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Billet de blog 19 mai 2018

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Ce que disent d’ex ministres et fonctionnaires de Chávez du régime de Maduro

Les élections du dimanche 20 mai au Venezuela se déroulent sur fond de catastrophe économique et sociale sans précédent et dans des conditions politiques extraordinairement perverses. L'opposition persécutée est déchirée entre abstentionnisme et participation. Des figures historiques du chavisme dénoncent la corruption abyssale et l’autoritarisme galopant du régime de Nicolás Maduro.

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Les élections du dimanche 20 mai au Venezuela se déroulent sur un fond apocalyptique : la pire récession de toute l’histoire moderne de l’hémisphère ouest (depuis l’aube des indépendances américaines), une inflation de plus de 13 000 %, un taux de pauvreté pire qu’à l’arrivée de Chávez au pouvoir en 1998, une pénurie effrayante de presque tous les produits de base, un exode massif et permanent de centaines de milliers de vénézuéliens, le tout sous l’égide d’un régime de plus en mafieux et autoritaire qui a inventé une forme de gestion biopolitique perverse et cynique de la famine et un clientélisme de la disette au service d’un chantage à la loyauté et d’une manipulation électorale de plus en plus dévergondée (1).

En France une poignée de charlatans et de mercenaires idéologiques continuent à se faire les défenseurs inconditionnels de ce régime pourri jusqu’à la moëlle qui affame, réprime et torture son peuple – la torture dans les caves du SEBIN, le service d’intelligence bolivarien, étant désormais une pratique récurrente, comme le dénonce entre autres l’ex procureure générale chaviste Luisa Ortega (2).

Il est donc particulièrement important de faire entendre toutes les voix de la résistance au Venezuela aujourd’hui, en commençant par révéler au public progressiste français ce que disent des dizaines d’anciens ministres, fonctionnaires et dirigeants chavistes du régime de Nicolás Maduro. D’où le choix d’extraits ci-dessous, complétés par le point de vue du Monde diplomatique, édition Cône Sud (publié depuis Buenos Aires), le Diplo français ayant bien entendu depuis longtemps perdu toute crédibilité sur la question.   

Un dernier mot : ce petit florilège est spécialement dédié aux trolls mélenchoniens (3), stalino-bolivariens, assadiens et poutiniens (ce sont hélas souvent les mêmes) qui hantent les commentaires de Mediapart. Transpirant le ressentiment le plus rance, navigant sur des abysses d’ignorance idéologique et géopolitique, fascinés par les grands récits conspiratifs, visiblement rongés par la frustration et l’envie, ces pauvres losers sont un peu les « incels » (célibataires involontaires) du monde des idées et de l’information. Non seulement leurs constantes menaces de « se désabonner de Mediapart » chaque fois qu’on touche à leurs vaches sacrées néo-autoritaires font sourire –  car on sait bien qu’ils ne sauraient se passer des adversaires fantasmatiques qu’ils adorent haïr et qui donnent un sens à leur morose existence –, mais on regretterait vraiment qu’ils les mettent à exécution : leurs petits cacas nerveux idéologiques en défense de divers satrapes internationaux, dont Maduro, sont une source permanente d’hilarité pour les initiés.

*** 

Des figures historiques du chavisme dénoncent le régime de Maduro :

Clíver Alcalá Cordones, général de l’armée de terre, compagnon d’armes de Chávez lors de la rébellion militaire du 4 février 1992 :

« Le pays est (non) gouverné par un clan de criminels. C’est une petite élite programmée pour piller les richesses du pays et détruire le pouvoir d’achat du peuple. […] La vérité est criminalisée et quiconque est en désaccord avec le pouvoir et a une opinion divergente de ce que décide ce gouvernement abusif et autoritaire est pourchassé comme un criminel. […] On ne peut pas parler de justice lorsqu’on fait face à un gouvernement sans idéologie ni éthique. […] Nous sommes dans une dictature terrible et brutale, qui ne respecte pas la légalité. On peut citer les perquisitions effectuées sans mandat, la destruction de logements et la confiscation de biens personnels traités comme un butin, sans aucun respect des droits humains. À quoi s’ajoute la violation des droits des détenus et les agressions contre leurs familles. […] Le trafic de drogue a pénétré le gouvernement, il implique des fonctionnaires de haut rang qui, à leur tour, sont devenus des esclaves de ce système. […] Non seulement ce gouvernement a impliqué l'armée dans le trafic de drogue, mais les familles des dirigeants sont complices, comme dans le cas des “narco-neveux” du couple présidentiel. La principale entreprise du pays, [la compagnie nationale des pétroles] Pdvsa, est également impliquée. […] Au Venezuela, il y a longtemps que la révolution est en perdition. Le préjudice que Maduro et sa clique ont causé à la gauche internationale est immense. […] Je me demande aujourd’hui pourquoi Chávez a permis aux criminels incompétents qui gouvernent actuellement le pays d’être dans une position de pouvoir accumuler d’immenses fortunes. »

