Il y a urgence. Assignée à résidence depuis que le Prix Nobel de la paix a été décerné en 2010 à son époux, le dissident Liu Xiaobo, mort en juillet 2017, la poétesse et photographe chinoise Liu Xia, très déprimée, voit son état se dégrader. Une situation alarmante qui a poussé un collectif de femmes à lancer, dans Le Mondedu 14 mai, un appel pour sa libération auprès du président Xi Jinping. Parmi ces femmes, Catherine Blanjean. C'est à la fin février 2017 que la musicienne et comédienne belge a commencé à se préoccuper de Liu Xia. Il a suffi qu'un ami éditeur lui rapporte les propos de la sinologue et traductrice Marie Holzman: "Il faudrait écrire sur elle pour briser son isolement".

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L'empathie est immédiate

Et la voilà, à son clavier, entamant une correspondance à sens unique. Du 4 mars au 24 octobre 2017, la citoyenne de Wasseiges (Wallonie) s'adresse à Xia, cette inconnue de 57 ans dont elle a pris fait et cause en quelques heures. "J'ai du mal avec l'idée que quelqu'un puisse être privé de toute relation humaine. Oublié", note la violoniste dans Liu Xia. Lettres à une femme interdite. Xia est alors confinée dans son appartement de Pékin, et Xiaobo condamné à une peine de onze ans de prison qui doit s'achever en 2020...

Pour mieux comprendre la poétesse, Catherine Blanjean enquête auprès de Marie Holzman et de Jean-Philippe Béja. Lit Simon Leys, bien sûr, et va jusqu'à rencontrer un ami du couple exilé en Allemagne, Liao Yiwu, auteur de Dans l'empire des ténèbres, récit de quatre ans d'emprisonnement, dans le laogai après le massacre de la place Tianammen.

Lettres à la poétesse chinoise Liu Xia, en résidence surveillée depuis huit ans.

Lettres à la poétesse chinoise Liu Xia, en résidence surveillée depuis huit ans.

© / Editions François Bourin

L'empathie est immédiate : à la lecture des poèmes et à la vue des photos de Xia, Catherine Blanjean se découvre en totale résonance avec sa "soeur" chinoise. "Qui est cette femme, dont l'univers intérieur me semble à portée de main, à portée de coeur ?", s'interroge-t-elle, troublée. Le 13 juillet, le militant démocrate Liu Xiaobo est emporté par un cancer du foie, elle compatit à la douleur de sa femme ; le 16 août, elle se dit de plus en plus habitée par Xia et la Chine ; au début d'octobre, elle part à Berlin, faire la connaissance de Liao Yiwu. Qui, aujourd'hui, signe la préface de son livre en comparant ses lettres "adressées du fond de son coeur" à celles de Kafka à Milena Jesenska. Peut-on imaginer plus beau compliment ?

La note de L'Express : 16/20

Liu Xia. Lettres à une femme interdite, par Catherine Blanjean. Ed. François Bourin, 144 p., 16 ¤.

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