Plan Borloo : opération enfouissement

Tout en saluant le travail de Jean-Louis Borloo, Emmanuel Macron a prévenu ce mardi qu’il ne proposerait pas de plan banlieues.

 Elysée, Paris (VIIIe), mardi. Emmanuel Macron a indiqué refuser une stratégie faite à grand renfort d’enveloppes budgétaires.
Elysée, Paris (VIIIe), mardi. Emmanuel Macron a indiqué refuser une stratégie faite à grand renfort d’enveloppes budgétaires. AFP/Ludovic Marin

    Devant plus de 600 invités, sous les ors de la salle des fêtes de l'Elysée, l'humoriste controversé Yassine Belattar joue les maîtres de cérémonie : « Je suis venu parce que j'ai grandi dans les quartiers et j'en suis très très fier », entame-t-il, avant de vanner, un brin provocateur : « Je tenais à préciser au président que, vu la couleur des faciès, le buffet juste après ne sera pas endommagé pour cause de ramadan. » Le décor est planté. Emmanuel Macron peut sonner la « mobilisation » générale. Pas de grand discours programme avait dit l'Elysée ? Il sera fleuve… Une heure et demie !

    Tout le monde l'avait compris ainsi : ce grand raout devait être l'occasion pour le chef de l'Etat de dire ce qu'il retenait des propositions de Jean-Louis Borloo. Mais ce n'était pas le scénario concocté. Le président l'a clairement dit mardi : « Que deux mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers s'échangent l'un, un rapport, l'autre disant On m'a remis un plan … Cela ne marche plus comme ça! » A bon entendeur…

    Un plan court-circuité

    De fait, c'est bien à une opération enfouissement que l'on a assisté. « Le rapport Borloo est enterré, glisse l'un de ses amis. Macron nous a totalement court-circuités. » L'ancien ministre de la Ville a fait bonne figure à la sortie, assurant que « toutes les cases (avaient) été cochées ». Mais à son arrivée à l'Elysée, sa mine en disait long. Macron l'assume, il se fiche « des affaires d'ego ». Certes, dit-il, il a « confiance » en Jean-Louis Borloo, mais il veut faire les choses à sa façon.

    « Une politique de droit commun au carré » (ce sont ses mots), oui, mais pas de énième plan banlieues ! La politique de la ville façon ancien monde, à grand renfort d'enveloppes budgétaires ? Une stratégie « aussi âgée que moi », lâche le président, pour qui cette logique revient à « poursuivre dans l'assignation à résidence ». En prime, un tacle à « ceux qui n'ont pas réussi depuis vingt ans »…

    Des élus locaux un peu sonnés

    Grincements de dents dans la salle des fêtes. Les élus et associatifs de l'appel de Grigny, qui ont lancé l'alerte après « l'été meurtrier » des coupes budgétaires et ont planché pendant des mois à la demande du président, sont un peu sonnés. Leur plus grande blessure est certainement de ne jamais avoir été cités.

    Quant au fond du propos… Il y a ceux qui, comme la maire de Chanteloup-les-Vignes, Catherine Arenou, préfèrent voir le verre à moitié plein. « L'ossature du discours était quand même bâtie autour des propositions de Borloo », relève-t-elle, se félicitant de la création d'une instance de recours pour la cohésion territoriale.

    Déception et amertume

    Mais derrière les quelques bons points, déception et amertume pointent. Filandreux, ce plan non chiffré ? « C'était un discours de la méthode, il n'y a absolument rien sur les moyens », déplore Philippe Rio, le maire PCF de Grigny, quand Stéphane Gatignon dit sa déception devant « un truc qui s'étiole », « sans vision politique ».

    « D'ici quatre ans, je veux que le visage des quartiers change », a promis Macron mardi, reconnaissant lui-même, dans le huis clos du Conseil présidentiel des villes : « Je sais une chose, c'est que cela fait partie des quelques sujets sur lesquels je serai jugé. »