https://www.larazon.net/2018/05/cliver-alcala-cordones-narcotrafico-gobierno/

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Víctor Álvarez R., ex ministre de l’Industrie et du Commerce de Chávez :

« [Le gouvernement] n’arrive pas à comprendre que ce qui est antipopulaire, c’est de prolonger une série de contrôles rigides et de subsides inefficaces qui ne bénéficient absolument pas au peuple qu’il prétend défendre et qui, bien au contraire, sont utilisés par des mafias de spéculateurs et de politiciens corrompus qui ont accumulé de scandaleuses fortunes en profitant des incitations perverses offertes par les distorsions et les errements de sa politique économique. […] Le génome d'une économie rentière est porteur de pathologies potentielles que le gouvernement bolivarien n’a su ni prévoir ni éviter. À l’instar du capitalisme rentier, le néo-rentisme socialiste s’appuie sur l’extraordinaire pouvoir politique, économique et social que confère le contrôle des revenus pétroliers. Le néo-rentisme socialiste est un modèle de domination qui repose sur l’utilisation de la rente pétrolière pour financer les dépenses sociales et créer un réseau clientéliste à son service. […] La domination s’appuie sur un système de récompenses et de punitions permettant de s’assurer la loyauté des adeptes, d’acheter les sympathies des secteurs ambivalents et de punir ou dissuader les adversaires. […] L’appareil productif a été balayé par l’avalanche d’importations facilitée par un dollar bon marché. L’injection de pétrodollars […] a engendré une demande qui ne pouvait être satisfaite par le précaire appareil productif national. Entre produire et importer, le gouvernement a choisi la solution de facilité […]. Avec l’effondrement des prix du pétrole, le fantasme du bien-être est entré en crise. […] En 2010, le président Chávez a célébré la chute de 5,8 % du PIB comme étant “les funérailles du capitalisme”. En réponse à ceux qui considéraient cette chute comme un “échec du gouvernement”, Chávez répondit que “l’économie qui est en déclin au Venezuela est l’économie capitaliste”. Mais si vous détruisez l’économie capitaliste sans créer simultanément une économie socialiste efficace, vous empruntez le raccourci idéal pour plonger le pays dans ce cercle vicieux de pénurie, d’accaparement, de spéculation et d’inflation qui tourmente la population. […] Les gens qui pâtissent aujourd’hui des ravages de la pénurie, de la spéculation et de l’inflation en concluent que “si cette calamité est le socialisme, je préfère le capitalisme”. Il faudra du temps pour que les gens simples du peuple recommencent à croire au socialisme comme moyen de parvenir à une société libre de chômage, de pauvreté et d’exclusion sociale. Il s’est déjà passé la même chose dans les pays du soi-disant socialisme du XXe siècle, mais l’avant-garde chaviste n’en a pas tiré les leçons. »

 « Les conditions électorales du scrutin présidentiel du 20 mai sont nettement plus mauvaises que celles des législatives de 2015. L’interdiction de plusieurs partis d’opposition, l’invalidation et l’incarcération de leurs dirigeants les plus emblématiques, la disqualification de la coalition d’opposition (la MUD), le confirment [...]. On ne peut attendre d’un gouvernement de plus en plus totalitaire qu'il améliore les garanties électorales. »

https://www.larazon.net/2016/02/victor-alvarez-aparato-productivo-fue-barrido/ et (dernier paragraphe) http://www.ultimasnoticias.com.ve/noticias/opinion/votar-o-no-votar/

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Nicmer Evans, politologue chaviste, fondateur du parti bolivarien Marea socialista, aujourd’hui membre du Frente Amplio Venezuela Libre :

« Les élections du 20 mai ne seront pas démocratiques. Depuis plusieurs années, il n’y a pas d’élections démocratiques, mais au moins, il existait encore des conditions minimalement compétitives : en 2015, l’opposition a pu gagner la majorité à l’Assemblée nationale avec un système électoral défavorable. […] Les vénézuéliens protestent tous les jours. […] Les gens ont peur de protester politiquement mais il y a une protestation sociale permanente. La puissante capacité de terrorisme d’État développée par le gouvernement Maduro a réussi à engendrer la peur et repose sur une série de systèmes de contrôle. […] Il s’agit d’un gouvernement mafieux […] c’est un secteur de la grande délinquance qui gouverne le pays.

