Lâchetés

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On dirait qu'ils avaient imaginé qu'on ne remarquerait rien, que cela pouvait attendre que tout le monde revienne de week-end, et que l'enchaînement des matches de barrage recouvrirait d'oubli cette fin de semaine scandaleuse. Mais les images des deux voyages des joueurs du Havre à l'AC Ajaccio, vendredi puis dimanche, ont balayé cette stratégie couarde et silencieuse des dirigeants de la Ligue de football professionnel, suscitant un sentiment de honte et de désolation. C'est la rupture de l'équité qui choque, sportivement : ce barrage ne s'est pas déroulé dans des conditions normales. Et c'est tout le reste qui insupporte, moralement : un an après les très graves incidents de Bastia-Lyon, le football corse s'est à nouveau placé au coeur de la polémique, sous l'effet des violences, des intimidations et des cris racistes. Le football corse a toute sa place, et elle est belle, dans l'histoire du football français, qui sait se souvenir de l'épopée de Bastia en 1978, qui sait ne plus jouer le 5 mai, le jour anniversaire de la catastrophe de Furiani, et qui accepte une surreprésentation des clubs corses dans les divisions inférieures du Championnat de France, en raison de la situation particulière de l'île. Mais il ne peut pas, il ne peut plus, faire passer les faits de violence et de racisme pour du folklore. Il est l'heure que le football corse en soit comptable, et sanctionné. L'heure, aussi, qu'il sorte du schéma éternel de la violence et de la victimisation.

La LFP est donc coupable de son silence, d'abord, et de sa lâcheté, ensuite. Comment a-t-elle pu décider de renvoyer les Havrais jouer au même endroit, dans un contexte plus brûlant encore ? Comment a-t-elle pu estimer que les conditions normales d'un match étaient réunies, comme si le bus du HAC, le vendredi, avait été victime d'une panne d'essence ? Comment peut-elle vouloir valider le résultat de ce barrage, alors que le terrain a été envahi avant la séance des tirs au but et que des personnes qui n'avaient rien à faire là étaient derrière le but où elle s'est déroulée ? La limite de la LFP n'est pas d'avoir le mauvais rôle, mais de ne pas jouer le sien. Que Nathalie Boy de la Tour, sa présidente, soit prisonnière de la loi et des règlements, cela ne fait aucun doute. Mais sa ligne de défense est intenable : le jour où des supporters mettront des joueurs adverses hors d'état de jouer à vingt mètres du stade, la Ligue se contentera de leur demander de rejouer le lendemain sans se plaindre, sous prétexte qu'il s'agit de la responsabilité de l'État, pas du club ? Ce barrage ne s'est pas déroulé normalement, et plutôt que de se cacher derrière le règlement, la Ligue aurait dû se montrer, se faire entendre, et défendre l'équité. Elle aurait joué son rôle.

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