La nouvelle vie de Marion Maréchal

L’ex-députée du Vaucluse, qui rêve de rassembler les droites, va préciser cette semaine le contenu de son école des sciences politiques qui doit ouvrir en septembre.

 Marion Maréchal veut lancer son académie de sciences politiques en juin.
Marion Maréchal veut lancer son académie de sciences politiques en juin. AP Photo/Jacquelyn Martin

    C'est un petit rien qui veut dire beaucoup. Depuis vendredi matin, Marion Maréchal-Le Pen ne s'appelle plus que Marion Maréchal sur ses comptes Twitter et Facebook. Comme un retour à la vie civile, sans tambour ni trompette, alors qu'elle avait choisi d'accoler le patronyme de son grand-père en 2010, quand elle s'était lancée pour la première fois dans une campagne électorale. C'était à l'occasion des régionales en Ile-de-France. Une inconnue qui, à l'époque, cherchait à se faire un nom. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts…

    Et bien des mystères entourent aujourd'hui les projets de reconversion de l'ex-députée du Vaucluse. « Je ne pourrais rien vous dire. Marion veille à ce que tout soit encadré. Elle ne veut pas que les infos partent dans tous les sens », rechigne poliment, mais fermement, un de ses amis intimes, pour couper court à la conversation.

    À quelques semaines du lancement de son académie de sciences politiques à Lyon (Rhône), prévue en juin, la jeune retraitée de la vie publique entend bien rester maître de ses horloges… et de sa communication. Étape par étape, avec des informations distillées au compte-gouttes sur ce projet inédit : un institut délivrant une formation diplômante de type master (Bac + 5), mais a priori non reconnue par l'État.

    Une formation créée avec la volonté de cultiver « le terreau dans lequel tous les courants de la droite pourront se retrouver et s'épanouir », et la mission de « détecter et former les dirigeants de demain », écrivait-elle en avril dernier, dans une tribune parue dans Valeurs actuelles. « Elle considère que les grandes écoles comme l'Essec ou HEC tiennent un discours lénifiant sur les questions sociétales », souligne son ancien attaché parlementaire Arnaud Stephan, qui a lancé depuis le magazine de droite conservatrice l'Incorrect.

    Et le chantier avance vite, très vite même. Selon nos informations, Marion Maréchal va publier dans les prochains jours, mardi ou mercredi, un communiqué pour lancer les inscriptions de la rentrée de septembre, dévoiler le nom officiel de cette école et le contenu des cours, puis diffuser une vidéo à l'adresse des candidats potentiels.

    Pas de trace au rectorat

    Il n'empêche que même si le projet semble avancer, il n'y en a aucune trace au rectorat. Au ministère de l'Enseignement supérieur, l'initiative de Marion Maréchal est surtout un dossier… vide. « À ce stade, le rectorat n'a aucune trace d'une quelconque procédure d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur sur l'académie de Lyon », explique l'entourage de la ministre Frédérique Vidal.

    Et de préciser que rien n'empêche cette école de voir le jour, puisque « l'enseignement est libre en France ». Pas de trace, non plus, de demandes d'agréments pour délivrer des diplômes reconnus par l'État : « En tant qu'école privée, elle devrait demander un rattachement à une université publique pour faire reconnaître ses diplômes. Or rien n'a été déposé pour le moment », ajoute-t-on. Mystère, donc. « Ils seront reconnus, mais pas dans un premier temps. On en dira plus dans les prochains jours », défend un proche de l'ex-députée.

    « On est en train de changer de monde »

    En attendant, l'ancienne députée fera une intervention lors d'une soirée anti-Mai 68 organisée à Paris par ses amis de l'Incorrect. Hasard ou pas, cette apparition publique interviendra… la veille du grand raout orchestré par sa tante à Lyon pour entériner le changement de nom du Front national en Rassemblement national.

    Faire de la politique, « mais autrement. Loin des partis, des calculs d'appareils, de la politique politicienne, tout ce dont ce petit milieu se repaît. Personnellement, je me fais une autre idée de l'engagement », lâchait-elle récemment en privé.

    Son pari ? Parvenir à terme au rassemblement de toutes les forces conservatrices, nationalistes, libérales et identitaires, bien au-delà de LR et du FN. « On est en train de changer de monde. L'accélération de la mondialisation redonne paradoxalement une vraie place aux nations. Ce processus politique est en cours. Et il y a une nécessité majeure de former des élites qui puissent répondre à cette attente », confie son père Samuel Maréchal.