https://www.larazon.net/2018/05/nicmer-evans-venezuela-gobiernan-mafias/

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Gustavo Márquez Marín, ancien ministre du Commerce de Chávez :

« Parmi les éléments qui accélèrent sans aucun doute la crise, il y a la corruption. Le fait que l’État gère la rente pétrolière et que la bureaucratie ait le pouvoir discrétionnaire de la distribuer à sa guise crée les bases de l’activité des “chasseurs de rente” », dont l’objectif est d’accumuler du capital de façon mafieuse et de devenir des facteurs dominants au niveau politique. La corruption a toujours existé mais, ces dernières années, elle s’est généralisée en raison de l’absence de contrôles […]. Le programme d’un gouvernement de salut national doit abolir tous les décrets du président Maduro liés à l’approfondissement de l’extractivisme [qui a créé] des enclaves extractives permettant aux entreprises transnationales d’accaparer nos minéraux en détruisant nos forêts et sans considération du coût social, [ ...] l’orientation [du gouvernement] est la cession de notre territoire et de nos ressources et la privatisation de la nature. […] L’hyperinflation est due à des politiques monétaires et de change néfastes, complètement erronées, [qui ont] favorisé et stimulé la corruption massive, la contrebande, la manipulation des taux de change, stimulant la fuite des capitaux et l’instabilité progressive. [Cette économie parallèle] a imprégné la société vénézuélienne et est devenue l’économie dominante, tandis que l’économie formelle passait au second plan. […] Le “Carnet de la Patrie” [NdT : espèce de carte d’identité électronique donnant théoriquement droit à certains programmes sociaux] est un mécanisme de contrôle social et politique sans aucune justification. C’est l’institutionnalisation d’un dispositif clientéliste de contrôle politique. […] L’administration publique est totalement opaque […]. Le système de distribution des aliments est totalement politisé et, en outre, exclut de nombreux citoyens. […] Nous sommes confrontés à une situation électorale anormale. […] Il y a beaucoup d’irrégularités, par exemple le fait de ne pas permettre la participation de plusieurs partis politiques d’opposition. […] Il existe une persécution politique qui se caractérise par le fait que les arrestations ont lieu sans aucun respect pour les droits civiques et constitutionnels : le droit d’un citoyen à la défense, celui de connaître les causes de sa détention et de pouvoir communiquer avec sa famille. »

https://www.larazon.net/2018/04/gustavo-marquez-marin-el-petro-hipoteca-las-reservas-petroleras/

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Ana Elisa Osorio, ancienne ministre de l’Environnement de Chávez ; Héctor Navarro, successivement ministre de l’Éducation, de la Culture et des Sports, ministre de l’Enseignement supérieur, ministre de la Science, de la Technologie et de l’Innovation et enfin ministre de l’Énergie électrique de Chávez ; Gustavo Márquez Marín (susmentionné) ; et Oly Millán Campos, ministre des Communes et la Protection sociale, puis ministre de l’Économie populaire de Chávez :

« Ceux d’entre nous qui défendent la nécessité péremptoire de participer aux élections pour chasser Maduro le 20 mai ne validons pas pour autant les conditions dans lesquelles elles sont organisées. Nous ne validons pas les provocations flagrantes que le gouvernement de Maduro, profitant de son contrôle majoritaire du Conseil national électoral (CNE), a mis en œuvre précisément pour inciter à l’abstention l’opposition plurielle et ultra-majoritaire à son gouvernement. Simplement, nous soutenons que la possibilité minimale d’une issue à la catastrophe autoritaire qui détruit le Venezuela réside dans une participation massive susceptible de réduire l’espace d’une fraude électorale telle que celle qui a eu lieu le 30 juillet 2017. Dans cette élection illégitime de la soi-disant Assemblée Nationale Constituante, face à une énorme abstention et en l’absence de témoins – vu que dans la pratique, il s’agissait en fait d’élections internes au PSUV –, les chiffres de participation ont été gonflés abusivement. […] Même dans la situation de séquestration des institutions dans lesquelles nous nous trouvons, […] une participation massive du peuple vénézuélien en tant qu’électeurs et en tant qu’observateurs peut permettre d’engendrer de nouveaux scénarios de sortie par la voie démocratique, électorale et constitutionnelle du cauchemar maduriste dans lequel nous vivons. […] Les voix de l’opposition hier rassemblée au sein de la MUD qui ont exprimé leur désaccord avec la ligne abstentionniste ne font qu’exprimer la pression des bases qui ne veulent pas être condamnées à contempler passivement la perpétuation au pouvoir du gouvernement le plus corrompu de toute notre histoire. »

