Saint-Ouen : Moussa*, 15 ans, sans domicile à un mois du brevet

Sa famille s’est retrouvée à la rue après avoir été expulsée de son logement le 25 avril. Moussa, sa mère et ses deux petits frères sont actuellement hébergés par le 115. Un rassemblement de soutien est organisé ce mercredi devant la mairie.

 Saint-Ouen, mardi 22 mai. La famille de Moussa*, élève de troisième au collège Michelet, a été expulsée de son logement le 25 avril.
Saint-Ouen, mardi 22 mai. La famille de Moussa*, élève de troisième au collège Michelet, a été expulsée de son logement le 25 avril. LP/F. Ni.

    Le 30 avril, au retour des vacances, Moussa*, 15 ans, s'effondre, en pleurs, face à son professeur de maths. « Il m'a expliqué qu'il ne pourrait pas faire ses devoirs comme d'habitude. J'ai très vite senti qu'il y avait un problème : avec sa famille, il dormait à la rue depuis presque une semaine », raconte, encore marqué, Mehdi Ben Hamouda, enseignant au collège Michelet à Saint-Ouen.

    Ce mercredi, les enseignants de l'établissement, rejoints par une école primaire et deux autres collèges, organisent un rassemblement à 17h30 devant la mairie « contre les expulsions d'enfants scolarisés ».

    « Plusieurs familles de la ville sont expulsées ou menacées de l'être, sans proposition de relogement », pointent les professeurs. « Ces expulsions sont un drame en soi, mais en cours d'année scolaire, c'est catastrophique pour les élèves », complète Laurent Gadin, du Dal (Droit au logement) Saint-Ouen, qui sera présent ce mercredi.

    La mobilisation en urgence de ses professeurs le 30 avril a permis à Moussa, sa mère et ses deux petits frères de 8 et 12 ans, de sortir de la rue et de la petite voiture, prêtée par une connaissance, où la famille avait trouvé refuge.

    Deux nuits au chaud ont pu leur être payées grâce au fond social du collège, qui a aussi ouvert une cagnotte en ligne (www.paypal.com/pools/c/84e5PQzEPW). Jusqu'à ce que le 115 prenne le relais, et propose un hébergement d'urgence, depuis le 3 mai.

    La famille est actuellement logée dans un hôtel social à Saint-Ouen. Mais demeure dans l'incertitude. Moussa, en classe de troisième et décrit comme « exemplaire », doit passer son brevet des collèges dans un mois. « Il a été affecté, mais il ne laisse rien paraître, il veut se donner les moyens de réussir », témoigne son prof de maths.

    Saint-Ouen, mardi 22 mai. Moussa* vit actuellement avec sa mère et ses deux petits frères dans un hôtel social proche du collège. LP/F. Ni.
    Saint-Ouen, mardi 22 mai. Moussa* vit actuellement avec sa mère et ses deux petits frères dans un hôtel social proche du collège. LP/F. Ni. LP/F. Ni.

    Dans l'espoir de se voir attribuer rapidement un logement social, Aminata*, la mère de Moussa, a déposé en mars un recours Dalo. « Il est en cours d'instruction et devrait passer en commission fin mai », indique la préfecture de Seine-Saint-Denis.

    « J'ai tapé à beaucoup de portes. Est-ce que le miracle va se produire… », se désespère Aminata. Elle fond en larmes en se souvenant du jour où elle a dû, avec ses enfants, quitter précipitamment le logement où elle vivait, « depuis plus de cinq ans » à Saint-Ouen.

    L'expulsion a été prononcée à cause de loyers impayés. « J'ai arrêté de payer car il y avait une fuite d'eau depuis des mois dans l'appartement. Je devais éponger le sol en permanence, je ne dormais plus et le propriétaire ne faisait rien », se justifie Aminata. Elle doit 4500 €.

    « Avec une telle dette, j'ai bien peur de ne pas avoir droit à un logement social », s'inquiète cette employée de supermarché. Ses 1100€ de revenus mensuels ne lui permettent pas, dit-elle, de « trouver quelque chose dans les agences. »

    Dans le même temps, son aîné l'a rejoint depuis la Côte d'Ivoire, son pays natal où Aminata avait dû le laisser en 2002, pour tenter sa chance en Europe. Moussa est arrivé en région parisienne en juillet dernier, via la Libye et l'Italie.

    Il a été scolarisé au collège Michelet en cours d'année. « Et ça se passe bien, affirme Aminata. Mon fils fait preuve d'une maturité incroyable. Pourtant, c'est difficile pour lui d'étudier, sans savoir où l'on va… »

    *Les prénoms ont été changés.

    12 000 mises à l'abri chaque jour dans le 93

    En Seine-Saint-Denis, 12 000 personnes sont mises à l'abri chaque jour. « 9 000 sont hébergées à l'hôtel, et 3 000 dans des structures d'accueil », détaille Gérard Barbier, le président du réseau Interlogement 93, qui gère le 115, chargé de répondre à la demande d'hébergement d'urgence.

    Chaque jour, le numéro reçoit 6 300 appels, pour « 764 appels décrochés ». « Actuellement, on totalise 264 demandes non-pourvues, autrement dit 264 personnes —dont 189 sont en famille— qui ont réussi à nous joindre, sont en danger de rue et pour qui on n'a pas de réponse à apporter pour le moment », explique Gérard Barbier.

    Parallèlement, le 93 totalise aujourd'hui 112 000 ménages demandeurs d'un logement social, selon les chiffres communiqués par la préfecture. 13 000 attributions sont prononcées chaque année.