Plan banlieues : pourquoi Emmanuel Macron joue gros
Mardi, Emmanuel Macron fera des "annonces très concrètes" pour les banlieues. S'il est très attendu sur le sujet, la distance prise ou non par rapport au plan Borloo sera aussi scrutée.
Le 14 novembre dernier à Tourcoing (Nord), Emmanuel Macron promettait un "plan de bataille clair" pour les quartiers de la politique de la ville. Fin avril, Jean-Louis Borloo remettait son rapport. Depuis, Emmanuel Macron semble avoir pris un peu de distance par rapport au travail commandé à l'ancien ministre. Alors que chacun y va depuis quelques jours à son analyse, le Président - dont l'allocution est très attendue - défendra sa vision mardi lors d'une rencontre avec des habitants et des acteurs de terrain à l'Elysée. Pas de vaste plan à l'horizon, mais des "annonces très concrètes".
Prendre ses distances avec Borloo, sans donner le sentiment d'enterrer le plan
Lorsqu'il lui a confié cette mission en novembre dernier, Emmanuel Macron savait pouvoir compter sur les compétences de Jean-Louis Borloo - il est le père de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) en 2004 - mais aussi sur la notoriété de l'ancien ministre, qui s'était ces dernières années consacré à l'Afrique s'éloignant ainsi de la politique politicienne. Depuis, au gouvernement, certains considèrent que Jean-Louis Borloo en a trop fait, se mettant en avant plus que de nécessaire. Son rapport intitulé "Vivre ensemble - vivre en grand la République", remis en avril, est devenu, dans le débat public, la base sur laquelle est désormais attendu le Président, qui prendra la parole mardi. "Vous savez quoi? Je me suis régalé", lançait-il au JDD après avoir rendu son rapport - à Matignon et non à l'Elysée. "Ils prennent le risque de créer un problème politique là où il n'y en avait pas", affirme aujourd'hui Jean-Louis Borloo qui a vu ses espoirs rétrécir. Car depuis fin avril, l'exécutif semble prendre ses distances.
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Comme le rapport Spinetta pour la SNCF, celui de Borloo sur les banlieues, ne serait qu'une simple base de travail, "un élément parmi d'autres", laisse-t-on entendre dans l'entourage du chef de l'Etat. Des propositions dans lesquelles Emmanuel Macron pourrait piocher… ou pas. Une manière aussi pour ce dernier de montrer qu'il garde la main. "Le gouvernement n'a pas attendu le rapport Borloo pour agir", dit-on d'ailleurs à l'Elysée, en citant notamment le dédoublement des classes de CP, le lancement des emplois francs et la police de sécurité du quotidien. "Certains membres de l'entourage d'Emmanuel Macron […] ont cru que Borloo remplirait sa mission tranquillement, sans faire trop de bruit : c'est mal connaître le personnage…", résumait dans Le Monde un proche du dossier.
"L'atterrissage n'est pas élégant, et Jean-Louis est à la fois un peu vexé et étonné", confie au JDD le président de l'association Bleu Blanc Zèbre, Jean-Philippe Acensi, qui est l'un des initiateurs de cette mobilisation en faveur des quartiers.
Répondre aux attentes du terrain, en évitant un énième plan…
Le 14 novembre dernier à Tourcoing, Emmanuel Macron avait appelé - dans un discours qui avait donné beaucoup d'espoir aux acteurs de terrain - à "la mobilisation générale" dans ces territoires "qui ont concentré toutes les difficultés" et promis "un plan de bataille clair". Fin avril, le Premier ministre Edouard Philippe indiquait que le Président annoncerait un "plan de mobilisation" en faveur des quartiers, "nourri" par le rapport Borloo. Pourtant, de plan au sens commun du terme, il ne devrait pas y en avoir. Vendredi, l'Elysée a en effet confirmé qu'il ne fallait pas s'attendre à de grands dispositifs" mais à des mesures concrètes. Emmanuel Macron "va rappeler sa vision et insister sur le fait que toute la politique du gouvernement concourt à l'amélioration de la vie dans les banlieues", selon la présidence. Ce qu'il avait déjà fait en novembre dans le Nord : "On réussira quand il n'y aura plus ce mot de politique de la ville, mais une ambition de toutes nos politiques publiques qui se déclinent dans les quartiers les plus en difficulté."
