Réforme de l’audiovisuel : ça va tanguer à France Télé

La réforme de l’audiovisuel public se précise. Plusieurs pistes sont étudiées, notamment la suppression de certaines chaînes.

 Entre 250 et 500 millions d’euros d’économies, voire plus… c’est ce qui pourrait être demandé à France Télévisions et Radio France.
Entre 250 et 500 millions d’euros d’économies, voire plus… c’est ce qui pourrait être demandé à France Télévisions et Radio France. LP/Photomontage

    A quelle sauce va être mangé l'audiovisuel public ? « C'est le flou le plus total… On ne connaît toujours pas les détails, notamment financiers, de la réforme ! » s'agace un journaliste de Radio France. « On est dans l'œil du cyclone. La volonté est de nous saigner », redoute un autre de France Télévisions.

    Ils le savent tous : la radio et la télé publiques sont dans le collimateur de l'Elysée, qui « suit de très, très près » la réforme du secteur, selon l'entourage du président de la République. Et le « scénario de transformation » annoncé par Emmanuel Macron pour la fin du premier trimestre 2018 se dessine en coulisses où une centaine de personnes travaillent sur le dossier.

    Un projet de loi prévu pour fin 2018

    Les arbitrages sont imminents. Selon nos informations, une réunion est prévue lundi à Matignon avec le Premier ministre, Edouard Philippe, la patronne de France Télévisions Delphine Ernotte, la présidente de Radio France Sibyle Veil, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen et le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin.

    Le Premier ministre devrait leur présenter les grandes lignes de la future réforme. Et leur demander aussi de nouvelles économies drastiques ? « Pour une fois, on veut faire les choses dans l'ordre. D'abord, on reprécise les missions du service public audiovisuel et après on regarde les moyens, la gouvernance, etc. », assure le député LREM Gabriel Attal, membre de la commission des Affaires culturelles à l'Assemblée.

    Officiellement donc, la réforme vise à moderniser le service public à l'ère du digital pour séduire davantage de jeunes. Mais tout est reconsidéré : la redevance, la publicité, la gouvernance des groupes publics, le rôle du CSA, la chronologie des médias (délais imposés entre la sortie d'un film et sa diffusion sur une chaîne), les rapports chaînes-producteurs… Le projet de loi, lui, n'est attendu qu'en toute fin d'année 2018.

    Priorité à la proximité

    L'idée fait son chemin : France 3 ne doit plus être une chaîne nationale avec des zooms en régions, mais l'inverse. « Deux heures de décrochages régionaux, c'est trop peu », estime la ministre de la Culture. Priorité donc à la proximité et aux informations locales. Evoquée un temps, la fusion de France Bleu (44 stations) et France 3 (24 antennes régionales) semble exclue.

    En revanche, les entreprises devront davantage coopérer. Une matinale commune sera ainsi testée avant la fin de l'année à Paris et à Marseille. Une émission politique élaborée par une équipe mixte radio-télé, un programme sur l'emploi ou l'environnement sont aussi envisagés. « Il y a huit types de projets (Live bleu, journées thématiques, invités politiques…) en expérimentation », a confirmé la patronne de Radio France, Sibyle Veil, en comité d'entreprise mercredi.

    Reste à savoir comment aller plus loin à moindre coût sachant que la chaîne Franceinfo (fabriquée par des journalistes radio et télé) a généré un surcoût de 4 millions par an à la Maison Ronde. A construire aussi la façon dont les antennes locales alimenteront la grille de la Trois.

    Régime sec au menu

    Dans le cadre du projet de modernisation CAP 2022 piloté par Matignon, l'économie exigée pourrait osciller entre 250 et 500 millions pour les deux groupes d'ici à 2022, voire davantage. Et France Télévisions serait en première ligne. Faudra-t-il dégraisser le mammouth (9 800 salariés) alors qu'un départ à la retraite sur deux n'est déjà plus remplacé?

    Ou se passer de certaines des six chaînes ? Une fusion France 5-France 4 serait à l'étude, ce qui permettrait au passage de libérer le canal de France 4 pour le réattribuer à la chaîne Franceinfo (qui serait ainsi plus près des premières chaînes et donc plus visible). Cependant, le gouvernement entend privilégier la jeunesse, ciblée par France 4. Autre hypothèse : basculer cette chaîne dont le budget avoisine les 40 millions d'euros sur le numérique.

    Par ailleurs, la suppression de France Ô, la chaîne vitrine de l'Outre-mer finalement peu regardée (0,6 % de part d'audience en 2017 contre 0,8 % en 2016), pourrait aussi être décidée. « Les locaux regardent d'abord la 1re (NDLR : le réseau de chaînes diffusées en Outre-mer). Pourquoi ne pas intégrer les programmes ultramarins à France 3 ? » relève un expert. Françoise Nyssen, elle, a cité en exemple Guyane 1re.

    Pour reconquérir les adolescents et les jeunes adultes hyperconnectés qui délaissent le poste de télévision, le gouvernement entend privilégier le numérique. A charge pour Radio France et France Télévisions de développer des plates-formes communes avec des contenus éducatifs, culturels et informatifs.

    Quelle gouvernance ?

    Si la ministre de la Culture a exclu toute idée de « BBC à la française », qui réunirait les entreprises publiques en une même entité, l'idée d'une présidence commune non exécutive et de plusieurs directions qui prendraient les décisions semble tenir la corde.

    Les patrons de l'audiovisuel public seraient en outre nommés non plus par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), mais par les conseils d'administration. Une modification prévue dans le futur projet de loi en fin d'année.