « Les populations d’oiseaux s’effondrent littéralement dans les plaines céréalières », constate Vincent Bretagnolle, écologue au Centre d’études biologiques de Chizé. « Ce qui est alarmant, c’est que tous les oiseaux du milieu agricole régressent à la même vitesse. Cela signifie que c’est la qualité globale de l’écosystème agricole qui se détériore. »

    Des glaréoles à collier (« Glareola pratincola »). « Les populations d’oiseaux s’effondrent littéralement dans les plaines céréalières », constate Vincent Bretagnolle, écologue au Centre d’études biologiques de Chizé. « Ce qui est alarmant, c’est que tous les oiseaux du milieu agricole régressent à la même vitesse. Cela signifie que c’est la qualité globale de l’écosystème agricole qui se détériore. » Michel Rauch / Biosphoto

  • Un couple de harles huppés (« Mergus serrator »).

    Un couple de harles huppés (« Mergus serrator »). Yves Thonnerieux / Biosphoto

  • Un butor étoilé (« Botaurus stellaris ») dans une roselière.

    Un butor étoilé (« Botaurus stellaris ») dans une roselière. Christophe Perelle / Biosphoto

  • Un chardonneret élégant (« Carduelis carduelis »).

    Un chardonneret élégant (« Carduelis carduelis »). Frédéric Desmette / Biosphoto

110

Le Monde

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.