Pourquoi nous tolérons les inégalités
Nicolas Journet
Sciences Humaines N° 304 - Juin 2018
De nombreuses études de psychologie expérimentale ont abouti à la conclusion que l’être humain était équipé d’un sens spontané de l’égalité, ou plus encore, frappé d’une aversion à l’inégalité. Par exemple, si l’on confie à un enfant de 3 ans le soin de distribuer des gommes à ses petits camarades, il trouvera normal d’en donner deux à chacun, et non d’en attribuer quatre à un seul et une seule aux autres. De même, les adultes préfèrent en majorité renoncer à un bien, plutôt qu’être les modestes bénéficiaires d’un partage par trop inégal.
Par ailleurs, les inégalités économiques sont couramment qualifiées de problématiques par l’opinion, surtout lorsqu’elles s’accroissent. Pour autant, les auteurs d’une étude publiée en 2017 (1) prennent le contre-pied de ce lieu commun. L’aversion en question relève, selon eux, d’une confusion entre l’inégalité et l’injustice.
Car d’autres enquêtes montrent que les gens, en réalité, non seulement tolèrent, mais trouvent légitimes les inégalités de biens et de ressources qu’ils constatent autour d’eux. L’essentiel tient à leur justification par le travail, le talent, le mérite ou même la chance. Qui en effet proteste contre le fait de gagner à la loterie nationale, alors qu’il s’agit, par définition, d’un partage inégal ? Même des enfants de 5 ans admettent qu’à des efforts inégaux correspondent des récompenses inégales. Ce qui choque, c’est l’arbitraire, la pauvreté absolue et par-dessus tout l’injustice. Les inégalités sont plutôt perçues comme un mal nécessaire, une conséquence inévitable de la justice. C’est pourquoi les auteurs n’hésitent pas à écrire que les gens, en général, « préfèrent l’inégalité » à l’injustice. Un constat un peu provocateur, mais qui explique que la parabole des ouvriers de la onzième heure, prise au pied de la lettre, nous semble étrange (2).
NOTES
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(1)
Christina Starmans, Mark Sheskin et Paul Boom, « Why people prefer unequal societies », Nature Human Behaviour, n° 1, 2017.
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(2)
Consulter https://fr.wikipedia.org/wiki/Ouvriers_de_la_onzième_heure
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Nec casus - le
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Claude Courty - le
Nous tolérons les inégalités, parce que nous ne pouvons pas faire autrement, sinon dans une mesure jamais satisfaisante ni durable.
Comme tout ce qui vit, chaque être humain est porteur, à sa naissance, d'une hérédité génétique et sociale. C'est celle-ci qui détermine son positionnement dans la pyramide sociale, quel que soit son parcours par la suite, tel qu'il pourra résulter de sont talent, des circonstances, de sa chance, de son ambition, etc. ; sachant de plus qu'à population constante, tout déclassement d'un individu dans un sens a pour contrepartie le déclassement d'un autre en sens inverse.
C'est ainsi que concernant plus particulièrement les inégalités sociales, elles évoluent avec l'importance de la population, sa production et sa richesse collective. En effet, plus la pyramide sociale est peuplée et riche – de ce qui résulte de l'activité économique de tous ses membres et des prélèvements sur les ressources de la nature – plus elle grossit et plus son sommet s'éloigne de sa base, cet écart et les inégalités sociales qu'il exprime se creusant d'autant.
Voir à ce sujet "Précis de pyramidologie sociale".
Bonjour,
Effectivement, le milieu d'origine joue son rôle d'influence voir de déterminisme sur l'échiquier social
(l'égalité des chances c'est faux, sinon il ne s’agirait pas de chance mais de progrès... Il est vrai que l'expansion démographique ne joue pas en la faveur des plus démunis. Avec bien souvent beaucoup de bouche à nourrir, les études longues coûtent cher. Alors que le couple lui-même ne suffit pas à ses propres besoins...) et l'acceptation des inégalités croissantes vont bénéficier aux plus petit nombre, qui s'approprie les richesses par la création de leurs propres lois, aux détriments des autres évidement, pour les paupériser davantage. Cela s'intègre dans le processus culturel et devient ainsi acceptable, jusqu'à une certaine tolérance du plus grand nombre, qui se doit de réagir tôt ou tard pour sa survie.
L'histoire ce répète. Le jeu de la spirale recommence, entrainant dans son sillage les effets du rapport de force, avec le déroulement du procédé habituel crée par ce genre de société...
L'histoire, comme une idiote, mécaniquement se répète. Paul Morand.
L'expérience des autres nous apporte le résultat sans passer par la leçon. Oscar Wilde
Encore une fois c'est faux, nos penseurs préviennent, nos décideurs adviennent..