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YouTube accusé de démonétiser les vidéos sur le corps et la sexualité des femmes

Avec le mot-clé #MonCorpsSurYouTube, lancé par l’association Les Internettes, des vidéastes reprochent à la plateforme d’empêcher l’insertion de publicités dans certaines de leurs vidéos.

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Publié le 25 mai 2018 à 17h27, modifié le 25 mai 2018 à 17h27

Temps de Lecture 4 min.

Sur YouTube, les vidéos dédiées à l’éducation sexuelle ne sont pas toujours jugées adaptées à la publicité.

Avortement, coupe menstruelle, acceptation de son corps… Sur YouTube, les vidéos évoquant le corps ou la sexualité des femmes seraient « systématiquement démonétisées », selon Marie Camier Théron, cofondatrice et trésorière des Internettes. Vendredi 25 mai, cette association française, qui valorise la création féminine, a décidé de lancer un mot-clé sur les réseaux sociaux, #MonCorpsSurYouTube, afin d’attirer l’attention de la plateforme. Des dizaines de créateurs et créatrices y ont partagé leur expérience.

Il y a par exemple Calie, qui parle de sujets de société et de culture sur sa chaîne Calidoscope et a vu sa vidéo sur l’avortement dans le monde réservée aux plus de 18 ans et démonétisée. Charlie Danger, de la chaîne aux 313 000 abonnés Les Revues du monde, dont la vidéo sur les règles a également été démonétisée. Ou encore Léa Bordier, qui fait des portraits de femmes et dont l’une des vidéos a été jugée non compatible avec les publicités, à cause d’un « soutien-gorge un peu transparent », dit-elle au Monde.

Ici, une vidéo qui parle d’acceptation de son corps, où une invitée porte un soutien-gorge un peu transparent. Elle sera interdite aux moins de dix-huit ans.

« YouTube ne censure pas seulement le corps des femmes »

Pour certaines créatrices, les démonétisations semblent quasi systématiques. Marine Périn, alias Marinette, estime ainsi, capture d’écran à l’appui : « IVG, violences sexuelles, justice et même le portrait de militantes russes. Chez moi, YouTube ne censure pas seulement le corps des femmes, mais TOUT ce qui concerne LEURS DROITS. »

Sur YouTube, tout créateur qui respecte les critères du programme « partenaire » peut en théorie monétiser ses vidéos, c’est-à-dire y insérer des publicités qui permettent de générer des revenus. Parce que des annonceurs avaient quitté la plateforme dès début 2017 après avoir remarqué que leurs publicités apparaissaient dans des contenus haineux, d’apologie du terrorisme, ou des vidéos d’enfants commentées par des prédateurs sexuels, YouTube a durcit ses règles ces derniers mois.

Depuis mars 2017, les annonces ne sont diffusées par défaut que sur des contenus que la plateforme juge « sûrs ». Des annonceurs peuvent toujours choisir d’afficher leurs publicités sur d’autres vidéos, mais ils doivent en faire la démarche eux-mêmes.

« Je ne m’en étonne même plus »

YouTube détaille dans ses règles publicitaires ne pas monétiser les vidéos présentant « un caractère sexuel très prononcé », comportant par exemple des scènes de nudité, parties du corps ou simulations sexuelles. Ne sont pas non plus adaptés à la publicité « les contenus présentant des jouets et des objets sexuels ou qui traitent explicitement de sexe », sauf s’il s’agit de vidéos d’éducation sexuelle. Une précision qui ne semble pas s’appliquer à certaines vidéastes, comme Clemity Jane, 78 000 abonnés au compteur.

Sa chaîne, consacrée à l’éducation à la sexualité, est régulièrement la cible de démonétisations. « A vue d’œil, il me semble que c’est le cas de 90 % de mes vidéos, je ne m’en étonne même plus ! », écrit-elle au Monde, précisant avoir malgré tout eu affaire à « des humains géniaux travaillant à YouTube » qui n’hésitent pas à mettre sa chaîne en avant, notamment à travers le programme #EllesFontYouTube, dédié aux créatrices et destiné à « faire entendre leur voix » sur YouTube.

YouTube n’affiche pas non plus d’annonces avant des contenus portant sur des sujets « controversés » ou « sensibles » comme « les abus sexuels », « même si aucune image choquante n’est diffusée », indiquent les règles publicitaires.

Contactée, YouTube France assume ses choix de modération, conformes à son règlement. Mais un porte-parole explique que cela n’empêche pas pour autant « la liberté d’expression ».

« Il existe des vidéos qui respectent le règlement de la communauté YouTube, mais qui ne conviennent pas nécessairement à l’ensemble des annonceurs. Les vidéos conformes à notre règlement de la communauté peuvent rester sur YouTube.  »

Des vidéos « invisibilisées » ?

Pour faire appliquer ses règles, YouTube a recours à un système de double modération. Les contenus sont d’abord analysés de manière automatique, grâce à un algorithme. Ils peuvent être à ce moment-là démonétisés. Ensuite, des modérateurs humains vérifient les décisions prises. Ils peuvent ne pas être d’accord, et décider de remonétiser une vidéo. S’ils ne le font pas, le vidéaste a le droit de faire appel, et de demander une réévaluation.

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« L’algorithme démonétise mes vidéos à chaque fois, raconte au Monde Léa Bordier. A part pour l’une d’entre elles, les modérateurs sont revenus sur cette décision. Le problème, c’est que cela prend du temps, au moins vingt-quatre heures. Ce sont des choses qui comptent, car les premières heures sont les plus importantes, elles jouent beaucoup dans le succès d’une vidéo et par conséquent sur les revenus qu’elle génère. »

Des pénis, mais pas de clitoris

« Tout ceci pose d’autant plus question que ce sont les femmes, leur corps et leur sexualité qui sont ciblées », regrette Marie Camier Théron, des Internettes, avant d’ajouter : « Ces démonétisations touchent aussi les vidéos qui touchent au milieu LGBTQ +. Elles sont d’office considérées comme étant du contenu sexuel. »

A l’inverse, il semblerait que des vidéos sur la sexualité hétérosexuelle ou sur le corps masculin ne posent pas autant de problèmes. Ainsi, le vidéaste Nota Bene s’étonne d’avoir vu sa vidéo sur le sexe au Moyen Age, dont le titre comprend pourtant le mot « sexe », et dont la miniature est pour le moins explicite, monétisée par YouTube. Julien Ménielle, de la chaîne DansTonCorps, racontait au Frames Festival, un rendez-vous avignonnais destiné aux vidéastes en septembre dernier, une expérience édifiante.

En mai 2017, il avait voulu publier sur sa chaîne deux vidéos : l’une sur le pénis, l’autre sur le clitoris. La première s’était rapidement retrouvée dans l’onglet « Tendances » de YouTube, qui met en avant les vidéos à succès du moment. La seconde avait fait un bon démarrage, puis avait soudain été démonétisée, et interdite aux moins de 18 ans. A l’époque, YouTube avait plaidé une erreur, avant de remonétiser la vidéo.

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