Ces taux [d’hémoglobine A1C] sont inhabituels, ce sont d’excellents résultats
Jacques Philippe, diabétologue
Les patients diabétiques de type 1 doivent s’injecter de l’insuline, hormone qu’ils ne peuvent fabriquer en quantité suffisante, afin de faire entrer le glucose dans leurs cellules. Mais cette situation est problématique à plus d’un titre, notamment parce que l’insuline, si elle est injectée en trop grande quantité, peut siphonner tout le sucre du sang et ainsi provoquer une dangereuse hypoglycémie.
Trente grammes par jour
Pour limiter les risques et éviter les pics de glycémie, beaucoup de patients limitent déjà leurs apports en glucides. Une approche qui n’a rien d’une partie de plaisir: les glucides sont présents partout, ou presque. Dans le pain, le riz, les pâtes, et tous les fruits, pour ne citer que quelques exemples. Mais le régime alimentaire de cette étude va encore plus loin en limitant l’apport en glucides à 30 grammes par jour, principalement apportés par des légumes à fibres et des fruits à coque à index glycémique bas (autrement dit qui font peu augmenter la glycémie).
Après deux ans, enfants et adultes qui l’ont suivi ont vu leur concentration en hémoglobine A1C, reflet de la glycémie sur le long terme, passer de 7,15% (une valeur typique chez les diabétiques) à 5,67% (une valeur de sujet en bonne santé). «Ces taux sont inhabituels, ce sont d’excellents résultats», se réjouit Jacques Philippe, médecin-chef du service d’endocrinologie, diabétologie, hypertension et nutrition aux Hôpitaux universitaires de Genève.
Ces régimes sont avant tout ultra-contraignants, voire risqués, pour des résultats loin d’être assurés
Corinne Longchamp, diététicienne
Des questions restent cependant en suspens. «Il reste à voir si cela pose des problèmes de croissance chez l’enfant, ou augmente les risques cardiovasculaires chez l’adulte», prévient le médecin. Les auteurs disent ne pas avoir constaté de problèmes de croissance chez les enfants suivis. Quant au risque cardiovasculaire, il semble à la hausse comme en témoigne l’augmentation de leurs taux de cholestérol LDL, un facteur de risque. Cela s’expliquerait par le fait que les glucides sont remplacés par un apport accru en lipides. Il faudra plus d’études sur le sujet, admettent les auteurs.
Régime risqué
Autre réserve, l’étude n’est pas un essai clinique randomisé avec un groupe de contrôle: les données proviennent d’une enquête médicale. Les 310 sujets, dont 130 enfants, ont été recrutés via un groupe Facebook nommé TypeOneGrit, qui fédère des patients atteints de diabète de type 1 et suivant le régime ultra-pauvre en glucides tiré du livre Dr. Bernstein’s Diabetes Solution. Ont-ils vraiment bien suivi le régime? Impossible à dire dans le cadre d’une telle enquête.
Pour Corinne Longchamp, diététicienne en diabétologie pédiatrique à l’Hôpital de l’enfance à Lausanne, ces régimes sont avant tout «ultra-contraignants, voire risqués, pour des résultats loin d’être assurés. Je ne recommanderais pas ce genre de diète à un patient», conclut-elle en précisant recommander à un adulte un apport journalier en glucides de l’ordre de 55% des calories totales (soit 200 à 250 g de glucides, ndlr).
«Il faut trouver un bon équilibre entre contrôle de la glycémie et la nécessité d’avoir ces nutriments essentiels que sont les glucides, admet Jacques Philippe. C’est au patient d’en discuter avec diététiciens et médecins pour trouver les quantités les mieux adaptées.»