“City of ghosts”, le journal de bord d’une poignée de résistants à Raqqa

Pendant quatre ans, au péril de leur vie, quelques activistes ont résisté à la propagande de Daech dans sa “capitale” syrienne. Ils racontent leur lutte dans “City of ghosts”, diffusé dans la nuit du 22 au 23 mai, à 0h50, sur France 2.

Par Olivier Tesquet

Publié le 22 mai 2018 à 19h45

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h23

Quand l’Etat islamique (EI) a pris leur ville, ils ont pris les armes. Pas n’importe lesquelles : des caméras, des téléphones portables, des ordinateurs. En janvier 2014, quand le groupe djihadiste a fait de Raqqa la capitale de son califat autoproclamé, Mohamad était prof de maths, Aziz étudiait la biologie, Hamoud filmait déjà tout. Du jour au lendemain, ces citoyens anonymes sont devenus des activistes médiatiques condamnés à la clandestinité. Le nom de leur collectif ? « Raqqa is being slaughtered silently » (RBSS), « Raqqa est massacrée en silence ».

Organisés comme un réseau de résistants, ils ont commencé à documenter les exactions –exécutions et séances de torture publique – des occupants. Aux yeux de Daech, ces journalistes du quotidien sont devenus des ennemis à abattre. C’est d’ailleurs le triste sort qu’ont connu Motaz Billah Ibrahim, Ibrahim Abd al-Qader, Ahmad Mohamed al-Mousa et Naji al-Jerf, assassinés pour avoir osé défier l’EI sur le terrain des images. Un autre champ de bataille, qui charrie lui aussi son lot de victimes.

Au début, dans ce conflit en basse résolution, l’organisation terroriste distribuait sa propagande sur DVD. Rapidement, les téléphones de mauvaise qualité ont été remplacés par des appareils coûteux. Le djihad médiatique s’est professionnalisé, réparti entre plusieurs branches riches en moyens. Obsédé par le recrutement de jeunes Occidentaux, Daech a commencé à produire des films aux plans léchés et aux titres belliqueux (Flames of war), empruntant autant aux blockbusters hollywoodiens qu’aux jeux vidéo. « Venez jouer à la guerre », semblaient dire ces superproductions morbides saturées de détonations. Et à mesure que ces clips déferlaient sur le monde, Raqqa disparaissait chaque jour un peu plus, noyée sous le flot ininterrompu de la désinformation.

“De l’extérieur, on lutte contre l’organisation la plus dangereuse du monde.” Mohamad

City of ghosts remet la ville en pleine lumière, sans jamais confisquer la parole de ceux qui ont refusé de la délaisser. Réfugiés en Turquie ou en Allemagne, dans des lieux tenus secrets, les membres de RBSS risquent toujours leur vie. A tel point que le documentaire ressemble parfois à un testament. Au cas où. Certains ont perdu un père ou un frère, abattus en représailles. Ils vivent la peur chevillée au corps. « De l’extérieur, on lutte contre l’organisation la plus dangereuse du monde », analyse froidement Mohamad.

Jusqu’à la reprise de Raqqa par les forces arabo-kurdes en octobre dernier, l’EI a tout tenté pour les mettre hors d’état de nuire : points de contrôle renforcés, inspection des téléphones, fermeture des cybercafés, interdiction des paraboles. Menaces de mort, évidemment. « Celui qui tient une caméra est toujours plus fort que celui qui porte un fusil », assène Hamoud. Raqqa est toujours debout.


on aime passionnément City of Ghosts, mercredi 23 mai à 0h50, sur France 2. 

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