La facture très salée de l’abandon de Notre-Dame-des-Landes

Loin d’être anodine, la décision d’abandonner le déménagement de l’aéroport de Nantes-Atlantique engendre des dépenses en cascade, qui pourraient dépasser le demi-milliard d’euros.

 L’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes par le gouvernement coûtera plusieurs centaines de millions d’euros.
L’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes par le gouvernement coûtera plusieurs centaines de millions d’euros. LP/Philippe de Poulpiquet

    Tous les joueurs de poker le savent : se coucher peut coûter cher. L'abandon de Notre-Dame-des-Landes, annoncé par le Premier ministre Édouard Philippe en janvier, n'était certes pas une décision comptable. Elle était d'abord motivée par des raisons politiques et écologiques. Il s'agissait de permettre à un dossier enlisé depuis une quarantaine d'années de sortir de l'ornière : le transfert de l'aéroport actuel de Nantes (Loire-Atlantique) à une vingtaine de kilomètres plus au nord, en plein milieu du bocage.

    Mais, alors que la situation est en passe de se normaliser sur le site où devait être réalisé le projet avorté, la facture s'annonce de plus en plus salée pour le contribuable, comme le montre le calcul auquel nous nous sommes livrés. Selon nos estimations, la note pourrait grimper jusqu'à 699 millions d'euros.

    Bien que la contestation se soit déplacée vers le Sud, de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) à Saint-Aignan (Loire-Atlantique), où les habitants risquent de subir de nouvelles nuisances en raison de l'augmentation du trafic prévu au-dessus de leurs têtes, les forces de l'ordre continuent, elles, de se déployer massivement au Sud, à grand renfort de moyens matériels : hélicoptères, blindés, bulldozers… L'objectif : mettre fin à l'occupation illégale des parcelles par une poignée d'irréductibles.

    Sans l'aéroport, des besoins supplémentaires

    Parallèlement, les collectivités locales impactées par l'abandon ont commencé à sortir les calculettes. « Avec les acteurs économiques, nous évaluons en ce moment nos besoins. Nous allons par exemple devoir améliorer l'accessibilité ferroviaire, notamment en modernisant les lignes Saint-Nazaire-Nantes-Paris ou Massy-Valenton », pointe Fabrice Roussel, vice-président (PS) de Nantes Métropole. Il faudra aussi compter des aménagements pour les riverains, plus nombreux à être exposés au bruit des réacteurs que si le tarmac avait été déplacé dans le bocage.

    Pour Julien Durand, agriculteur à la retraite et opposant historique au déménagement, c'est le prix à payer pour « éviter une terrible perte de biodiversité et un gâchis de terres agricoles ». « L'option d'un réaménagement de Nantes-Atlantique revient tout de même deux à quatre fois moins cher que s'il avait fallu sortir un aéroport de terre ex nihilo », relativise Françoise Verchère, autre figure la contestation. Pas si simple.

    Le précédent de l'écotaxe

    Les travaux de Notre-Dame-des-Landes étaient certes en partie financés par de l'argent public tandis que la modernisation de Nantes-Atlantique sera entièrement supportée par le concessionnaire privé. Mais, d'après les estimations du député (LR) de l'Oise (LR) Éric Woerth, auteur d'un long rapport sur les conséquences de l'abandon, l'État et les collectivités auraient pu engranger en contrepartie de 200 et 600 millions d'euros de retombées sur 55 ans, la durée de la concession accordée Aéroports du grand ouest, filiale de Vinci.

    Un manque à gagner auquel s'ajoute la grande inconnue du dossier. Quelles seront les indemnités qui devront être versées au géant du BTP? Selon nos informations, Vinci, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions sur ces négociations ultra-confidentielles, espère encaisser un chèque de plus d'un demi-milliard d'euros.

    En fonction de l'accord qui sera trouvé, le montant de la note pourrait se rapprocher de celle d'un des plus gros fiascos financiers, l'abandon en 2014 de l'écotaxe. D'ici à 2024, l'État va devoir reverser 924 millions d'euros au consortium franco-italien qu'il avait chargé du dispositif, avant de déchirer le contrat. À l'époque, la ministre de l'Écologie avait promis que la somme de 800 millions d'euros, alors avancée, était surévaluée.