    « Elle a décidé de se prendre en main »

    Onze mois après avoir claqué la porte du parti, l'ex-benjamine de l'Assemblée nationale s'est donc trouvé une nouvelle voie. « Maintenant, il va falloir que je fasse quelque chose de ma vie », confiait-elle l'été dernier à un ami. Les premiers mois n'ont pourtant pas été une sinécure : « Quand elle a quitté l'Assemblée, les portes du privé ne se sont pas ouvertes comme elle l'aurait imaginée, notamment à cause de son nom, raconte un autre proche de l'ancienne députée. Alors elle a décidé de se prendre en main. »

    À Lyon, traditionnel lieu de confluence des extrêmes droites, elle a donc décidé de relever ce défi. Après plusieurs semaines de recherches, les locaux de sa future école ont été trouvés : 400 m2 loués dans un immeuble situé au sud de la ville, à un jet de pierre du conseil régional d'Auvergne-Rhônes-Alpes… présidé par un certain Laurent Wauquiez.

    5000 à 7000 euros par an par étudiant

    Quant à la liste des intervenants, elle est bouclée, même si nombreux sont ceux à avoir décliné l'offre, notamment le journaliste Eric Zemmour ou l'entrepreneur Charles Beigbeder. « Certains ont eu peur des pressions de leurs éditeurs », soupire Jean-Yves Le Gallou, ex-cadre FN, désormais essayiste. Quant au financement, il sera assuré par les frais d'inscription, 5000 à 7000 euros par an et par étudiant, et par des donateurs privés, « uniquement français », assure un connaisseur du dossier.

    Cette nouvelle aventure, elle l'a construite aux côtés de très proches compagnons de route : l'écrivain catholique de droite Jacques de Guillebon, qui officie désormais à l'Incorrect, et le conseiller régional FN de l'Isère Thibaut Monnier. Reste à savoir la viabilité d'un tel projet. « C'est très intéressant, mais tout de même un peu aventureux », concède un élu du Front, dubitatif sur la capacité de cette école à séduire des étudiants, « avec à la clé un diplôme marqué au fer rouge de la Marion Maréchal-Le Pen Académie ».

    Pour tenter de parer à cet écueil, la nièce de Marine Le Pen ne sera ni présidente, ni salariée de l'école. Mais elle aura un statut de consultante extérieure, via une société baptisée « Idées'O ». Quant au boulet du patronyme Le Pen, elle essaie donc de s'en délester. « Elle veut marquer la dichotomie entre son ancienne vie politique et sa nouvelle vie, glisse Arnaud Stephan. Bien sûr, elle est une Le Pen, mais elle ne veut pas prendre ses élèves en otage avec ça. »

    « Elle a choisi la voie du conservatisme »

    Ces dernières semaines, la jeune femme est venue plusieurs fois présenter son projet, lors de discrètes réunions organisées dans des appartements parisiens. « À chaque fois, il y avait des intellectuels et des universitaires de droite, mais très peu de politiques parmi les participants », détaille Le Gallou.

    Elle en a aussi parlé à Henri Guaino, ou plus récemment à l'historien Patrick Buisson. « C'était très courtois, mais elle n'a absolument pas cherché à me convaincre de la rejoindre », glisse Guaino. « C'est difficile de s'exprimer sur le devenir de cette école tant que la décomposition du paysage politique n'est pas achevée. On en saura peut-être plus après les européennes », enchaîne Buisson.

    Tandis qu'une autre de ses rencontres laisse poindre son scepticisme : « Elle a choisi la voie du conservatisme, c'est porteur, mais très restrictif en même temps. Je ne pense pas cela fasse un jour une majorité en France, ce n'est pas en adéquation totale avec la psychologie nationale. »

    Un retour en politique ?

    Reste justement l'autre grande question en suspens : celle de son avenir politique. « Elle ne reviendra pas tout de suite. Elle veut faire ses preuves dans un autre domaine avant », jure le maire de Béziers (Hérault), Robert Ménard.

    D'autres s'interrogent sur sa capacité à incarner la relève des droites : « Si Buisson l'a rencontrée, c'est à sa demande à lui. Il est convaincu que Wauquiez, ça le fera pas. Marine non plus. Alors il tâte le terrain, se demande qui pourrait être face à Macron », décrypte un député du FN.

    Mais la petite fille de Jean-Marie Le Pen n'a absolument pas l'intention de retomber dans la tambouille partisane : « Elle est soulagée d'être partie du FN. Vous la voyez sur les plateaux télé défendre une ligne politique absurde ? Expliquer que Marine Le Pen est innocente même si elle est mise en examen ? », s'interroge un de ses soutiens. « Avant de parler de retour, il faut aller au bout du processus chimique. Il faut que tout se délite, c'est l'œuvre au noir !, échafaude de son côté Stephan. Et à partir de là, on pourra commencer la régénération… »