Reste que le plan Borloo comprend 19 programmes et fait plus de 160 pages. Difficile, après lui avoir commandé, de ne rien en faire ou si peu. D'autant qu'en dehors des étiquettes politiques, de nombreux élus ont exhorté Emmanuel Macron à en tenir compte.
Lire aussi : François Baroin au JDD : "Je soutiens pleinement le plan Borloo"
5 Pdts de région dans @lemondefr , les sportifs dans @leParisien_pol ,les intellectuels dans @leJDD et les maires (@l_amf ) demandent à @EmmanuelMacron l’application du #planborloo . Mardi 22 mai, Macron fera-t-il une mascarade de com ou dira-t-il oui pour refaire nation ? pic.twitter.com/5kyV9jeZSl
— Alexandre Jardin (@AlexandreJardin) 19 mai 2018
Mais Emmanuel Macron ne veut pas d'un énième plan Marshall pour les banlieues. Le premier date de 1977 : à l'époque le président Valéry Giscard d'Estaing lance un programme "Habitat et vie sociale" axé sur la réhabilitation d'une cinquantaine de grands ensembles dégradés. "Le plus important, c'est la philosophie avec laquelle on mettra en place ces mesures. Sinon, dans 5 ou 10 ans, il y aura un nouveau plan…", mettait en garde le député En Marche des Bouches-du-Rhône, Saïd Ahamada, samedi dans une interview au JDD. Et de poursuivre : "Ceux qui habitent ces territoires ne veulent pas de politique spécifique, ils ne veulent pas de charité, mais juste être traités comme des Français à part entière, ce qui ne leur a jamais été accordé ces 40 dernières années."
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… mais en faire assez pour éviter d'être encore taxé de "président des riches"
Malgré tout, Emmanuel Macron devra quand même dire et annoncer des choses. "Qui peut imaginer deux minutes qui ne va rien sortir de tout ça?", s'interrogeait vendredi Jean-Philippe Acensi, en listant les neuf mois de travaux, la centaine de personnes mobilisée, les dizaines de réunions et les 15 réunions interministérielles…
A quoi donc ressemblera l'allocution du Président mardi? Au programme officiel, un créneau de deux heures - de 11 heures à 13 heures - est consacré à des "témoignages d'habitants des quartiers 'politique de la ville' et d'acteurs impliqués suivis d'une prise de parole" d'Emmanuel Macron. "On ne va pas faire un catalogue de mesures, même s'il y aura des annonces très concrètes, dit-on à l'Élysée. On va éviter de faire des plans avec plusieurs milliards sur dix ou quinze ans." Pour l'heure, on ne confirme que les 30.000 stages qui seront répertoriés par la fondation Agir contre l'exclusion, pilotée par Gérard Mestrallet. Le "name and shame", censé lutter contre les discriminations, devrait enfin voir le jour. Plusieurs pistes sont à l'étude comme le doublement des emplois francs. La hausse du nombre de places en crèche est aussi évoquée. Quid de la "cour d'équité territoriale", destinée à "obtenir un niveau de service minimal" pour chaque habitant ou des 5.000 coaches sportifs de quartier? L'idée d'une "académie des leaders", sur le modèle de l'ENA, ne devrait quant à elle pas être reprise.
Après des mois d'attente, les mesures seront scrutées. Considéré par certains comme le "président des riches" après un an de mandat, Emmanuel Macron tient là une occasion de rééquilibrer sa politique. Outre la prise de parole de mardi - et en fonction des annonces faites -, il faudra aussi scruter la suite. Les membres des Etats généraux de la politique tiendront un point presse dans l'après-midi. Quant à Jean-Louis Borloo, il pourrait décider de ne pas rester immobile : selon France Info , il pourrait ainsi créer sa propre fondation avec le soutien d'anciens ministres de la Ville. Il en a d'ailleurs réuni plusieurs pour un déjeuner il y a quelques jours. Mais pour être reconnue d'utilité publique, les fondations doivent être soumises à agrément du ministère de l'Intérieur.
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