La pratique du yoga peut aider à sortir d'un état dépressif.

La pratique du yoga peut aider à sortir d'un état dépressif.

Getty Images

Quelques semaines après avoir eu 39 ans, j'ai commencé à ressentir les premiers symptômes de la dépression. Au départ, c'était assez ténu, une tristesse diffuse, un manque d'envie, des excuses distribuées aux amies lorsqu'elles me proposaient d'aller boire un verre le soir. Et puis ça s'est aggravé. Je n'arrivais plus à gérer mes deux filles, de 10 et 12 ans.

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Leurs disputes me vrillaient les oreilles, je démarrais au quart de tour dès que l'une ou l'autre me répondait. Avec mon mari, idem, le ton montait très vite, je ne supportais plus la moindre réflexion. Et puis un matin, je me suis réveillée en larmes, avec la sensation que je n'arriverai pas au bout de ma journée. Comme si un poids d'une tonne avait été posé sur mon ventre, m'empêchant de me lever. Ce jour-là, d'ailleurs, je ne suis pas sortie de mon lit. Ni le lendemain, ni même le surlendemain.

"Je n'avais plus d'émotions, ni négatives, ni positives"

Mon mari, inquiet, a fini par appeler un médecin, qui, après m'avoir examinée, a conclu à une dépression assez violente. J'ai été prise en charge par un psychiatre, qui m'a donné des antidépresseurs, lesquels ont plutôt bien fonctionné sur moi. Disons qu'après un mois de traitement, je pouvais à nouveau mener une vie "normale", aller travailler, m'occuper de mes enfants, assumer le quotidien.

Mais dire que j'étais redevenue heureuse, non. J'avais plutôt la sensation d'être maintenue à flot chimiquement, ce qui, en soi, était déjà bien, mais la contrepartie était une sorte de disparition de mes émotions, négatives mais aussi positives.

J'ai tenté de raconter ma vie à mon psy, de comprendre ce qui soudainement m'avait fait basculer, moi qui jusque-là faisait partie de ces gens qui "vont bien", à qui la vie semble réussir sur tous les plans, amour, boulot, amis, etc. J'ai trouvé quelques explications, une pression que je me suis mise très vite pour être la parfaite élève qui correspondrait en tous points aux aspirations de ses parents, une peur de l'échec mal digérée, une anxiété dont les premiers symptômes remontaient à loin. Mais rien de très grave finalement, ni de très original. Je veux dire par là, pas d'agression sexuelle que mon inconscient aurait refoulée, pas de maltraitance, pas de deuil.

"La prof m'a immédiatement plu"

Après six mois d'antidépresseurs, qui certes m'aidaient à faire bonne figure mais m'avaient également fait prendre huit kilos, une de mes amies m'a conseillé le yoga. Je lui ai ri au nez. J'avais essayé une fois et la prof m'avait semblé ridicule avec ses salutations au soleil et ses Namaste à tout bout de champ. Je m'étais ennuyée comme jamais et j'étais ressortie presque stressée à force d'avoir respiré profondément. Un comble !

Mais mon amie m'a juré que le yoga qu'elle pratiquait dans une petite salle avec assez peu d'élèves, n'avait rien à voir avec ce que je lui décrivais. J'y suis allée en me disant que ça ne pouvait pas me faire de mal. La prof, très douce, m'a immédiatement plu. Peu portée sur le côté spirituel du yoga - je ne le savais pas encore mais j'y viendrai plus tard - elle était extrêmement bienveillante et a sans doute senti que j'avais besoin de son attention.

"Une crise de larmes inattendue et intarissable"

Elle a passé pas mal de temps à corriger mes postures, à m'encourager. A la fin du cours, une des positions, celle du chat sur une patte, pour ceux qui connaissent, a déclenché une crise de larmes complètement inattendue et intarissable. Mais des larmes qui faisaient du bien, pas celles que j'avais laissées couler des jours durant quand j'étais au plus profond de ma dépression. Comme si une digue lâchait enfin.

J'avais honte de me donner en spectacle, mais j'étais tellement soulagée d'éprouver enfin quelque chose, que je ne parvenais pas à m'arrêter. La prof m'a rassurée et expliqué que les asanas - ou postures - qu'elle nous avait fait faire jouaient sur l'ouverture du bassin. Et que l'aine est l'endroit où notre corps stocke toutes les émotions que l'on s'interdit de vivre, aussi bien les négatives que les positives. Ma réaction prouvait que, pour une débutante,j'avais plutôt bien effectué ces asanas !

"Avec le Kundalini, j'ai retrouvé mon souffle et un espoir"

Je suis retournée à ce courstoutes les semaines. Petit à petit, j'ai diminué les doses de mes antidépresseurs et senti la vie qui reprenait dans mon corps. J'ai commencé à lire pas mal de choses sur le yoga et ses différentes déclinaisons. Celui proposé par ma prof était ce qu'on appelle le Hatha Yoga, autrement dit, le plus classique.

Assez vite, lorsque j'ai retrouvé suffisamment d'énergie, j'ai eu envie d'expérimenter quelque chose de plus dynamique et physique. J'ai tenté le Ashtanga, qui implique des enchaînements de positions plus rapides. J'ai aimé, mais j'ai trouvé cela plus sportif que spirituel (je vous avais dit que j'allais y venir !). Alors je me suis tournée vers le Kundalini, un yoga plus introspectif et méditatif.

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"Il y a un avant et un après"

On y passe notamment beaucoup de temps à chanter des mantras. L'idée m'aurait semblé complètement absurde quelques mois auparavant, mais là, je me sentais prête. Le premier cours a été une révélation. J'y ai trouvé un souffle, une énergie, un espoir. Cela peut paraître un peu perché dit comme cela, mais il faut le vivre pour le croire.

On dit de ce yoga qu'il aide à se libérer des automatismes mentaux et physiques et oriente vers une réconciliation et une ouverture sur le monde. C'est exactement ce que j'ai ressenti. Je suis loin d'être une experte et j'ai du mal à intellectualiser ce que le yoga a provoqué en moi mais deux ans après m'y être initiée, je le dis sans hésitation : il y a un avant et un après. Comme si j'étais née une seconde fois, comme si je m'étais enfin autorisée à ressentir mes émotions, à les accepter.

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"Ne plus chercher à l'extérieur ce que j'ai trouvé à l'intérieur de moi"

Certains trouvent la porte de sortie de la dépression par la parole, par l'introspection, par des méthodes comportementales. Moi ce fut un processus finalement très corporel. Sans doute j'avais complètement occulté mon corps durant des années, le considérant davantage comme une enveloppe que comme un "vaisseau sacré".

Le yoga, et particulièrement le Kundalini, me procure un plaisir physique qui a reboosté ma production d'endorphines, lesquelles sont au plus bas quand on souffre de dépression. J'ai la sensation aujourd'hui de ne plus avoir à chercher à l'extérieur ce que j'ai trouvé à l'intérieur de moi. Je continue à avoir des ambitions professionnelles, je ne suis pas devenue une sorte de moine bouddhiste détaché de toutes les contingences matérielles mais j'accorde beaucoup moins d'importance à certaines choses, telles que mon apparence, ma réputation ou encore la "réussite".

En revanche, ce nouvel équilibre a énormément amélioré ma relation aux autres et particulièrement à mes enfants. Un soir, j'ai eu un fou rire avec mes filles. Et j'ai réalisé que c'était la première fois depuis presque un an que je riais. Que je riais vraiment, spontanément. J'avais passé une année sans rire ! Et sans yoga, je ne suis pas sûre que j'aurais pu retrouver ce rire qui sommeillait en moi...

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