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Quand le Grand Nord se passionne pour les jeux inuits et indiens

Tous les deux ans dans le Grand Nord sont organisés les Arctic Winter Games, où les populations du cercle polaire s'affrontent dans des épreuves modernes et des disciplines issues des traditions inuites et indiennes.

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Publié le 19 mars 2014 à 10h39, modifié le 19 mars 2014 à 14h20

Temps de Lecture 5 min.

L'épreuve de

Envoyé spécial à Fairbanks (Alaska, États-Unis). A première vue, Lathrop High School est un établissement scolaire comme il en existe des milliers aux Etats-Unis. Un ensemble moderne et sans charme, planté en bordure de la route. Sur la façade du bâtiment abritant le club omnisport, la gueule géante d'un malamute, le husky originaire du Grand Nord américain, et l'épaisseur de la couche de neige qui recouvre le parking donnent tout de même quelques indications sur les coordonnées géographiques du lycée.

Un panneau plus discret, posé près de l'entrée principale, précise que l'établissement accueille jusqu'au 22 mars certaines épreuves des Arctic Winter Games (AWG), la qualification donnée aux jeux d'hiver qui rassemblent tous les deux ans, depuis 1970, les populations du cercle polaire nord. Un énorme événement sportif pour la modeste ville de Fairbanks, 32 000 habitants (100 000 pour la ville et son agglomération), qui accueille cette année quelque 2 000 athlètes venus de neuf territoires : les provinces canadienne du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest, du Nord Alberta, du Nunavik-Québec et du Nunavut, l'Etat d'Alaska, le Groenland, le district de Yamal, en Russie, et une délégation Sami (originaire de Finlande, de Norvège, de Suède et de Russie).

DES SPORTS ISSUS DE L'HISTOIRE DE CERCLE POLAIRE NORD

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« Sport »
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Tout cela fait beaucoup de monde pour la ville de l'intérieur alaskain, assoupie depuis la ruée vers l'or qui l'a vu naître au début du vingtième siècle ! Il suffit de pousser la porte de Lathrop High School pour se faire une idée de ce réjouissant melting-pot circumpolaire. Un groupe folklorique répète dans le couloir, à grand renfort de tambours plats, mais les compétitions du jour sont bien sportives. Dans la salle de basket des Malamutes de Fairbanks défilent les participants aux « Arctic Sports ». Car l'une des spécificités des AWG est de composer un programme mêlant les sports d'hiver modernes et des disciplines issues des traditions inuites (du cercle arctique) et indiennes (des territoires centraux du Grand Nord). Soit 20 épreuves au total, intégrant les sports olympiques au programme des JO de Sotchi — ski alpin, biathlon, patinage de vitesse, hockey, curling, entre autres — et des disciplines inconnues des grands diffuseurs et du grand public, notamment les sports arctiques.

« Le terme regroupe des défis sportifs divers mais tous issus de l'histoire de cercle polaire nord, explique Carol Pickett-Hull, la responsable des sports arctiques pour l'édition 2014 des Arctic Winter Games. Des jeux qui permettaient par le passé d'occuper la communauté pendant les longs mois d'inactivité et de s'entraîner à la survie dans une nature hostile. Des jeux le plus souvent réservés aux hommes. » La salle de sport du lycée de Fairbanks est moins sexiste. Hommes et femmes, juniors ou seniors, s'affrontent sur différents ateliers.

« Le plus prisé est le “high kick” [coup de pied en l'air], car c'est le plus difficile à réaliser et le plus spectaculaire », précise l'ex-championne de « high kick » d'origine Inupiak, l'une des tribus inuites d'Alaska. Le high kick se décline en plusieurs versions suivant la position au sol des mains et des pieds, mais il exige toujours force et souplesse, endurance et concentration, pour toucher la balle pendue à une corde. L'Alaskaine Erica Meckel y excelle. Gymnaste à ses débuts, l'athlète de 26 ans accumule les médailles dans les sports arctiques : « Près d'une cinquantaine déjà… » Lorsqu'elle ne concourt pas aux AWG, elle participe aux compétitions sportives organisées l'été pour les populations indigènes des Etats-Unis ou du Canada.

L'épreuve de force d'« indian stick », où deux hommes ou deux femmes tirent sur un bâton enduit de graisse animale.

Mais pour les spectateurs massés dans les gradins du terrain de basket, c'est l'earl pull (« tirage d'oreille ») qui déclenche le plus de réactions. Le principe est simple : deux personnes s'affrontent sur le mode du je te tiens, tu me tiens par l'oreille, assis face à face, une cordelette passée derrière l'oreille. Le premier qui réussit à arracher la cordelette de l'oreille de l'adversaire l'emporte. Les parties ne durent que quelques secondes, histoire de conserver ses deux lobes pour la partie suivante.

« Cela permet de tester l'endurance et la résistance à la douleur, argumente Nicole Marie Johnston, spécialiste des sports arctiques, Inupiak elle aussi. Il ne faudra pas longtemps pour savoir si vous avez des oreilles à “earl pull” ou pas ! » Autres épreuve sportives à l'honneur, le kneel jumpsaut sur les genoux ») ; le triple jump ou triple saut version sibérienne, trois sauts à pieds joints, effectués traditionnellement dans la toundra pour garder la forme ; le knuckle hop (« marche sur les articulations »), où il convient de progresser allongé, bras en extension, sur les poings, « pour s'approcher le plus près d'un animal sur la glace sans attirer son attention », détaille Nicole Marie Johnston. Les épreuves de stick pull (« tirage de bâton ») appartiennent à une famille élargie puisqu'on les retrouve à la fois dans les sports arctique et dans l'autre grande compétition de disciplines traditionnelles présente aux AWG — mais d'origine indienne cette fois — les « Dene Games ».

GENTILLES RIVALITÉS

Pour percer leurs mystères, direction la Ryan Middle School, tout proche du site des sports arctiques. Là aussi, jeunes du Nunavut, du Groenland, du Nunavik-Québec, du Yukon ou d'Alaska se défient dans une ambiance de franche camaraderie, sans trop se focaliser sur la médaille (on parle d'« ulu » dans les Arctic Winter Games, une breloque de forme triangulaire qui rappelle le couteau utilisé par les Inuits) que certains pourront arborer en fin de journée. Là encore, plusieurs exercices permettent de rivaliser d'adresse et d'énergie. Notamment l'indian stick pull, où l'on cherche à arracher de la main de l'adversaire un bâton couvert de saindoux. « Le bâton est graissé pour imiter un poisson sortant de l'eau qui se débat dans la main du pêcheur », commente Drena McIntyre, chargée des Dene Games. « C'est bien plus dur que la version esquimaude, où le bâton est plus long et pas graissé », sourit cette Indienne Tsimshian, l'une des ethnies du sud-ouest de l'Alaska, s'autorisant au passage une petite pique en direction des tribus du Nord.

Toute la semaine, Fairbanks devrait vibrer au rythme de ces sports traditionnels qui racontent l'histoire et la culture de l'Alaska. Mardi, c'est le snow snake qui a eu droit à son heure de gloire. Le jeu du « serpent à neige » s'apparente à un lancer de javelot, à terre, sur un sol enneigé, comme le font les chasseurs lorsqu'ils traquent le caribou. Mercredi, les hand games (« jeux de mains ») font leur apparition dans la compétition. Deux équipes de quatre personnes se font face, dissimulant des objets et déconcentrant l'équipe adverse pour qu'elle ne parvienne pas à les localiser. Fairbanks réserve bien des surprises aux spectateurs des Arctic Winter Games.

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