http://www.rebelion.org/noticia.php?id=241475

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Et pour finir, le point de vue du Monde diplomatique, édition Cône Sud, qui ne manquera pas de surprendre les lecteurs de l’édition française et qui démontre qu’il est non seulement possible mais totalement cohérent de dénoncer le putsch parlementaire et la vague réactionnaire au Brésil (en se gardant toutefois d’idéaliser les gouvernements de Lula et Dilma Roussef) et, simultanément et avec la même vigueur, de mettre à nu les mensonges et l’échec catastrophique de la soi-disant « révolution bolivarienne » au Venezuela :

« Nous constatons une régression autoritaire […] dans plusieurs pays de la région, mais en particulier dans deux d’entre eux, dans le premier cas en raison de la décadence de la gauche et dans le seconde du fait du virage anti-démocratique de la droite. [...] Bien que les racines du déclin du Venezuela remontent aussi loin que le “Caracazo” de 1989, la dernière étape, en particulier depuis la mort d’Hugo Chávez en 2013, se caractérise par l’aggravation du contexte de récession économique, de misère sociale, de militarisation du pouvoir, d’autoritarisme et de corruption. [...] La dégradation subie par le Venezuela et le Brésil nous amène à nous demander si certaines démocraties méritent toujours d’être caractérisées comme telles ou si nous ne sommes pas entrés dans une ère de “démocratures”. »

José Nantanson, « Democraduras », Le Monde diplomatique, édition Cône Sud , n° 227, mai 2018.

*

« La crise dans ces deux pays pose de nombreux problèmes à la gauche et aux forces populaires latino-américaines. La coïncidence des deux processus oblige à rechercher un étalon commun pour les évaluer, au risque de se rendre coupable de graves incohérences. […] Au Venezuela, la consolidation d’un pouvoir de facto incarné par une assemblée constituante “souveraine” qui, au lieu de rédiger une constitution, se consacre à gouverner sans contrepoids, ne sert qu’à masquer une profonde décadence politique, économique et institutionnelle, accompagné par une érosion des garanties constitutionnelles et une répression politique. »

Pablo Stefanoni, « Transiciones pos-progresistas », Ibid.

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Notes:

(1) Pour un panorama de la situation du Venezuela convoquant les meilleurs chercheurs sur ce thème, voir « Venezuela, 1998-2018. Le pays des fractures », Les Temps Modernes, n° 697, janvier-février-mars 2018, et « Venezuela : el ocaso de la revolución », Nueva Sociedad, n° 274, mars-avril 2018. Plusieurs articles de ce dernier numéro ont été traduits en français par l’excellent site barril.info (à suivre absolument pour les non hispanophones qui s’intéressent à la situation au Venezuela). Voir en particulier Manuel Sutherland, « La ruine du Venezuela n’est due ni au “socialisme” ni à la “révolution” », 11-05-2018, https://www.barril.info/fr/actualites/venezuela-crise-socialisme-revolution-petrole-importations?lang=fr, et Margarita López Maya, « Socialisme et communes », 26-04-2018, https://www.barril.info/fr/actualites/venezuela-lopez-maya-socialisme-communes-chavisme-pouvoir-populaire?lang=fr.

(2) « Le chavisme dissident dénonce la “Néodictature” et appelle à la résistance », 1-08-2017, https://blogs.mediapart.fr/saintupery/blog/010817/le-chavisme-dissident-denonce-la-neodictature-et-appelle-la-resistance. Ne faisons pas preuve de fausse pudeur, les charlatans et les mercenaires ont des noms : Bernard Cassen, Maurice Lemoine, Romain Migus, Jean Ortiz, Ignacio Ramonet, Christophe Ventura et quelques autres.

(3) Personnellement, j’ai voté pour La France Insoumise en 2017, parce que je vote pour un espace, des idées et un programme, pas pour un homme providentiel. Pour autant, je ne me fais aucune illusion sur les errements souvent pathétiques du líder máximo et sur l’infamie des petits commissaires politiques et des nains intellectuels qui lui servent la soupe.

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