Udo Bullmann: «Macron doit choisir entre être progressiste ou pas»

Udo Bullmann [EPA-EFE/IAN LANGSDON]

Le président français Emmanuel Macron devrait clarifier son identité politique. Et décider s’il est un  « véritable progressiste » souhaitant contribuer à une Europe sociale, estime le président du groupe S&D, Udo Bullmann.

Udo Bullmann est le chef de file des socialistes et démocrates (S&D) au Parlement européen.

Vous avez lancé l’initiative Progressive Society avec un programme spécifique. Pourquoi maintenant ?

Nous sommes à la croisée des chemins. Nos sociétés subissent des transformations fondamentales et font face à des défis complexes – non seulement en Europe, mais aussi dans le monde entier.

Ces transformations, telles que le changement climatique, la numérisation et les migrations à grande échelle, nous obligent à reconsidérer notre modèle de développement sociétal. Si nous ne parvenons pas à trouver les bonnes réponses, les inégalités et l’aliénation se creuseront.

Si vous parlez aux gens dans un langage théorique et que vous abordez une multitude de questions économiques, sociales et environnementales, personne ne va écouter et comprendre. C’est souvent trop compliqué. Si vous posez aux gens des questions auxquelles ils peuvent s’identifier, vous commencez à vous engager avec eux. Pourquoi les enfants pauvres sont-ils empoisonnés par la pollution diesel ? Pourquoi les familles à faible revenu n’ont-elles pas accès à une nourriture de qualité ? Vous ne pouvez pas parler d’économie sans parler d’emploi. Vous ne pouvez pas discuter de l’emploi sans tenir compte des questions environnementales. Et vous ne pouvez vraiment pas penser aux défis environnementaux sans tenir compte de leurs conséquences sur l’inégalité sociale.

Le groupe S&D se rapproche-t-il de la gauche radicale ?

L’initiative de la Progressive Society est une indication du caractère progressiste de notre mouvement. Nous voulons redéfinir la manière de rester fidèles à nos racines. Nous devons être un mouvement moderne ; nous devons identifier les défis d’aujourd’hui pour apporter des réponses pour demain.

L’histoire de la démocratie sociale a toujours été, et sera toujours, de donner du pouvoir aux gens.

Les portes du S&D sont-elles ouvertes aux partis verts et de gauche radicale ?

Notre projet est large et nous sommes prêts pour une compréhension mutuelle de ce qui est progressiste. Notre objectif est de renouer avec les initiatives citoyennes, les quartiers et les syndicats traditionnels.

Nous sommes à la tête de la famille progressiste. Cette famille ne peut pas être gouvernée par la segmentation ; elle a besoin d’idées communes.

Au moment de changer la loi sur les marchés financiers, nous nous sommes appuyés sur une coalition de sociaux-démocrates et de Verts, mais aussi de conservateurs intelligents qui avaient une conscience sociale et qui ont décidé d’être du côté des PME et contre les grandes industries financières.

Cette approche ascendante me rappelle le mouvement En Marche d’Emmanuel Macron. Voyez-vous de la place pour la coopération ?

Il faut reconnaître que Macron s’est bien débrouillé en France dans une situation très critique. Les électeurs devaient faire le choix entre le nationalisme et l’Europe. Il a redoublé d’efforts pour placer l’Europe au cœur de sa campagne et a tourné la page vers une position pro-UE. C’est une valeur en soi.

Cependant, Emmanuel Macron doit maintenant être à la hauteur de ses idéaux pro-européens. Défiler au son de l’Ode à la joie ne suffit pas. On ne peut pas être en faveur d’une “Europe pour tous” d’un côté et s’opposer de l’autre côté au paquet sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée proposé par la Commission. Nous demandons donc à Emmanuel Macron de dire s’il est un véritable progressiste, et s’il contribue ou non à une Europe sociale.

Certains socialistes français se sont déjà rapprochés de Macron…

C’est douloureux de voir des camarades quitter notre mouvement. Mais il faut aussi reconnaître que la situation française est très particulière. Je ne vois pas d’évolution à l’échelle de l’UE dans ce sens.

Opération séduction de Macron au Parlement européen

Venu à Strasbourg pour compter ses alliés à un an des Européennes, le président français a tenté de séduire au-delà des familles politiques, l’audace du discours de la Sorbonne en moins.

 

Que pensez-vous de la proposition de cadre financier pluriannuel (CFP) de la Commission ?

 

En tant que sociaux-démocrates, nous plaidons en faveur d’une approche où les objectifs de développement durable de l’ONU servent de guide pour la réforme du budget. Vous pouvez donc procéder à des coupes dans les grandes exploitations agricoles, mais pas dans les petites exploitations familiales ou dans la politique de cohésion. J’apprécierais vraiment que nous puissions adopter une approche systématique pour développer nos lignes budgétaires. C’est là que nous pouvons avoir un débat politique sur la direction à prendre.

Que pensez-vous de la proposition de conditionner le versement des fonds européens au respect de l’État de droit dans le prochain CFP ?

Bien entendu, tous les citoyens de l’UE ont le droit et méritent que les lois soient correctement mises en œuvre. Si la Commission est critique à l’égard des pays qui ne défendent pas la liberté de la presse, la liberté d’expression ou l’indépendance de la justice, alors la disposition relative à l’État de droit ne vise pas à punir les gouvernements, mais à défendre le peuple.

L’UE est une entité fondée sur l’État de droit et nous devons la défendre. On ne peut pas dire : « Je me fiche des obligations légales, mais l’argent est à moi ».

D’un autre côté, bien sûr, nous avons besoin d’un dialogue sur les problèmes à deux poids, deux mesures. Si vous regardez les plaintes des pays d’Europe centrale et orientale sur les produits de même marque mais de qualité différente vendus par l’industrie agroalimentaire, je comprends parfaitement leurs plaintes. Pourquoi ces consommateurs devraient-ils accepter une qualité moindre ?

Sous la pression de l’Est, Bruxelles interdit la double qualité des produits

La Commission européenne a annoncé le 11 avril qu’elle interdirait les différences de qualité des aliments entre les pays de l’UE, à la suite de plaintes des États d’Europe centrale et orientale (PECO).

Les pays d’Europe centrale et de l’Est affirment qu’ils ont près de 80 % de la productivité de l’industrie automobile des usines d’Europe occidentale. Ils se demandent donc pourquoi ils ne gagnent que 30 % du salaire. Il existe un énorme écart salarial entre les économies de l’Est et de l’Ouest. Ce n’est pas juste.

Je préconise une nouvelle entente entre l’Ouest et l’Est. Les sociétés doivent se comprendre. Cela contribuera à renforcer les idées communes pour des politiques humaines sur les réfugiés et la migration.

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