EXCLUSIF - Le Média va tester la publicité, au grand dam de ses adhérents

L'arrivée de la publicité sur Le Média a provoqué une levée de boucliers.
L'arrivée de la publicité sur Le Média a provoqué une levée de boucliers. © Capture d'écran Le Média
  • Copié
Raphaëlle Baillot, édité par Romain David
La web-télé lancée par des proches de Jean-Luc Mélenchon va tester pendant plusieurs semaine un financement par annonceurs. Et ça ne plaît pas à tout les "socios".
INFO EUROPE 1

Révolution chez Le Média. La web-télé proche de La France insoumise, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, aura bientôt de la publicité. Jusqu'à présent le site était uniquement financé par les cotisations de ses quelque 19.000 adhérents, appelés "les socios". Mais le 13 mai, les "socios" ont découvert dans un mail que le média allait "lancer une période de test de publicité du 15 mai au 30 juin", pour évaluer "la monétisation de [leurs] deux sites : lemediatv & lemediapresse".

Construire un modèle propre. Certains adhérents sont tombés de leur chaise : pourquoi de la pub sur un média indépendant ? Le mail répond en deux points : "1/ évaluer la valeur de nos sites en termes purement économiques selon le modèle dominant. […] 2/ Apprendre du système publicitaire dominant pour créer notre propre système". Concrètement, Le Média va utiliser un algorithme, qui choisit les pubs pour chaque utilisateur, comme chez les géants du web, mais avec une réserve : "En testant les modes existants, nous voulons justement nous poser les bonnes questions : comment construire une publicité éthique ? Comment sélectionner les annonceurs ? Comment évaluer leur éthique ?" Et il y a même cette question : "Va-t-on accepter la publicité en provenance de marques qui polluent, qui ont recours au travail des enfants, qui licencient ?"

La colère d'Alain Badiou. Ces annonces ont provoqué une levée de boucliers au sein du Média. A l’instar du philosophe Alain Badiou, figure de réputation mondiale, l'une des icônes de la gauche de la gauche. Il a écrit au Média dès le 13 mai, pour faire part de son refus. "En somme, déjà, vous rentrez dans le rang. Et vous masquez cette entrée par des antiphrases du genre 'tester notre valeur' ou 'publicité éthique'. J'avoue que je suis très déçu, moi qui pour la première fois avait accepté de devenir "socio", ce qui veut dire, en principe, plus ou moins co-gérant, fut-il minuscule, de Media", écrit-il dans ce courrier qu'Europe 1 a pu consulter.

La fin de l'indépendance journalistique. "L'inclusion dans la circulation du Capital, sous la forme directe d'une rente publicitaire, est à l'opposé de tout ce que par ailleurs vous semblez affirmer. Vous savez parfaitement, mieux que tout le monde, que c'est par cette porte que se fait l'entrée des puissances dominantes dans tous les secteurs qui se proposent d'informer l’opinion", ajoute-t-il. Il finit par ces mots : "J'espère qu'un sursaut collectif vous barrera la route de ce qui a toujours été la croix des organes de presse : l'expansion de la diffusion poussant à une expansion financière mal contrôlée, laquelle, invariablement, fait de 'l'indépendance' journalistique une fiction propagandiste'". À ce stade, le philosophe dit n’avoir reçu aucune réponse de la direction.