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Syrie

Témoignage: Hasna, rescapée de l’enfer des geôles syriennes

Rescapée des geôles syriennes, Hasna est aujourd'hui réfugiée en Jordanie.

Rescapée des geôles syriennes, Hasna est aujourd'hui réfugiée en Jordanie. - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE

VIDEO - Réfugiée en Jordanie, Hasna est l’une des rares à pouvoir témoigner des horreurs des prisons syriennes. A visage découvert, elle s'est confiée à BFMTV après avoir passé 16 mois en enfer.

"Ils m'ont suspendue en l'air, pendue par les bras pendant 18 jours". Hasna est revenue des geôles syriennes et tient aujourd'hui à raconter les horreurs perpétrées par le régime de Bachar al-Assad, alors que le conflit en Syrie dure maintenant depuis plus de trois ans.

Arrêtée deux fois et détenue en tout 16 mois, parce qu'elle fournissait de la nourriture et des médicaments aux rebelles, son témoignage atteste de l'extrême cruauté des hommes du dictateur. Torturée à l'électricité, nue devant des hommes et des femmes, aspergée d'eau gelée en hiver, obligée de dormir au milieu de cadavres, brûlée... Elle a vécu l'impossible.

"Ils m'ont dit: on veut ton mari et tes fils et on veut les noms de tous les combattants de ton quartier", explique-t-elle, aujourd'hui réfugiée en Jordanie.

Une famille décimée

Torturée pendant des mois, tantôt isolée dans une cellule sans lumière, tantôt en cohabitation avec d'autres femmes, Hasna s'est accrochée à la vie en lisant le Coran et en prenant soin de ses co-détenues. Originaire de Deraa, ville du sud de la Syrie où a éclaté la révolte, elle est la mère de quatre filles et quatre garçons. Cette femme de 50 ans a perdu trois fils dans les répressions des manifestations; son mari a été torturé à mort en prison.

L'une de ses filles se trouvait avec elle en détention. A la question taboue de savoir si elles ont été violées, Hasna répond qu'elles ont réussi à se débattre et à échapper aux assauts de leurs geôliers. Elle raconte en revanche que d'autres co-détenues sont tombées enceintes pendant leur détention.

Vingt morts par jour

Hasna a été libérée il y a quatre mois en échange de dix prisonniers du régime. Elle vit desormais en Jordanie comme 600.000 de ses compatriotes qui ont trouvé refuge de l'autre coté de la frontière. Logée dans un petit appartement dont elle ne sort pas, elle vit avec sa belle-fille et ses petits-enfants.

Si elle est aujourd'hui saine et sauve, elle garde des séquelles physiques des tortures et des brûlures qui lui ont été infligées. Elle ne peut s'empêcher de penser aux autres femmes restées après elle en détention. Des pensées auxquelles elle ne peut échapper et qui l'empêchent de dormir la nuit.

Le jour où Hasna a été arrêtée, plus de 100 Syriens ont subi le même sort. Parmi eux, la moitié a été tuée le jour-même, selon elle. Hasna estime qu'une vingtaine de prisonniers étaient tués chaque jour dans le centre où elle était détenue.

Des milliers de Syriens sont morts en détention depuis le début du conflit, des chiffres difficiles à établir. Un rapport évoque le nombre de 11.000 prisonniers torturés à mort dans la seule région de Damas. Et au moins 25.000 personnes seraient passées par des centres de détention, selon Human Rights Watch. L’ONG a établi une cartographie des ces lieux secrets, ils sont au nombre de 27.

Combien sont-ils encore dans les geôles de l’enfer ? Sans doute plusieurs milliers.

>> Les reporters de BFMTV ont également rencontré un ancien haut responsable du régime syrien, qui raconte les méthodes inventées par les tortionnaires. Une interview à retrouver dans le Grand Angle "L’enfer des geôles syriennes" qui sera diffusé mercredi soir sur BFMTV et que vous pourrez retrouver ensuite sur BFMTV.com dans la rubrique Grand Angle.

K. L avec Caroline Mier et images Quentin Baulier