ÉTATS-UNIS - Le changement, c'est maintenant. C'est tout du moins ce qu'espère Lupe Valdez, ancienne shérif de 70 ans qui a remporté ce mardi 22 mai la nomination du parti démocrate avec 53% des voix pour se lancer dans la course au poste de gouverneure du Texas.
Faire tomber le candidat républicain en place et sortir gagnante lors de l'élection qui se déroulera en novembre 2018 est a priori surréaliste dans cet État du Sud profondément conservateur, mais serait hautement symbolique. Si Lupe Valdez venait à l'emporter, la septuagénaire deviendrait la première femme latina à accéder à ce poste dans la région mais aussi la première gouverneure lesbienne du pays.
Ce chamboulement serait un signe d'ouverture d'esprit, mais aussi un indice inquiétant pour Donald Trump. Cela serait le signe d'une mobilisation grandissante contre les membres de son parti sur leurs propres terres... et donc mauvais signe pour sa réélection en novembre 2020.
Terre ennemie pour les démocrates
Les démocrates n'ont vraiment pas la cote au Texas. Depuis 1994, les candidats de gauche ont perdu chaque élection organisée à l'échelle régionale, un record: ni démocrates ni républicains n'ont autant enregistré de défaites d'affilée ailleurs dans le pays.
Mais le vent pourrait commencer à tourner grâce à une explosion de la population d'origine hispanique, qui vote à près de 70% en faveur du parti démocrate. Les électeurs latinos ont augmenté de 60% entre 2000 et 2015, selon le Pew Research Center. Ils représentent maintenant près de 40% des 28 millions de personnes qui peuplent le Texas.
"Le Texas a changé, ce n'est plus le même depuis les dernière élections gouvernatoriales il y a quatre ans", estime Lupe Valdez qui explique rencontrer des gens qui comptent voter pour elle uniquement parce qu'elle était la seule candidate d'origine hispanique. Un soutien dont elle semble avoir en partie bénéficié en l'emportant ce mardi sur son concurrent démocrate Andrew White qui n'a récolté que 47% des voix lors du second tour de la primaire organisée par le parti.
"Même dans mes rêves, je n'étais jamais la princesse"
Cette percée sur la scène régionale n'est pas la première victoire politique de Lupe Valdez. En 2004, elle décide de se présenter aux élections locales pour devenir shérif du comté de Dallas. Elle est alors totalement inconnue et aucun comté ne comptait de démocrate en poste. Elle est pourtant sortie vainqueur de la primaire du parti, puis l'a emporté face au candidat républicain. Elle a ensuite été réélue en 2008, 2012 et 2016.
Et Lupe Valdez a été transparente sur son orientation sexuelle dès qu'elle a mis les pieds sous les projecteurs de la vie publique, expliquait-elle au Dallas News en février, tout en précisant qu'elle n'avait pas réussi à être à l'aise sur le sujet du jour au lendemain.
"Même dans mes rêves je n'étais jamais la princesse, j'étais celle qui venait en aide à la princesse. Quand j'ai découvert mon orientation sexuelle, c'est avec ma foi que j'ai lutté. J'ai mis du temps à faire mon coming out parce que j'étais trop occupée à m'en sortir dans la vie au début, je ne voulais pas finir dans le ghetto", racontait-elle avant la primaire.
En novembre, elle devra affronter Greg Abbott, républicain conservateur pro-armes qui se désolait en 2015 que la Cour suprême américaine avait rendu légale sur tout le territoire le mariage pour les couples de même sexe. "Le mariage a été défini par dieu, aucun homme ne peut le redéfinir, nous défendrons nos libertés religieuses", tweetait-il alors.
Ce genre de discours et "penser à tous les enfants qui entendent au quotidien que ce n'est pas bien [d'être gay]" est notamment l'une des raison pour lesquelles Lupe Valdez a décidé de se présenter dans un État qui est en haut de la liste noire des endroits où habiter pour de nombreux membres de la communauté LGBT. Ça et le "déluge de commentaires négatifs au plus haut niveau" combiné avec ce qu'elle estime être une administration cassée et influencée par l'argent".
Une organisation qui n'augure rien de bon
Mais il faudra plus que de la bonne volonté et des bons sentiments pour l'emporter pendant les élections de mi-mandat à l'automne 2018. Valdez ne semble pas des mieux préparées pour affronter le républicain qui s'est fait élire en 2014 avec 60% des voix. En mars, elle n'avait toujours pas de directeur de campagne et organisait sa candidature depuis chez elle, entourée de sa compagne et de leurs trois chiens.
Niveau trésorerie, le compte n'y est pas non plus. L'ancienne shérif avait récolté environ 200.000 dollars, dont 25.000 de sa poche, au premier trimestre 2018 alors que le républicain Greg Abbott était lui assis sur un pactole de plus de 40 millions de dollars.
Elle est aussi régulièrement critiquée pour son manque de maîtrise sur des dossiers aux enjeux régionaux, et non locaux. Des soutiens de son concurrent démocrate à la primaire avaient publié une tribune dans ce sens en février et un professeur en sciences politiques à Houston jugeait fin mai auprès de nos collègues américains du HuffPost qu'elle "avait montré qu'elle avait de réelles lacunes sur des questions de politique à l'échelle de tout le Texas".
Reste maintenant à voir si la mobilisation aura lieu ou non. Lors de la présidentielle 2016, les quatre plus grandes villes du Texas ont voté pour Hillary Clinton mais Donald Trump l'a quand même emporté dans tout l'État avec neuf points d'avance. Le vote républicain dans les campagnes et banlieues demeure écrasant et seule une vraie participation des électeurs latinos -qui n'étaient que 40% à se rendre aux urnes en 2016- pourrait vraiment faire pencher la balance.
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